Crescas, fils de Davin de Carcassonne,
plus tard Pierre de Nostredame dit d'Avignon,
aïeul paternel (branche paternelle)
de Nostradamus


   N ous savons que Crescas, fils de Davin de Carcassonne et de Venguesete, prend femme en mai 1448, sans doute vers l’âge de dix-huit ans. Avec l’autorisation paternelle, il se marie à Stella, fille d’Isaac Crescas de Castello, habitant Sisteron. Elle apporte comme dot, outre 100 florins d’habillement et de joyaux, 50 florins en argent. Durant huit ans, le jeune couple bénéficie du logement gratuit ainsi que de l’entretien complet, offert par Davin dans sa demeure. Au bout du temps fixé, si les conjoints désirent partir ou si le père ne veut pas les garder davantage, il remettra 100 florins en numéraire à son fils.

   Par la suite, les protocoles des notaires avignonnais restent muets à son égard. Son activité consiste alors, peut-être, à tenir pour son père, dans la juiverie, une des nombreuses boutiques où se vendent chausses, pourpoints et autres hardes masculines ou féminines d’occasion.

   La conversion de Davin, désapprouvée par la femme et le fils, contraint Crescas à subvenir lui-même à ses besoins, en continuant le trafic traditionnel de la famille, avec les Comtadins en particulier.

   A partir de septembre 1459, le nom de Crescas de Carcassonne semble avoir disparu des registres des notaires malaucéens. Par contre, un nouveau chrétien qui, il y a peu de temps, résidait dans la petite ville de Malaucène, diocèse d’Orange, et y possédait des propriétés foncières, se manifeste pour la première fois, semble-t-il, le 24 janvier 1460, dans une vente, sous le nom de Pierre de Notre-Dame.

   Ainsi, Crescas de Carcassonne a bien abandonné sa religion ancestrale pour le catholicisme.

   Quel fut le motif de la conversion de Crescas de Carcassonne ? Est-ce la peur d’une mort tragique engendrée en juin 1459, par le massacre, à Carpentras, de plus de soixante Juifs, au cours du pillage de leur quartier perpétré par un groupe de chrétiens de cette ville, entretenue ensuite par l’impunité dont bénéficièrent les auteurs de ces crimes durant un temps assez long ? Est-ce que ce sont les contraintes sociales pénibles et les restrictions récentes provenant des bulles de Pie II ? Est-ce que ce sont toutes les injures qui le blessaient lorsqu’il portait le signe de la rouelle ? Comme pour son pére Davin, nous ignorons aujourd'hui les véritables raisons qui le poussèrent à embrasser la foi chrétienne.

   Le 26 mai 1463, Arnauton de Vélorgues et Pierre de Nostredame sont désignés comme « père et fils » dans une reconnaissance de dette. Cet acte, conservé aux archives du Vaucluse, montre que ce Pierre de « de Notre-Dame » n’est point émancipé en 1463 et qu’il est toujours sous l’autorité paternelle. Il avait dû se séparer de Stella, son épouse, ou un décès prématuré la lui avait enlevée, car depuis quelques années, il est remarié. Néanmoins, cette dernière union se trouve sur le point d’être dissoute.

   A cette époque, on restait assez longtemps en puissance paternelle.

   Crescas de Carcassonne avait donc épousé une seconde juive, Benastrugie, fille d’un Josse Gassomet de Monteux. Le beau-père, qui se convertira comme son gendre au christianisme, prendra le nom de Ricau. Cependant, Benastrugie, comme sa belle-mère Venguesete, refusa de changer de religion.

   Le néophyte Pierre de Nostredame, courtier d’Avignon, est donc autorisé à annuler son mariage juif, afin d’obtenir obtenir le « guet », comme nous dirions aujourd’hui. De cette manière, Pierre de Nostredame pouvait épouser une autre femme en mariage chrétien.

   A Orange, dans l’auberge de l’Epée Rouge, le 14 juin 1463, par devant le juge ordinaire de la ville qui est aussi celui de la principauté, comparaissent l’ex-juif Pierre de Nostredame, commerçant d’Avignon, et sa femme Benastrugie, fille de Ricau, nommé auparavant Josse Gassomet, de Monteux. Puisque Benastrugie refuse de se faire chrétienne, sa répudiation demandée par le mari est accordée par le juge. Le même jour et au même endroit, un juif, Dieulosal de Narbonne, fait une donation au récent converti, Pierre de Nostredame, « par affection et en reconnaissance de ses services ». Sont indiquées les résidences de son ancien beau-père : jadis Carpentras, à présent Malaucène, diocèse d’Orange.

   Crescas de Carcassonne embrasse la religion catholique dans les cinq mois qui précèdent le 24 janvier 1460. Sa nouvelle désignation, « Pierre de Notre-Dame », semble ignorer celle de son père Arnauton de Vélorgues. Il adopte le même nom que celui pris par Vidon Gassomet, juif de Carpentras, en se faisant chrétien.

