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ANALYSE |
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Fausse Lettre à Henry, Roy de France second
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La valeur prédictive de la Lettre à Henry
Les recherches de Jacques Halbronn sur les textes centuriques de Nostradamus apportent un éclairage singulier à une question qui ne peut pas être esquivée depuis la parution d’une traduction de la Lettre à Henry, roy de France second, publiée en 1991 par le signataire du présent article et rendue en grande partie disponible sur l’Internet depuis l’automne 2002.1 A l’exception des trois dates insérées dans le préambule de la lettre, quelle conclusion pourrait-on tirer si on pouvait démontrer que les événements décrits dans le texte commencent avec la Révolution française, et pas avant ? Nous aurions des éléments de réponse à la lumière des recherches étonnantes de Jacques Halbronn qui l’amènent à conclure que les textes centuriques ont pris leur forme définitive à la fin du XVIe, ou au début du XVIIe siècle, soit 40 à 50 ans après la mort de Nostradamus. Serait-ce que l’auteur ou les auteurs de cette missive voulaient justement préserver le caractère prédictif des événements présentés dans la Lettre à Henry pendant ce temps écoulé jusqu’à la formation définitive du corpus nostradamique ? Dans cette éventualité, la valeur prédictive de la Lettre à Henry serait parfaitement préservée contrairement à bon nombre de quatrains qui ont perdu ce caractère à cause des fausses éditions antidatées et à cause de toutes les manipulations liées à la propagande orchestrée lors des guerres religieuses et tout au long de l’existence de la Ligue.
L’importance relative de l’identité de l’auteur
Mais faudrait-il renoncer à comprendre le contenu de cet épître parce qu’il n’est pas sûr qu’il soit de la plume d’un seul auteur ? Cette lettre devrait-elle être discréditée pour la simple raison qu’on y trouve des variantes et des ajouts ? Et avant de conclure qu’elle a été l’objet de manipulations et d’interpolations, et non d’ajouts autorisés, faudrait-il en avoir compris le sens original pour juger correctement d’un réel détournement de sens opéré par des faussaires ? Sinon pourquoi ne pourrait-t-on pas conclure que les passages ajoutés étaient utiles à un renforcement de sens ? On doit convenir, et Jacques Halbronn en convient lui même, qu’en matière de recherches de preuves d’authenticité, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Mais faudrait-il aussi pour cela démontrer que le bébé est encore bien vivant et qu’il est à l’abri de sévices qui pourraient lui être fatals ?
Un contrat entre le traducteur et l’auteur
C’est pourquoi toute personne qui s’investit sérieusement dans un travail de traduction de cette lettre doit exiger, en contrepartie, qu’elle contienne la clé des énigmes qui s’y trouvent en sachant bien que, par nature, elles se présentent le plus souvent dans un style incohérent et contradictoire. L’auteur de l’épître a-t-il voulu que sa missive soit comprise dans un temps plus ou moins lointain, à une époque donnée et pas avant, et peut-être aussi dans un lieu déterminé ? Et bien soit ! Le traducteur exigera de l’auteur la présence dans le texte des indications qui orienteront l’analyse et les avancés sur des bases absentes d’arbitraire, ce qui ne veut pas dire absence de doute et d’incertitude. Par exemple, en proposant de convertir les données de la deuxième chronologie de la Lettre à Henry en années du calendrier lunaire, le traducteur doit trouver dans le texte des indications à cet effet, et plus encore, une indication qui guide le choix vers un calendrier lunaire bien précis. Alors dans la recherche des indices, il suffit d’ouvrir l’oeil et le bon. Et faire preuve d’un peu d’ouverture d’esprit ne nuit pas non plus. Dans la pratique de l’art de la traduction, il faut s’éloigner du jugement hâtif et sans appel, comme celui qui fera conclure à la non authenticité de la Lettre à Henry, uniquement parce que l’une des chronologies bibliques est différente de celle publiée par ailleurs dans un autre écrit du même auteur, bien que cette différence soit déjà évidente à la comparaison des deux chronologies présentes dans la lettre. Ce genre de commentaire sert trop souvent de prétexte commode pour se dédouaner d’un texte déconcertant, incohérent et contradictoire à prime abord.
