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ANALYSE

146

Le système de codage de l’Orus Apollo (1541)

par Patrice Guinard

Note PG :
Ce texte est une version allégée d’une étude plus complète de l’Orus de Nostradamus, qui sera publiée dans la section Nostradamica du CURA, http://cura.free.fr/mndamus.html, en novembre 2005.

Le traité d’Horapollon

   Horapollon ou Horus Apollon a été identifié dès le XVIe siècle à un grammairien et philosophe alexandrin en exercice sous le règne de Théodose II (début du Ve siècle), puis plus récemment, à celui qu’on suppose avoir été son petit-fils, enseignant sous Zénon (474-491) dans l’une des dernières écoles païennes d’égypte, à Ménouthis près d’Alexandrie. Il est l’auteur d’un traité d’éclaircissement des hiéroglyphes égyptiens, qui aurait été écrit en langue copte et traduit en grec par un certain Philippos. A peine un demi-siècle après, en 529, date sombre dans l’histoire du savoir occidental, la fermeture des écoles scientifiques et philosophiques grecques par Justinien, et notamment celles d’Alexandrie, d’Antioche, d’Athènes et de Pergame, provoque l’émigration massive des érudits et penseurs vers l’Est, et la disparition en Occident de nombreux manuscrits, dont, sur les hiéroglyphes égyptiens, le texte d’Horapollon et celui de Chérémon, ce dernier ayant été perdu depuis. Une copie du manuscrit grec d’Horapollon est découverte en juin 1419, dans l’île d’Andros, par le voyageur florentin Cristoforo Buondelmonti. Le texte est diffusé et discuté à Florence quelques années après.

   Les Hieroglyphica d’Horapollon se répartissent en deux livres, respectivement de 70 et 119 figures. Le texte grec est édité pour la première fois en 1505 à Venise, la capitale de l’imprimerie, par Aldo Manuzio (c.1450-1515), célèbre imprimeur de nombreux auteurs grecs et latins (Aristote, Thucydide, Platon, Homère, Pindare, Virgile, Ovide, etc), comme, en 1499, de l’Hypnerotomachia Poliphili (Le Songe de Poliphile) attribué à Francesco Colonna. En 1517 et 1518 paraissent la traduction latine de Filippo Fasanini (Phasianinus) à Bologne (chez Hieronymus Plato de Benedictis), puis celle du vénitien Bernardino Trebazio (ou Trebatio) à Bâle (chez Joannes Frobenius), qui fera autorité et fortune puisqu’elle sera reprise en 1519 à Paris, en 1521 à Bâle et à Paris (avec le texte grec), en 1530 encore à Paris, en 1534 à Bâle, toujours chez des éditeurs différents, puis en 1538 à Venise, et en 1542 à Lyon (chez Sébastien Gryphius).1 L’édition grecque de Jean Mercier (Mercerus) paraît à Paris en 1548 chez Chrestien Wechel, et sa traduction latine en 1551 chez Jacques Kerver.2

   En 1543 paraît à Paris, déjà chez Kerver, la première traduction imprimée en langue vernaculaire, anonyme, du traité d’Horapollon : De la signification des notes Hieroglyphiques des Aegyptiens. Cette traduction a été attribuée à Jean Martin par Denis Sauvage dans sa préface à la traduction de Martin de L’architecture de Leon Battista Alberti (Paris, Jacques Kerver, 1553, f. A2r). Pourtant, si l’on en croit l’adresse au lecteur français de l’ouvrage de 1543, il semble que le traducteur anonyme de 1543 ne soit autre que Jean Mercier lui-même : “Si je congnoys que ce myen labeur vous soit agreable vous aures bien tost le grec & le latin de ceste oeuvre & aultres choses ou vous prendres plaisir.” D’autant plus que les illustrations de l’édition Kerver de 1551, réalisées par Jean Cousin (c.1490-c.1561), reproduisent dans l’ensemble celle de l’édition de 1543.

   Quoi qu’il en soit, il n’y a aucune raison de penser que cette traduction soit le fait de Nostradamus. Certes le manuscrit et la traduction française comportent certaines affinités, mais qui peuvent s’expliquer à partir d’un texte originel commun.

   En 1547 paraît une traduction italienne de Pietro Vasolli, à Venise chez Gabriele Giolito, et en 1553 une nouvelle traduction française, attribuée à Jean Martin, à nouveau à Paris chez Jacques Kerver : Les Sculptures ou graveures sacrées d’Orus Apollo. Du Verdier recense ce texte dans sa Bibliothèque (1585), ainsi qu’une autre traduction de Jean Martin (à partir de l’italien), parue chez le même éditeur en 1546, puis en 1554 et 1561, celle de l’Hypnerotomachia Poliphili. Il se pourrait que le préfacier de L’architecture d’Alberti ait confondu les deux éditions Kerver, celle de 1543 et celle de 1553.

   L’interprétation allégorique et symbolique des hiéroglyphes égyptiens, recueillie par Horapollon dans les écoles néoplatoniciennes d’Alexandrie, est corrélative à la naissance et à la propagation, à la Renaissance, des livres d’emblèmes, à commencer, en 1531, par les Emblemata d’Andrea Alciati (1492-1550). Elle en est même fondatrice. Alciat le souligne dans son traité : l’emblème, dont le hiéroglyphe horapollinien est le modèle, parle directement à l’esprit ; il signifie en lui-même. L’acte expressif ne nécessite pas forcément de longs discours. La chose peut se passer des mots.