   Ainsi, l’appellation adoptée par Crescas, dans ces Etats pontificaux et durant l’existence du cardinal Pierre de Foix, n’a pu être donnée qu’avec l’autorisation du prélat, puisque qu’elle fut initialement accordée, pour des motifs personnels, à Vidon Gassomet. Ce dernier s’est éteint depuis près de quatre ans lorsque, sans doute à l’instigation de son beau-père Josse Gassomet, frère du défunt, Crescas de Carcassonne a obtenu de porter les nom et prénom encore disponibles de « Pierre de Notre-Dame ».

   Une curieuse coïncidence : Vidal de Carcassonne, un lointain parent du néophyte, avait été condamné, en octobre 1397, à payer une amende de 100 florins, pour avoir proféré des paroles injurieuses contre la Vierge Marie, « Nostre-Dame », pendant que l’on sonnait pour l’Ave Maria.

   Le 6 septembre 1464, Pierre de Nostredame, néophyte et marchand d’Avignon, se fait émanciper par son père Arnauton de Vélorgues.

   Trois mois plus tard, le récent converti se rend dans la capitale provençale pour convoler en troisième noces. Les fiançailles entre Pierre de Nostredame, d’Avignon, et Blanche de Sainte-Marie, d’Aix, ont lieu le 8 décembre 1464. Des documents, conservés aux archives des Bouches-du-Rhône, nous le montrent commerçant tantôt à Aix, tantôt dans sa ville natale.

   Son beau-père, Pierre de Sainte-Marie, médecin, citoyen et habitant d’Avignon, reconnaissant une certaine négligence envers sa fille Blanche, les répare par le don à celle-ci d’une maison et d’un verger situé dans la juiverie d’Aix.

   A partir de cet instant, le ménage s’installe définitivement dans l’ancienne cité pontificale.

   Différents actes notariés, pendant près de vingt ans, évoquent l’activité professionnelle de Pierre de Nostredame, citoyen d’Avignon, dans le commerce de céréales, avoine et blé, ainsi que dans le commerce de l’argent.

   L’aïeul de Michel de Nostredame meurt vers l’âge de cinquante-deux ans environ, car en février 1485 deux actes notariés le signalent disparu.

   Dans la seconde moitié du XVe siècle, les Nostredame sont devenus plus riches et se sont davantage insérés dans la société chétienne. Si de nombreux Juifs figurent encore comme témoins dans les diverses opérations commerciales d'Arnauton de Vélorgues et de son fils Pierre de Nostredame, on notera qu'à la fin de leur vie, ils n’ont plus que des témoins au nom uniquement chrétien. Par ailleurs, ils semblent avoir moins de rapports avec les simples marchands, et ils étendent leurs relations avec des familles nobles, des clercs ou des notaires.

 

Blanche de Sainte-Marie,
troisième épouse de Pierre de Nostredame


   E n 1503, on trouve mention de Blanche de Sainte-Marie, veuve de Pierre de Nostredame. C’est l’année de la naissance à Saint-Rémy de son petit-fils Michel, le fameux Nostradamus.

   Pierre de Nostredame, courtier en Avignon, épousa donc Blanche de Sainte-Marie qui lui donnera plusieurs enfants, au moins trois garçons : Jaume, François et Pierre ses héritiers. Leur mère Blanche est leur tutrice, suivant un acte de juin 1485.

   Les archives de Vaucluse nous apprennent que ces derniers avaient une sœur prénommée Marguerite, qui épousera, en décembre 1494, Pierre Jean, teinturier en Avignon.

   Nous savons qu'en 1476, Jaume (ou Jacques), père de Nostradamus, apprend à lire et à écrire.

   Son frère François mourut jeune, car on n’entend plus parler de lui après le 15 juin 1485.

   Quant à Pierre, il était marchand comme son père ; il avait quitté Avignon, car dès 1513, il est habitant et citoyen d’Arles. Il épouse, vraisemblablement dans les dernières années du siècle, Louise Methelin, dont le père, Rodolphe, est le fils d’Isaac Simon dit Baraton, Juif de cette cité. On raconte, au sujet de cet oncle de Nostradamus, une curieuse anecdote, qui apporte un éclairage particulier sur les dons prophétiques de la famille. En 1535, il parie avec un marchand de Tarascon, Thomas de Barême, Juif converti, que Jeanne d’Arbaud, femme de Thomas Boye, est enceinte et qu’elle accouchera sou peu. Sur ce pronostic, Pierre engage une chaîne d’or de grande valeur contre 6 écus. Malheureusement pour lui, il avait peu de chances de gagner : Jeanne d’Arbaud était mariée depuis plus de 45 ans !

   Catherine épousera, début de 1483, Trophime Aycardi, marchand d’Arles. Couchée en 1498 sur le testament de son nouveau conjoint, Trophime Marie, négociant arlésien, elle reste veuve avec un enfant. Enfin, le 4 novembre 1502, elle convole en troisièmes noces avec Louis Jean, néophyte de la même ville, nous renseignent les archives des Bouches-du-Rhône.

   Barthélemye, probablement la puînée de Catherine, épousera Barthélemy Bezaudin, commerçant de Salon, signalé comme néophyte en 1490.

   Voir ci-après notre Tableau généalogique n° 3 :

Généalogie de Crescas de Carcassonne

 

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