A chacun son métier
En tant que praticien, il faut aborder le travail de traduction de la Lettre à Henry comme on aborde la traduction des oeuvres d’Homère, sans se demander si le personnage était unique ou multiple, sans se demander si l’épître venait d’un seul homme, d’un collectif, ou d’une société plus ou moins secrète et sans se préoccuper des conditions qui ont prévalues à la naissance d’une oeuvre potentiellement soumise à un work in progress, plutôt que construite dans un moule définitif dès la première parution. Nous ne nions pas l’importance fondamentale de ces questions que Jacques Halbronn et d’autres abordent avec une minutie et une conviction que nous leur envions. Mais à chacun son métier dans le partage d’un même espace et chacun sa vision sans guerre de chapelle.
La présence d’un système bien ficelé
La Lettre à Henry peut-elle nous livrer un message sur notre passé, sur notre présent et sur notre avenir ? En somme, pour répondre par l’affirmative à cette question, il faudrait voir apparaître les événements successifs selon un ordre chronologique, ce qui constituerait une preuve inscrite dans le temps et l’espace assurant ainsi davantage de crédibilité à l’interprétation du traducteur. Il faudrait trouver des clés précises pour permettre de résoudre l’énigme des différentes chronologies qui balisent le texte de la lettre. Bref il faudrait pouvoir démontrer la présence d’un système bien ficelé, d’une machine bien huilée. Nous pensons avoir commencé à donner une réponse positive à ces questions dès 1991. Pourtant, vous ne trouverez probablement nulle part une référence bibliographique à notre ouvrage.dans les publications de la dernière décennie, bien qu’elle ait fait l’objet d’un dépôt légal à la Bibliothèque nationale du Québec et à celle du Canada.2
Le destinataire et le lieu de destination de la lettre
La Lettre à Henry, Roy de France second comporte un préambule dans lequel sont insérées les dates 1585, 1606 et 1557. L’hypothèse que nous soumettons au lecteur est la suivante : ces dates se veulent une indication précise sur le destinataire (le roy second, le vice-roi, le premier ministre) et sur le lieu de destination de la lettre (la France seconde, la Nouvelle-France). Cette personne serait vraisemblablement un premier ministre du Québec, ou du Canada, que l’auteur ou les auteurs de la lettre interpellerait, non à titre de simple représentant de la France seconde (comme une singuliere majesté tant humaine) mais, semble-t-il, comme le représentant éventuel d’un plus grand pouvoir, le responsable d’une mission de nature spirituelle, comme il est dit avec la grandiloquence d’un Plutarque (depuis que ma face estant long temps obnubilee se presente au devant de la deité de vostre majesté immesuree). Cette mission pourrait être remplie, par exemple, dans un mandat à titre de Secrétaire général de l’O.N.U ou comme émissaire de celle-ci. Ainsi, l’une ou l’autre des dates du préambule a pu être inséré dans la lettre bien après les premières éditions, et pas nécessairement par des faussaires, puisque le but pourrait avoir été de renforcer les indications sur le destinataire de la lettre. Il est plausible de considérer, que suite au test du temps auprès du lectorat, il devenait clair que le mystère sur ce destinataire était suffisamment opaque pour permettre l’ajout d’une ou de deux dates, ce qui sera bien utile plus tard pour déjouer les uns et éclairer les autres. D’ailleurs quel lien peut être fait entre les dates de ce préambule et l’adresse de la lettre ? D’abord, les dates nous éclairent sur des moments clés de la course qui s’engageait alors entre l’Angleterre et la France pour la conquête du Nouveau Monde. Bien sûr, l’éventualité d’une insertion tardive des dates dans le texte amoindrirait ou annulerait complètement leur valeur prédictive. Mais l’évocation de ses trois dates annonce aussi, d’une manière très subtile l'advenement qui sera apres, le résultat final de cette course et le destin malheureux de la France dans cette aventure. En cette matière, ces trois dates conservent tout leur potentiel prédictif. Pourtant le choix des années 1604 (l’implantation française en Acadie) et 1608 (la fondation de Québec) aurait été bien plus pertinent pour faire un lien avec la France seconde. Mais ces indices auraient sûrement mis en péril le dessein de l’auteur de conserver intact le mystère du lieu et du destinataire de la lettre jusqu’à notre époque. Ainsi la victoire et la félicité annoncées dans l’introduction de la lettre avaient moins de chance de laisser un goût amer et une réputation bien amochée pour l’auteur de l’épître après la défaite de la France en 1759 et la cession définitive du territoire à l’Angleterre en 1763. La ruse utilisée pour occulter le sens véritable de ce texte est contenue dans les dates qui vont constituer le contrepoids aux visées hégémoniques de la France dans le Nouveau Monde. Il arrive parfois qu’une bonne connaissance de nos adversaires nous apprenne beaucoup sur nous même.