   Un hypothétique éditeur lyonnais des Prophéties, Jean de Tournes, réédite en 1545 Le théâtre des bons engins de Guillaume de La Perrière3 et “emblématise” aussi la Bible (1553) et les Métamorphoses d’Ovide (1557). Les lyonnais Macé Bonhomme et Guillaume Rouillé impriment un nombre impressionnant d’éditions d’Alciat. Bonhomme, le premier éditeur des Prophéties, se spécialise dans la littérature emblématique : il publie en 1552 la Picta poesis de Barthélemy Aneau, puis sa traduction française la même année, Les considerations des quatre mondes de Guillaume de La Perrière, toujours en 1552, et du même toulousain La morosophie en 1553, Le pegme de Pierre Coustau dans sa version latine en 1555 et en français en 1560.4

   Les Hieroglyphica de Pierio Valeriano (1477-1560), qui s’inspirent d’Horapollon, paraissent en 1556 dans une édition partielle à Florence et dans leur version complète à Bâle, chez Michele Isingrino.5 En 1559, Gabriel Symeoni, un correspondant et ami de Nostradamus, publie ses Devises ou Emblemes heroiques et morales, à Lyon chez Guillaume Rouillé. C’est dire comme furent en vogue ces florilèges de gravures jointes à de petits textes versifiés ou en prose, et auxquels est attribuée une valeur morale ou didactique, quasi hiératique car fixée par le dessin et explicitée par le texte. La page forme un tout compréhensif, car elle interpelle les deux cerveaux, celui de l’intuition comme celui de l’analyse intellectuelle. L’emblème désigne cette association du texte à l’image dont naît le sens, et dont nos actuelles bandes dessinées sont les lointaines descendantes.

   La littérature morale et emblématique revendique volontiers ses lettres de noblesse de l’ancienneté égyptienne. Ainsi l’entend le toulousain La Perrière à la fin des années 1530, peut-être dès 1536 (édition sans lieu ni date, [Lyon, Denis de Harsy]) dans son Theatre des bons engins, composé en dizains décasyllabiques : “Ce n’est pas seulement de nostre temps que les Emblemes sont en bruict, pris & singulière veneration, ains c’est de toute ancienneté & presque des le commencement du Monde : car les Egyptiens qui se reputent estre les premiers hommes du Monde, avant l’usage des lettres, escrivoyent par figures & ymages, etc...” (Epistre à Marguerite de France, Royne de Navarre, in éd. Jean de Tournes, Lyon, 1545). Et La Perrière de citer l’autorité de Chérémon (dont le texte était encore disponible) et d’Horapollon, et parmi les modernes, le Songe de Polyphile, les commentaires de Celien Rodigien, et Alciat.

   La lecture horapollinienne des hiéroglyphes inspirera encore, entre autres, l’Oedipus aegyptiacus (1652-1654) du jésuite Athanasius Kircher (1602-1680) et, plus récemment, les ouvrages des égyptomanes René-Adolphe et Isha Schwaller de Lubicz.6

   Le hiéroglyphe d’Horapollon traduit plus qu’une chose, plus qu’un Signifié déterminé ; il représente une vision sur la chose, “ésotérique” car impliquée dans un vaste réseau de signification. L’idéogramme hiéroglyphique est un symbole au sens de Jung et de Kircher : ne pouvant se traduire par des mots, il ne peut qu’être suggéré par des figures, des marques picturales. Le symbole remplit entièrement, au contraire des alphabets phonétiques modernes, la double fonction référentielle du signe, dénotative mais aussi représentative.7

   L’explication des hiéroglyphes par Horapollon n’est pas aussi fantaisiste qu’aiment le croire certains adeptes de la “petite raison”. La plupart des hiéroglyphes d’Horapollon existent dans le corpus hiéroglyphique des égyptologues, et s’il ne leur est pas attribuée de valeur phonique comme le fera Champollion, leur valeur sémantique diffère peu de celle aujourd’hui acceptée, même si les égyptologues modernes n’accordent pas d’intérèt à la recherche du sens caché et du pourquoi, autrement dit de l’origine des vocables.

   Prenons l’exemple du hiéroglyphe de l’oie, correspondant à l’épigramme 86 du manuscrit de Nostradamus.

Quomodo filium
(éd. Joannes Angelus, trad. Bernardino Trebatio, Paris, Conrad Resch, 1521)

Filium scribere volentes, Chinalopiam pingunt. Est enim hoc animal maxime pullorum amans. Et si quando insequatur se venator, & una pullos, sponte venatoris praeda fit, si modo possit sic faciens servare pullos, quam ob causam visum est Aegyptiis id animal filio comparare.

Comment ilz signifioient le filz
(Paris, Kerver, 1543)

Voullaus [sic] escripre le filz ou l’enfant paignoient une beste appellee chenalope pource quelle ayme fort ses petitz car s’il advient qu’elle soit chassee & suyvie avec ses petitz le pere ou la mere se laisse prendre par cela ses petitz peu[v]ent eschapper & estre sauvez. Pour ceste cause il a semble aux Egyptiens de prendre ceste beste pour celle signification.

Orus : le fils

Comment ilz signifioient le filz
(manuscrit de Nostradamus)

Voulant escripre le filhs [sic] la chinaloppe
Paignoient estant à ses petitz en voye
Si fort les ayme que si le chasseur clope
A la poursuyvre a son gre se faict proye
Donne moyen que ces petitz forvoye
Et des chasseurs soy metant au devant
Affin que soit le veneur entendent
A la prendre elle controuve ce moyen
Tel beste au filz dens ung tableau tendent
Estoit descripte par pere Egiptien.

   Ainsi Horapollon nous conte que les enfants sont représentés par une oie, la chenalopex signalée par Pline8, parce que cet animal affectionne particulièrement sa progéniture allant même jusqu’à sacrifier sa vie pour elle. Cette attribution a été confirmée par Champollion, comme en témoignent les images ci-dessous.

Champollion 1    Champollion 2

    Francesco Sbordone a montré que plus de cent hiéroglyphes, soit la totalité du premier livre et un quart du second, correspondent à des hiéroglyphes réels. Les hiéroglyphes restants auraient été rajoutés par le traducteur Philippe à partir de sources gréco-latines, principalement Pline, Aristote, et l’Histoire des animaux d’Aelianus.9

   En traduisant Horapollon, Nostradamus rattache explicitement son oeuvre à la littérature emblématique de son époque. Or les “prophéties” sont des emblèmes sans image, ou plutôt sans séparation de l’image et du texte. Car le quatrain prophétique est à la fois texte et image, ou plus précisément image véhiculée par et dans le texte, et texte qui n’est plus explication d’une image, mais qui en est à la fois le support et l’énigme. Le texte prophétique fait naître l’image, comme il la crypte et la voile. Le quatrain dépasse la dualité des deux cerveaux, comme le dualisme inhérent à l’énonciation et à l’écriture. Plus encore il s’inscrit dans un réseau sémantique de vocables qui s’interpellent les uns les autres, et forment une unité, celle du tissu prophétique. Et quelle que soit l’opinion que la raison réfractaire et rivée sur son quant-à-elle voudra se faire de la dimension prophétique du texte, elle ne pourra éviter de constater son échec quant à la dimension littéraire de l’oeuvre du salonais. Les quatrains de Nostradamus, quand on les compare aux innombrables pièces versifiées de l’époque, quatrains moraux d’un La Perrière ou d’un Guy Du Faur de Pibrac, quatrains historiques ou bibliques d’un Paradin, etc, constitue une oeuvre unique, inimitée, d’une valeur littéraire sans égale.

Le manuscrit de Nostradamus (1541)
et l’édition tronquée de Pierre Rollet (1968)

   François Buget est à ma connaissance le premier, en 1861, à avoir signalé l’existence du manuscrit autographe de Nostradamus à la Bibliothèque Impériale, découverte qu’il tient de Ferdinand Denis, conservateur de la bibliothèque Sainte-Geneviève.10

   Buget donne une transcription partielle du prologue, du passage sur Isis, et de quelques épigrammes annexées qu’il croit empruntées par Nostradamus à l’édition de Jean Mercier de 1551, alors que ce dernier déclare les avoir recueillies ça et là.11

   Le manuscrit de l’Orus Apollo (BNF ms. fr. 2594) a ensuite été déniché à la bibliothèque nationale par Pierre Rollet12 qui l’édite en 1968 : Nostradamus, Interprétation des Hiéroglyphes de Horapollo, [Aix-en-Provence], Ramoun Berenguié. L’ouvrage est imprimé à Barcelone, accompagné de la partie centrale de la vignette du frontispice de la Prognostication pour 1555 de Nostradamus (publiée par Ruzo en 1962 dans Les Cahiers Astrologiques), et, en annexe, de divers documents parmi lesquels figurent onze quatrains, dont dix inédits, retranscrits par le poète provençal Luigi Gallaup de Chasteuil (ms. 386 de la Bibliothèque Inguimbertine de Carpentras), un familier de César Nostradamus.

   Le titre du manuscrit de Nostradamus se lit :

Orus Apollo, fils de Osiris, Roy de Aegipte, niliacque,
Des notes hieroglyphiques, livres deux, mis en rithme par epigrammes,
Oevre de increedible et admirable erudition et antiquite.

Frontispice Orus

    Le second livre s’achève sur la mention, “traduict par Michel Nostradamus de Sainct Remy en Provence”, instructive car Nostredame est déjà Nostradamus, et non plus Nostra Domina, et qu’il n’est pas encore installé à Salon. étonnante aussi l’orthographe très moderne du mot “fils”, presque toujours orthographié “filz” à cette époque, et également dans le manuscrit, à l’exception précisément du hiéroglyphe désignant le fils (I 86), orthographié “filhs”. Si Horus, identifié à l’Apollon grec, est bien le fils d’Osiris, Nostradamus serait-il lui son petit-fils, c’est-à-dire le fils spirituel d’Horus ?

   Le manuscrit, de 86 feuillets, est dédicacé à la princesse de Navarre, Jeanne d’Albret, née à Pau en 1528, mariée en 1541 au duc de Clèves, divorcée, remariée à Antoine de Bourbon en 1548, et reine de Navarre à la mort de son père Henri II d’Albret le 25 mai 1555, trois semaines après la sortie de la première édition des Prophéties.

   Un destin parallèle semble rapprocher la vie de Jeanne d’Albret et l’oeuvre de Nostradamus, et ce rapprochement n’aurait pas échappé au voyant provençal, dont on connaît par ailleurs les affinités avec Catherine de Médicis, qui lui rend visite à Salon en octobre 1564 et à qui il adresse sa dernière lettre connue, publiée à Lyon en 1566, l’année de sa mort. Entre les deux femmes, la nièce et la belle-fille de François Ier, deux battantes, adversaires redoutables l’une à l’autre, chefs et égéries des partis calviniste et légitimiste, l’une fille et l’autre épouse d’un Henry II, Nostradamus n’a, semble-t-il, pas voulu trancher. même géographiquement, sa Provence natale et élective, est exactement située entre le Béarn et la Toscane natals des deux femmes.

   Il est probable que le manuscrit a effectivement été remis en 1541 à l’adolescente Jeanne et qu’il a circulé dans les cercles littéraires de Navarre, favorables à la Réforme, avant de rejoindre les collections de son fils Henry IV. On le retrouve dans les collections de Colbert, puis dans celles de la Bibliothèque Royale. Le manuscrit serait authentique selon Rollet qui précise dans sa préface : “La comparaison avec les lettres de Nostradamus, avec la confirmation signée par lui de l’Almanach de 1562 (vente Rigaud, 1931), avec l’autographe publié par Geigy (Baie, 1925) et avec les actes notariés, ne laisse pas le moindre doute quant à l’identification de l’écriture du mage de Salon.”