Le génie de l’auteur et sa force de synthèse
Ce fut une gratification inouïe que d’avoir décelé dans ce texte une énigme construite d’une si jolie façon. Tentez vous même l’expérience en ouvrant le dictionnaire encyclopédique Quillet sous la rubrique Histoire générale. Dans notre cas, c’était l’édition de 1965 aux pages 2780 à 2783. Le génie de l’auteur et sa force de synthèse sont contenus dans ces trois dates. Tout ce qui est nécessaire à la compréhension du préambule s’y trouve, mais par opposition : la prise de possession, en 1585, de la Côte Est américaine par Walter Raleigh au nom de l’Angleterre, le début de la colonisation de la Nouvelle-Angleterre, en 1606, le début en Angleterre, de la persécution des puritains qui iront peupler la Nouvelle-Angleterre quelques années plus tard, et la défaite de la France à St-Quentin, en 1557, symbole de la défaite éventuelle de la France en Amérique au profit de ses deux grands rivaux, Marie Tudor d’Angleterre, et Philippe II d’Espagne, épouse et mari. On pourra bien dire que ses rapprochements sont basés sur des coïncidences historiques qui ne prouvent rien. Mais personne ne pourra désormais nous enlever le plaisir et l’ivresse d’avoir, l’espace d’un instant, en cet hiver 1991, redécouvert l’Amérique dans le préambule de cette lettre dédiée à un roi second, un vice-roi, ou vice légat de la France seconde. Et encouragé par cette percée inespérée, nous avons commencé à soulever le voile qui menait à la découverte d’un contenu occulté depuis quatre siècles.
L’année 1606 et l’énoncé de positions astrales
Nous savons bien que quelques savants astrologues ont beaucoup misé sur l’année 1606 et sur les positions astrales présentées après la deuxième chronologie pour démontrer la faiblesse de l’auteur en matière d’astrologie ou d’astronomie, et même pour parler de plagiat et de fabrication de faux. De fait, on apprendrait rien à l’auteur qui a démontré sciemment de piètres qualités d’astrologue, dans le cas précis de cette épître et sans présumé de ses capacités en d’autres circonstances, du moins veut-il nous en avertir comme il le dit : selon la foiblesse de mon esprit, en mes calculations Astronomiques. Mais si les astrologues sont sans pitié envers l’auteur de la lettre, ils comprendront bien assez tôt qu’il a été bien vilain et méchant envers eux, parce qu’il les a superbement piégés avec cet énoncé d’astronomie. Ce que certains astrologues ont pris pour du plagiat, ou plus posément un emprunt, n’est rien d’autres qu’une joyeuse parodie, une imitation qui nécessite, de toute évidence, la présence d’une personne à imiter, que les spécialistes en recherche d’authenticité n’ont pas manqué d’identifier comme étant l’astrologue Leovitius. Concrètement, les positions astrales qui suivent la deuxième chronologie ne servent finalement qu'à camoufler les données qui révèlent la structure synthèse des chronologies, confirmant ainsi que l’échelle fictive du temps qui s’y trouve s'étend sur 7000 ans et que sa durée réelle selon notre calendrier est de 484 ans. Il serait fastidieuse de reprendre ici la démonstration complète, publiée en 1991, et présentée sur le Site internet mentionné en note, mais nous vous présentons la synthèse en rapport avec l’énoncé d’astronomie. Une fois découvert le mystère des chronologies, et seulement après, la solution à l'énigme des positions astrales devient un jeu d'enfants. Ainsi, il faut éliminer du texte toute référence à des planètes, à des constellations et ne conserver que les chiffres. Par la réunion de la date de début et de fin de période, il est possible de former un chiffre pour chacune des sept périodes de temps. Pour que l'énigme ne soit pas découverte sur un coup de hasard, mais aussi pour attirer l'attention sur l'axe central de la chronologie, l’auteur a choisi, pour le cinquième et le sixième intervalle, des dates commençant et finissant à l'intérieur d'un même mois ; alors, ces dates doivent être jumelées en ordre inverse :
... depuis le temps que Saturne qui tournera entrer a sept du moys d'Avril jusques au 25. d'Aoust Jupiter a 14. de Juin jusques au 7. d’Octobre, Mars depuis le 17. d'Avril jusques au 22. de Juing, Venus depuis le 9. d'Avril jusques au 22. de May, Mercure depuis le 3. de Fevrier jusques au 24. Dudit. En apres du premier de Juing jusques au 24 dudit, & du 25. de Septembre jusques au 16. d’Octobre, Saturne en Capricorne...