   Rollet note aussi que le “papier employé a été fabriqué et utilisé dans le Comtat [Venaissin] et en Provence entre 1535 et 1539.” même constatation chez Brind’Amour (in Nostradamus astrophile, 1993, p. 474) : “Le filigrane est identique au n° 4371 de Briquet, lequel situe la production de ce papier à Avignon entre 1536-1539.” Ce qui conduit à une composition présumée du texte au début des années 40. Rollet opine pour 1545, date bien tardive pour un papier fabriqué de cinq à dix ans plus tôt, ainsi que Brind’Amour (entre 1543 et 1547) qui suit un article discutable de Robert Aulotte. Ni les arguments avancés par Rollet, ni la démonstration d’Aulotte, favorable à l’influence de l’édition Kerver de 1543 sur le manuscrit (ce serait plutôt l’inverse), ne me semblent probatoires, et je montrerai que Nostradamus indique assez “clairement” une date de composition pour 1541 (cf. infra).

   La transcription de Rollet est dépourvue de numérotation, fautive par endroits, exempte d’appareil critique, et surtout incomplète. En outre Rollet accentue un texte qui ne l’est pas, introduit par endroits une ponctuation presque toujours absente du manuscrit, et supprime les majuscules de certains mots. Ce texte a été récemment repris sur Internet par divers sites se copiant les uns les autres, et y ajoutant leurs propres et innombrables erreurs de transcription.

   Reprenons le manuscrit qui débute par une pièce d’un seul tenant, le Prologue du translateur A MADAME LA Princesse de Navarre, de 58 distiques, soit 116 vers, avec pour incipit : Nature saige mere de sympathie, et pour explicit : Mer champs forest et lieux delicieux.13

   Suivent 5 pièces versifiées (A1 à A5), respectivement de 10, 8, 13, 10 et 10 vers, dont la première titre : Comment ilz signifio[i]ent ETERNITE, et la dernière : Aultrement l’an par eux.

   Suit une ANNOTATION SUS LA FIGURE DE ISIS dont Lucien de Luca14 vient de montrer qu’elle s’inspirait d’un passage de Diodore de Sicile repris dans un traité de Petrus Apianus et Bartholomaeus Amantius, les Inscriptiones sacrosanctae vetustatis non illiae quidem Romanae, sed totius fere orbis, édité à Ingolstadt en 1534. Parmi les collaborateurs de l’ouvrage d’Apianus, on trouve les signataires de pièces annexes, tous réformistes et parfois aussi astrologues comme Philippe Melanchthon et Joachim Camerarius, Joannes Agricola, ou encore Andreas Osiander. C’est dire que le premier texte connu de Nostradamus, dédié à Jeanne d’Albret et dont on ignore s’il a été édité, s’inscrit dans un contexte protestant, qui confirme certains passages des Epîtres latines de Nostradamus, partiellement traduites par E. Lhez en 1961 et éditées par Jean Dupèbe en 1983. Prétendre, comme un Peter Lemesurier, que Nostradamus aurait été un “pious Catholic”, relève de la surdité et de l’hérésie.

   En réalité les clins d’oeil de Nostradamus au camp réformé sont beaucoup plus discrets que certains voudraient le faire croire, et si de réforme il est question, il s’agit plus d’une “réforme spirituelle” que d’une réforme politico-théologique, celle précisément mise en place par l’hermétiste provençal, une réforme pour le long terme et pour les générations futures, tournée vers l’avenir, susceptible de surmonter les diverses crises rationalistes et sceptiques, de déjouer les critiques métaphysiques les plus pointues (et en particulier la démonstration nietzschéenne de la transformation inévitable du christianisme en athéisme matérialiste et nihiliste), de se démarquer de toute influence de ce qu’il a appelé le “commun avènement”, et que l’hermétiste provençal a façonnée et construite, seul, de toutes pièces, au-delà des clans, partis et groupes d’intérèts idéologico-théologiques divers.

   Dans son article, Luca a entrepris l’exégèse sémantique et lexicographique de ce passage de Diodore/Nostradamus via Apianus, ainsi que de leurs différences et de leurs variations, notamment en ce qui concerne la mention relative à Isis: “EGO SUM MATER OSIRIDIS” chez Apianus et Nostradamus, mais “UXOR” chez Diodore et chez Antoine Du Verdier qui en reprend le texte en 1573.15 C’est peut-être justement qu’il ne s’agit pas d’une erreur ou d’une traduction fautive, mais d’une mention délibérée, en tout cas chez Nostradamus, lequel savait sans doute qu’Isis, la plus grande déesse de l’Antiquité, celle qui aurait insufflé la vie à son frère et époux à plusieurs reprises, était plus qu’une simple déesse, mais qu’elle était l’archétype féminin du vivant.

Apianus    Du Verdier

    Suivent 99 pièces versifiées (A6 à A104), au nombre de vers variable, à commencer par l’Interpretation de l’Epigramme (A6), dizain en lettres capitales, que Nostradamus nous invite à compter comme appartenant à son texte, puisqu’il écrit “interprétation” et non “traduction”. La pièce “Comment ilz adumbrent les tenebres ou les declairent” (A104) clôt le premier livre.

   Les règles prosodiques sont assez lâches, notamment en ce qui concerne l’alternance des rimes féminines et masculines, selon l’habitude de Nostradamus, et comme il s’en excuse dans la préface à ses Prophéties. Tous les vers sont décasyllabiques, comme le seront les quatrains des Prophéties. Les pièces les plus nombreuses, au nombre de 136, sont des épigrammes à huit vers, constituées de deux quatrains à rimes croisées, de la forme A-B-A-B-B-C-B-C. Les épigrammes à dix vers suivent la forme A-B-A-B-B-C-C-D-C-D. Les trois pièces les plus longues, à 17 vers (A9), 18 vers (A10) et 30 vers (A46) sont composées de distiques, avec un vers non rimé, le quinzième, pour la première.

   Rollet a omis de transcrire cinq vers appartenant aux trois épigrammes qui suivent :
(Les différences, hormis l’accentuation et la ponctuation, sont marquées en rouge).

(A42 : transcription Rollet, p. 46) (A42 : transcription Guinard, 2005)

Que voulent il signifier par l’estoylle

Signifiant Dieu ou la destinée,
Revolud fatum ou le cinquiesme nombre,
Paignoient l’estoyle Dieu pour sa
vénérée
Et providence divine que l’astre umbre
Le mouvement
toutel qui nous obumbre
De ce beau monde qui ne peult concister
Sens le grand dieu
Fatum qu’à résister
Vivant ne peult le faict
de mouvement
Par les estoylles
continuellement
Et puys après par le nombre cinquiesme
Pour ce que sont au ciel astres miliesmes
Tant seulement par ces cinq
tours le monde
Se vient mouvoir sempiternel et ronde.
[manque deux demi-vers]

Que voulent il[z] signifier par l’estoylle

Signifiant Dieu ou la destinee
Revolud fatum ou le cinquiesme nombre
Paignoient l’estoyle Dieu pour sa reveree
Et providence divine qui l’Astre umbre
Le mouvement [e]ternel, qui nous obumbre
De ce beau monde qui ne peult concister
Sens le grand dieu FATUM qu’a resister
Vivant ne peult le faict du mouvement
Par les estoylles, continuelement
Et puys apres par le nombre cinquiesme
Pource que sont au ciel astres miliesmes
Tant seulement par ces cinq tout le monde
Se vient mouvoir et dispenser soy mesmes
Par mouvement sempiternel et ronde.

    Les cinq branches de l’étoile symboliseraient pour les égyptiens les cinq planètes errantes, marqueurs du “mouvement sempiternel”, de l’incessante reconstruction du monde, et du destin (fatum) qui signe le vivant y participant. Nostradamus nous reconduit, à travers son étude des hiéroglyphes et des inscriptions horapolliniennes, à sa vision mi-héraclitéenne et mi-platonicienne du monde.

(A73 : transcription Rollet, p. 69) (A73 : transcription Guinard, 2005)

Comment ilz enseignoient ignorance

Aussi quant veullent démonstrer
l’ignorance
Par lors ilz paignent le feu et l’eau à part
Pour ce qu’aux deux ce faict ample aparance
Que tout natif soy courromp et despart

[manque trois vers]
Par eulx ce faict toute commixion.

Comment ilz enseignoient Ignorance

Aussi quant veullent demonstrer Ignorance
Par lors ilz paignent le feu et l’eau a part
Pource qu’aux deux ce faict ample aparance
Que tout natif soy courromp et despart
Le feu et l’eau chascung mis a l’escart
Sont helementz faisants corruption
De nulx sont faictz d’eulx chascung prend sa part
Par eulx ce faict toute commixtion.

(A77 : transcription Rollet, pp. 71-72) (A77 : transcription Guinard, 2005)

Comment ilz signifioient l’ouyr

Faignant l’ouyr du beuf paignent l’oreille
Car quant la vache a
fain de concepvoir
Plus de troys heures son vouloir ne s’esveille
Si fort et crie que le beuf la peult voir
Qu’a si aler tost ne faict son debvoir
Se vient nature fermer jusques à ung temps

[manque un vers]
Le taureau l’ouyr encor qu’il en soy loing
Et entendent qu’elle veult compaignie
Soubdaing il court d’ung naturel besoing
Aux aultres bestes cella nature nie.

Comment ilz signifioient l’ouyr

Faignant l’ouyr du beuf paignent l’oreille
Car quant la vache a fam de concepvoir
(Plus de troys heures son vouloir ne s’esveille)
Si fort et crie que le beuf la peult voir
Qu’a si aler tost ne faict son debvoir
Se vient nature fermer jusques a ung temps
Determine souvent ce ne s’entend
Le Taureau l’ouyr encor qu’il en soy loing
Et entendent qu’elle veult compaignie
Soubdaing il court d’ung naturel besoing
Aux aultres bestes cella nature nie.

    Nostradamus complète le premier livre de son Orus Apollo par quatre épigrammes annexées (A*1 à A*4), de 8, 11, 12 et 10 vers, prises sur un “très ancien exemplaire grec des Druides” et absentes de l’édition de Venise de 1505 (“à l’Impression de Alde”). Faut-il le croire, quand il nous invite à les considérer comme “bâtardes” alors que précisément il signe la seconde, au folio 41v, par un acrostiche ? Ou peut-être ne seraient-elles illégitimes que dans leur rapport à la réalité des hiéroglyphes, et en ce cas il est possible qu’il les ait rédigées lui-même.

(A*2: transcription Guinard, 2005)

Comment il[z] signifioient le roy ennemy des bons et amy des flateurs
(prinse a l’exemplayre vieulx)

Nous demonstrer voulant le ravisseur
Ou roy tyran de son peuple ennemy
Seulement qu’ayme flateurs et imposteu[r]s
Tenant ouvert l’huys comme a son amy
Record de ce ilz faisoient paingdre en my
Aiant la gueulle ouverte pres du ventre
Du crocodille et trochillus qui entre
A tout son bec lui oustant les sangsues
Mais crocodille par plesance consue
Vient hors chasser l’oyseau qui pris i rentre
Sens mal luy fere de ses dens si crochues.

Orus - NOSTRADAMUS

    Rollet lit “ravisseur” et “importent” à la fin des vers 1 et 3, ce qui ne satisfait pas la rime. Brind’Amour (1993, p. 474) lit “ravissens” et “importens”, ce qui ne veut pas dire grand chose. Tous deux lisent “mis” au lieu de “pris” au vers 10.