Du 7 avril au 25 août
7 25 725
Du 14 juin au 7 octobre
14 7 147
Du 17 avril au 22 juin
17 22 1722
Du 9 avril au 22 mai
9 22 922
________
Total 3516
484
Du 3 au 24 février
Inversé : 24 3 243
Du 1 au 24 juin
Inversé: 24 1 241
484
Du 25 sept. au 16 octobre
25 16 2516
Grand total 7000
Nous avons trouvé dans le fac-similé de l’édition 1568, publié par Michel Chomarat3, une variante que nous n’avons pas observée dans d’autres éditions et qui indique plutôt du 3 février au 27 février. Ce chiffre 27 au lieu de 24 est une impossibilité mathématique qui relève de la coquille typographique. On pourrait faire de ce chiffre une valeur x à déterminer dans une équation à une seule inconnu facile résoudre, la seule possibilité étant le chiffre 24. Une autre possibilité intéressante serait que cette coquille prouve que cette édition de 1568 a été faite à partir d’une texte manuscrit, donc possiblement le texte original. A partir d’un imprimé, il est peu probable qu’il y ait confusion entre les chiffres quatre et sept. Ce n’est pas le cas pour un texte manuscrit où une plume en panne sèche momentanée ou l’usure du papier sur la pointe du quatre le fasse confondre avec un sept.
Finalement, la découverte a postériori du sens de l’énoncé d’astronomie ne nous a pas été utile pour résoudre l’énigme des chronologies, parce que nous avions renoncé à l’avance à trouver une solution à cette partie de la lettre étant donné notre ignorance totale de l’astrologie et notre connaissance minimale en astronomie. Mais ce petit supplément d’information, nous a permis d’acquérir plus de confiance et une preuve solide, mais non absolue, que nous avions pris le bon chemin. Elle nous a aussi révélé que Nostradamus pouvait être féroce et rancunier dans sa guerre contre ses ennemis.
La discrétion d’un premier indice
Et pour nous indiquer cette période de 484 ans qui s’étend jusqu’à la fin des événements prédits dans la Lettre à Henry, l’auteur a pris la peine de mettre une ceinture et des bretelles à son pantalon en indiquant la solution à deux endroits différents dans le texte de la lettre. La présence de cet énoncé de positions astrales constitue son deuxième indice et pourrait aussi y avoir été placé dans un deuxième temps, comme si a posteriori un doute avait germé dans l’esprit de l’auteur (ou du légataire ?) sur la discrétion, certains dirons, la minceur du premier indice. Quel est donc ce premier indice placé dans la deuxième chronologie ? Si le lecteur veut avoir le plaisir de le découvrir par lui-même ne lisez pas la suite et faites votre propre recherche dans l’extrait suivant :
Toutefois, comptans les ans depuis la creation du monde, jusques à la naissance de Noë, sont passez mille cinq cent & six ans, & depuis la naissance de Noë jusques à la parfaicte fabrication de l'arche, approchant de l'universelle inondation, passerent six cens ans si les dons estoyent solaires ou lunaires, ou de dix mixtions. Je tiens ce que les sacrees escriptures tiennent qu’estoyent Solaires. Et à la fin d'iceux six cens ans Noë entra dans l'arche pour estre sauvé du deluge, & fut iceluy deluge universel sus la terre, et dura un an & deux mois. Et depuis la fin du deluge jusques à la nativité d'Abraham, passa le nombre des ans de deux cens nonante cinq. Et depuis la nativité d'Abraham jusques à la nativité d'Isaac, passerent cent ans. Et depuis Isaac jusques à Jacob, soixante ans, dés l'heure qu'il entra dans Egypte, jusques en l'yssue d'iceluy passerent cent trente ans. Et depuis l'entree de Jacob en Egypte jusques à l’yssue d'iceluy passerent quatre cens trente ans. Et depuis l’yssue d'Egypte jusques à la edification du temple faicte par Salomon au quatriesme an de son regne, passerent quatre cens octante ou quatre vingts ans. Et depuis l'edification du temple jusques à Jesus Christ, selon la supputation des hierographes passerent quatre cens nonante ans. Et ainsi par ceste supputation que j'ay faicte, colligee par les sacrees lettres sont environ quatre mille cent septante trois ans, & huict moys peu ou moins.
Un des intervalles de la chronologie est formulé en terme particulièrement équivoque. L’auteur prend la peine de compter le temps de la sortie d’Egypte jusqu’à la quatrième année du règne du roi Salomon. Il faut donc compter 476 ans de la sortie d’Egypte jusqu’à l’avènement de Salomon, plus quatre ans de règne pour un total de 480 ans. Il suffisait de dire de la sortie d’Egypte à l’édification du temple, les quatre ans comptés depuis le début du règne de Salomon devenant une précision superflue. De plus, l’auteur attire notre attention par son insistance sur le mot octante en ajoutant son équivalent quatre vingts, chose unique dans la nomenclature des chronologies. Le terme huictante est utilisé dans la première chronologie sans mention de son équivalent de même que septante et nonante utilisés par ailleurs. Mais en prenant uniquement la partie chiffrée de cet extrait nous obtenons ceci : au quatriesme an de son regne passerent quatre cens octante ou quatre vingts ans, ce qui donne au mot à mot, à quatre ans de règne s’ajoute 480 ans pour un total de 484 ans. Nous croyons que l’ajout de l’énoncé de positions astrales comme deuxième indice a été une sage décision.
Des scénarios plausibles
Nous soumettons aux lecteurs deux scénarios qui nous semblent les plus plausibles en tenant compte autant que possible du contexte de l’époque, des querelles entre les Nostra et anti-Nostra et de la nécessité pour l’auteur de préserver aussi longtemps que nécessaire le mystère sur le contenu de la lettre. Le premier scénario serait la publication de l’épître du vivant de l’auteur, mais sans la mention de l’année 1606 pour que certains ne fassent pas le lien avec la parodie imaginée dans l’énoncé de positions astrales. Peut-être qu’une version a été publiée sans cette date de 1606 et sans l’énoncé. Dans le cas contraire, l’auteur risquait de devoir s’expliquer sur un plagiat assez évident, semble-t-il, ce qui l’exposait à se faire découper en morceaux par ses adversaires. Après sa mort des instructions à son éditeur ou ses éditeurs auraient fait en sorte de replacer dans le texte les passages retranchés de son vivant. En pratique, cette solution nous semble plausible, mais un peu risqué pour un auteur, parce qu’elle remet sur le dos des héritiers le fardeau d’expliquer des ajouts qui demeurent susceptibles d’être reconnus comme un emprunt douteux