   Nostradamus introduit le second livre d’Horapollon, essentiellement composé de huitains, par une pièce (B1) qu’il titre : “ORUS PARLE” et qui, à nouveau, fait référence aux Druides au septième vers. Ces mentions ne figurent dans aucune édition.

   Rollet à omis de transcrire l’épigramme B5, entre les huitains B4 (Que signifioit le cueur de l’homme pendu au gosier) et B6 (Que signifioit le membre de l’homme couvert et serre de la main).

Que vouloient ilz signifier par le Doigt
(B5 : transcription Guinard, 2005)

Et en voulant bien l’estomach cognoistre
Que venoient ilz pour cella indiquer
Le doigt de l’homme nous faisoient aparoistre
Car le doigt vient l’estomach indiquer
Le doigt indicque que l’ont vient apliquer
De l’estomach fainct juste de monstrance
Qu’estoit besoing le signe repliquer
Du ventricule la vraye intelligence

Orus : le doigt    Orus : le doigt

    L’édition originale se contente d’une brève mention. A preuve l’édition latine de 1521 (dans la traduction de Trebatio) et l’édition Kerver de 1543 :

Quid cum digitum scribunt.
Hominis stomachum significat digitus.

Que c’est qu’ilz signifioient par le doigt.
Le doigt signifie l’estomac de l’homme.

   Nostradamus évite de traduire ce hiéroglyphe, comme nombre d’autres qui suivent, par de simples dystiques. Il ne se contente pas d’une traduction littérale, serait-elle versifiée, mais construit un dispositif de pièces rimées ayant un nombre bien déterminé de vers, par exemple quatre quatrains au total pour l’ensemble des deux livres. Ce texte, écrit au début des années 40, constitue le premier pan de sa construction dont le dernier maillon sera son Testament.16

   Quatre autres vers sont oubliés par l’édition Rollet de 1968 :

B55 : Comment ilz signifioient l’homme mystique
(vers 1) : Signifier voulant l’homme mystique

B57 : Comment ilz signifioient la Diuturne instauration
(vers 1) : La diuturne sacre instauration
(vers 2) : Signifier voulant le phenix paignent

B71 : Comment ilz signifioient l’homme Instable
(vers 7) : Font paingdre l’hyene serpent bien doctement

   C’est donc au total 17 vers qui ont été omis dans l’édition Rollet. Autant dire que le manuscrit de Nostradamus méritait mieux, et reste en attente d’une édition sérieuse, pourvue d’un appareil critique et de commentaires prosodiques et lexicographiques.

   La seconde partie du manuscrit comporte 120 ou 124 épigrammes, selon que l’on compte ou non les quatre épigrammes deux fois traduites par Nostradamus, à savoir B52, B60, B95 et B110.

   Le huitain “Comment ilz signifioient une femme allaictant et bien nourrissant” (B52) est retraduit par Nostradamus, car corrompu, selon lui, dans toutes les éditions. En effet la version latine de 1521 traduit le grec de l’édition 1505 par tourterelle, alors qu’il s’agirait plutôt d’une chauve-souris : “turturem pingunt ea enim ex volatilibus sola dentes & mammas habet”. De même on lit dans l’édition Kerver de 1543 : “ilz paignoient une tourterelle car elle seulle entre les volatiles a dens & mamelles”. Or le seul “volatile”, un mammifère, à dents et mamelles, est bien la chauve-souris, comme le souligne Nostradamus, et en conformité avec le vieux manuscrit grec qu’il suit. De même Nostradamus suit ce même manuscrit dans le dizain sur la huppe (B95), “Comment ilz signifioient l’homme a qui le part de raisins ont faict mal”, après avoir corrigé par Amyanthus le terme Adiantus que l’on trouve dans toutes les éditions, “part” étant probablement issu de “parsus” qui signifiait “surplus”.17

   Nostradamus redouble encore la pièce B60 sur la vipère, “Comment ilz signifioient la fame que hait son marit mortelement” par une confirmation qu’il trouve chez Nicandre, “Ne sis in triviis” (Ne te trouve pas aux carrefours). Il ne reste du médecin et poète grec Nicandre de Colophon (IIe BC), qui aurait aussi écrit sur les oracles, que deux traités de pharmacologie rédigés en hexamètres : son Alexipharmaka sur les poisons et leurs remèdes, et sa Thèriaka sur les morsures des serpents et insectes, à laquelle Nostradamus se réfère. Une traduction latine, Theriaca et Alexipharmacia, paraît à Cologne en 1531. On peut trouver sur le site incontournable Gallica quelques pages reproduites d’un magnifique manuscrit byzantin.18

Manuscrit byzantin

    Enfin Nostradamus qui donne deux versions du hiéroglyphe sur la poulpe et la langouste (B110), “Comment ilz signifioient l’homme aiant seignerie sur ceul[x] de sa nation”, la première étant dépravée dans le texte, observe que c’est toujours le poulpe ou la pieuvre qui l’emporte sur la langouste, et note que “les poissonniers de nostre mer ici ne meslent jamais le poulpre avecques les langoustes car les langoustes mourroient incontinent” (f. 74v).

   Ces différences montrent assez l’originalité et la fiabilité de la traduction de Nostradamus, qui s’attache au sens des hiéroglyphes tels qu’ils sont dépeints par Horapollon, à leur signification allégorique, et toujours avec le souci de les présenter sous forme versifiée, et dans un canevas qui sera étudié ci-après.

   A la fin du deuxième livre, dix épigrammes sont ajoutées par le traducteur, les pièces B*1 à B*10, des huitains pour la plupart.