ou pire un exercice de plagiat. De plus, l’énoncé d’astronomie n’est pas la seule partie de la lettre qui soit sujet à la critique. La logique des chronologies est indéfendable à moins de donner les indices qui risqueraient d’en résoudre l’énigme. Elles sont dissemblables, incomplètes, et en particulier la deuxième, ne respecte même pas les règles les plus élémentaires d’arithmétique. Mais un autre scénario plus probable serait qu’une possible version édulcorée ait été publiée avant la mort de Nostradamus, ce qui semble avoir été fait avec la première fausse lettre datée de 1558. Et dans la suite de ce scénario, plus ordinaire et humain, une version complète aurait été préparé pour publication après la mort de Nostradamus. Mais cette version, avec ses incohérences, ses faiblesses astronomiques et son soi-disant plagiat, restait difficile à accepter pour les proches et les amis de Nostradamus. Nous le constatons à notre époque que la version actuelle de la lettre, si c’est la même, est encore difficile à accepter par ses amis d’aujourd’hui. Pour éviter de ternir la réputation d’un homme qui avait acquis une grande notoriété et qui faisait l’admiration de ses proches et de ses amis, des gens bien intentionnés devait agir pour protéger le disparu. La famille proche, l’éditeur, les amis ou les trois de concert auront-ils décidé de gommer le texte ? Ainsi, empêcherait-il la honte de s’abattre sur eux et sur la mémoire du grand homme ? D’ailleurs, on peut penser que ses proches pouvaient mettre les incohérences de certains passages de la lettre sur le compte de la divagation provoquée par un début de sénilité, la déchéance d’un vieillard malade, enclin de plus en plus à faire des abus d’alcool et d’autres substances ? Et avec la disparition de son épouse, ses enfants devenus adultes et capables avec le temps d’un jugement plus nuancé sur leur père, le texte a-t-il pu être restitué par un quelconque légataire dans l’état original où il aurait dû être édité immédiatement après sa mort. Dans les années 1580 et 1590, son fils César était dans la trentaine ou la quarantaine. Il avait sans doute acquis assez de maturité pour prendre l’initiative de restituer l’oeuvre original de son père. César, accompagné de quelques amis, ou un quelconque acquéreur de ses archives, ont-ils pris l’initiative de restaurer l’oeuvre dans son état original sans nécessairement connaître le fond du mystère contenu dans le texte ?
Conclusion
Nous croyons que l’essentiel des avancées, qui mettent en doute l’authenticité de la Lettre à Henry, Roy de France second et la paternité de Michel de Nostre-Dame, dit Nostradamus sur cette épître, ne tiennent plus en présence d’une meilleure connaissance de son contenu, en particulier les stratégies de l’auteur pour assurer la pérennité de l’énigme des chronologies et pour se payer la tête de quelques collègues astrologues de son temps et d’aujourd’hui. Libre à eux de vouloir continuer à se ridiculiser. Cela serait bien triste, parce qu’un bonne blague fait son effet une fois ou deux, mais la situation devient pathétique, lorsqu’elle est répétée sans cesse à un même auditoire, surtout si elle n’est pas comprise des principaux intéressés. Il serait dommage que le filet tendu par Nostradamus pour attraper quelques gros poissons, quelques astrologues qui lui ont fait la vie dure, entraîne aussi la capture et l’extinction d’espèces rares, des chercheurs d’authenticité qui travaillent opiniâtrement dans un espace, un labyrinthe sans issu. Ce qui vaut pour la Lettre à Henry ne vaut pas nécessairement pour certains quatrains. S’il y a eu des interpolations faites dans la Lettre à Henry comme l’expression miliade, on peut constater qu’elles ne changent en rien le sens de la lettre elle même, mais visent à influencer le jugement sur l’authenticité des dix centuries attribués à Nostradamus. Et cela est un autre débat. C’est pourquoi nous croyons rendre à César ce qui semble être encore à César, jusqu’à preuve du contraire, et ainsi de reconnaître à Nostradamus la paternité du message livré dans la Lettre à Henry, Roy de France second.
Mathieu Barrois
Québec, le 23 novembre 2003
Autre publication de l’auteur de cet article
- Barrois, Mathieu, Sur la route du Nouveau Monde, Editions du Rocher Blanc, Cap-Rouge, 1990.
Notes
1 Cf. le Site MORIBIOS. Retour
2 Cf. Barrois, Mathieu, Lettre au président du Québec, Éditions du Rocher Blanc, Cap-Rouge, 1991. Retour
3 Cf. Nostradamus Michel, Les prophéties, Lyon 1568, Fac-similé, Éditions Michel Chomarat, 2000. Retour
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Tous droits réservés © 2003 Mathieu Barrois