Que signifie la petite aygle
Comment ilz signifioient la porte ou l’ouverture de la guerre
Comment ilz signifioient la vie future
Comment signifioient les deux vertus principales d’ung Roy
Comment ilz signifioient le Roy
Comment ilz signifioient la mort ou fin de l’homme
Comment ilz signifioient la vie
Comment ilz signifioient labeur
Comment ilz signifioient DIEV

   Et la dernière :

Comment il[z] appelloient les dieux infernaulx qu’ilz appelloient manes. D. M.

Quant ilz vouloient leurs grand[s] dieux infernaulx
Signifier [ilz] paignoient ung visaige
Sens hieulx ne forme. Par dessus paingct egaulx
Deux hyeulx a part comme ont voit a l’ymaige
Par les deux hieulx ont notoit d’ung bien saige
Les dieux entendre par mesmes document
Et par la face sens hieulx estoit passaige
Qu’on le faisoit graver aux testementz.

   Outre l’allusion finale aux testaments, qui interpelle précisément celui, avec son codicille, que j’ai appelé “La troisième et dernière épître de Nostradamus” (cf. Guinard, CURA), ce huitain est aussi à rapprocher du premier vers du quatrain VIII 66 : “Quand l’escriture D. M. trouvee”, allusion aux Dieux Mânes, “dii manes”, ces esprits “bienveillants” qui protègent le défunt après sa mort et auxquels (“Diis Manibus”) les Romains adressaient leurs requêtes pour le salut de leur âme. Cette dernière pièce, qui succède à celle consacrée à Dieu et la supplante (encore s’agit-il de l’idée de Dieu dans la métaphysique égyptienne), montre assez l’orientation spirituelle de la pensée de Nostradamus, ancrée dans la sagesse de l’Antiquité égyptienne, Grecque, et Romaine.

   Il est possible que cette épigramme, et notamment le quatrième vers (Deux hyeulx a part comme ont voit a l’ymaige), s’inspire de l’idéogramme inventé par Francesco Colonna dans son Songe de Poliphile. En effet, certaines reproductions d’épitaphes et de stèles, dédiées aux Dieux Infernaux figurent dans l’ouvrage de Colonna, ainsi qu’un nombre impressionant d’inscriptions dans l’ouvrage d’Apianus déjà mentionné, et pour Lyon, à la fin d’un ouvrage de Guillaume Paradin, les “Inscriptions antiques, tumules, et epitaphes, qui se retrouvent en divers endroits de la ville de Lyon“ (in Memoires de l’histoire de Lyon, Antoine Gryphius, Lyon, 1573, p. 413 sq).

Songe de Poliphile 1    Songe de Poliphile 2    Songe de Poliphile 3

Songe de Poliphile

    Ces dix épigrammes, ainsi que le huitain A*1, se retrouvent dans l’édition anonyme de 1543 (laquelle contient au total 197 images), et sept d’entre elles dans l’édition Mercier de 1551. Il est fort probable que Jean Mercier a utilisé le manuscrit de Nostradamus, ou l’une de ses copies en circulation, pour ses deux éditions.

   Nostradamus et Mercier auraient-ils pu se connaître avant 1543 ? C’est possible, mais pas par le biais de leurs relations indépendantes avec un certain Jean de Morel (1511-1581), animateur d’un cénacle parisien réputé, fréquenté par Ronsard et par des savants, érudits et lettrés en vogue dans la capitale, mais non par Nostradamus, aux antipodes de toute mondanité, ce qui précisément lui a permis de “voir le monde” et son évolution.

   Le lecteur royal d’hébreu Jean Mercier épouse en 1553 Marie Dallier, fille de Lubin Dallier, décédé, et d’Anthoinette Deloynes, laquelle s’est remariée en secondes noces avec Jean de Morel, une connaissance de Nostradamus. Mais en 1561, suite à son séjour chez Morel lors de son voyage à Paris entre le 14 juillet et le 15 août 155519, Nostradamus lui écrit pour une petite affaire d’argent prêté : “moy ne vous connoissant ne vous a moy que par renommee.”20 Ce qui montre qu’au moins à cette époque, en 1555, soit douze ans après la parution de la traduction anonyme chez Kerver, Nostradamus et Morel ne se connaissaient pas.

   A moins que Mercier et Nostradamus ne se soient inspirés indépendamment l’un de l’autre d’un même exemplaire grec des Hieroglyphica, ou qu’ils se soient servis de copies proches, désormais perdues, on peut estimer que c’est Mercier qui suit, imparfaitement, Nostradamus, et non l’inverse, contrairement à ce que soutient Brind’Amour après sa lecture d’un article de Robert Aulotte.21 Je montrerai ci-après que le manuscrit de Nostradamus a été rédigé en 1541.

   On a aussi avancé le nom de Geoffroy Tory, auteur d’une traduction française de l’Orus signalée par La-Croix-du-Maine (Bibliothèque, 1584, p. 125), qui suit probablement les affirmations de Tory lui-même, lequel affirme dans son fameux Champ Fleury : “je l’ay translate en Francois, pour en avoir faict ung present a ung myen bon seigneur & amy.”22 Cette première (?) traduction française manuscrite de l’Orus, mais en prose, n’est pas celle qui sera publiée par Kerver en 1543. En effet Tory donne sa traduction du premier hiéroglyphe, très différente de celle de l’anonyme que j’identifie à Jean Mercier (jusqu’à nouvel élément probant et contraire).

   “Les Egyptiens voulans signifier le Aage perpetuel, font en Painture ou deseing ung Soleil & une Lune pource que ce sont deux Planetes qui sont de treslongue duree. Voulant escripre aultrement icelluy Aage, ilz deseignent ung Serpent ayant sa queue mussee dessoubz son corps. & celluy Serpent est dict & apelle des dicts Egyptiens Ureus. C’est a dire, Basilisc. Ilz le font d’or, puis le mettent entour leurs Dieux, & disent que le Aage est signifie par ce dict Serpent, pource que iacoit qu’il y aye trois manieres de Serpens, si touteffois cestuy seul est imortel, & est de telle nature, que de son sifflement sans morsure quelconque, il tue toute aultre beste & chose vivant.” (traduction Tory, in Champ Fleury, f. 73v)

   “Pour denoter & signifier l’aage & le cours du temps ilz figuroient le soleil & la lune pource qu’ilz sont la reigle de compter & discerner le temps. Aultrement ilz paignoient ung serpent appelle Basilisque couvrant sa cueue du reste de son cors lesquelz ilz paignoient d’or & le mectoient alentour de leurs dieux & la cause pour quoy il signifie le temps est pource que des troys especes de serpens cestuy est immortel & de son seul air & halaine estainct & faict mourir toutes aultres bestes. Et pour autant qu’il peut tuer les aultres & non mourir le mectent ilz sur la teste des dieux.” (traduction Mercier, éd. Kerver, 1543, f. A2v)

Le dispositif de l’Orus Apollon

L’impérieux jeu du monde mèle l’être et l’apparence :
L’éternelle extravagance nous y mêle - pêle-mêle...

(Nietzsche, Le gai savoir)

Tu ne trouveras pas l’inespéré, si tu ne l’espères pas.
(Héraclite d’éphèse)

Avant-propos :

Dans de précédents articles23, j’ai montré que Nostradamus avait codé dans son Testament, par les nombres 3, 13, 22 et 31, les sommes de quatrains nouveaux apparus dans les différentes éditions de ses Prophéties, par le nombre 11 ceux apparus dans ses Almanachs, et qu’il fallait tenir compte d’un supplément de quelques quatrains afin d’obtenir un total de 1130 quatrains, incluant ceux parus dans ses Almanachs. Je montrerai ci-après que, dès sa traduction de l’Orus Apollo, son premier texte connu, c’est-à-dire en 1541, soit treize ans avant la sortie de son premier almanach prophétique, il avait arrêté ce nombre et mis en place le premier volet de son dispositif codé.

   L’Orus de Nostradamus est un recueil de pièces versifiées, réparties en 182 “notes”, numérotées par Nostradamus avec quelques doublons et inversions volontaires, et rédigées sur 167 pages, ou plutôt sur 156 pages avec 11 pages blanches intercalées.24 On retrouvera ce procédé curieux, typiquement nostradamien, dans la disposition de son Testament, qu’il a vraisemblablement imposée à son notaire Joseph Roche.

182 (notes) = 13 x 14
156 (pages) = 13 x 12

   Les nombres 11 (pages blanches) et 13, d’ores et déjà posés, sont les mêmes que ceux du Testament, ce qui laisserait penser qu’une bonne partie du dispositif de codage, avait déjà été esquissé par Nostradamus dès son premier texte.

   Les procédés cryptographiques étaient monnaie courante à la Renaissance, et les erreurs apparentes et maladresses expertes de Nostradamus s’expliquent aisément dans ce contexte. Il fallait donner le change coûte que coûte, et le XVIe siècle a sans doute été le plus dangereux pour la survie de son texte. Il aura risqué beaucoup moins sous l’ère des Lumières aveugles, quelques disparitions tout au plus, et moins encore sous l’ère de la Communication sans message, si ce n’est quelques tentatives de falsifications et de dénégations vouées à l’échec. Ce qu’il savait.

   On notera que l’édition classique, celle de Venise, à 189 entrées (7 x 27), c’est-à-dire 70 (7 x 10) dans la première partie et 119 (7 x 17) dans la seconde, a été visiblement ordonnée autour du nombre 7, évacué dans le dispositif de Nostradamus. En effet les 68 et 114 items numérotés du manuscrit, font un total de 182, c’est-à-dire 7 de moins que dans l’édition classique, alors qu’en réalité la traduction de Nostradamus contient une cinquantaine de pièces en plus, non numérotées.

   La numérotation des épigrammes, introduite par Nostradamus sous forme de notes (“NOTE” ou parfois “NOTA” suivi d’un numéro), a pour fonction de mettre son exégète sur la voie et de relier l’Orus au Testament, puisque les nombres 13 et accessoirement 11 s’y distinguent également, mais aussi de voiler un dispositif, autrement trop visible.

   En effet, le nombre total des pièces versifiées de l’Orus, font un total de 243 pièces, réparties comme suit (cf. détail dans l’annexe) :

   Le prologue est d’un seul tenant : 1 pièce de 116 vers
(ou encore 11 x 10 vers sur 6 pages et 6 vers sur 1 page)

   Le 1e livre comporte 104 pièces (= 8 x 13) de 1041 vers (= 1000 + 41) + 4 pièces annexées de 41 vers
(sans le passage en latin repris d’Apianus qui ne comporte pas de rime)

   Le 2e livre comporte 124 pièces (= 4 x 31) de 1024 vers (= 4 x 4 x 4 x 4 x 4) + 10 pièces annexées de 86 vers

   On retrouve les nombres-clés du Testament : 3, 11, 13 et 31, à savoir 3 dans le total des 243 pièces versifiées (= 3 x 3 x 3 x 3 x 3), 11 dans le prologue et aussi dans le total des pièces versifiées en 2 parties mais sans le prologue (242 = 2 x 11 x 11), 13 dans le premier livre, 31 dans le second. En outre le nombre 6 (= 13 - 7) du prologue s’explique par l’exclusion du nombre 7 dont il vient d’être question, le nombre 8 du premier livre par la forme poétique dominante de l’ouvrage (le huitain), et le nombre 86 est précisément le nombre de folios numérotés du manuscrit.

   Restent 1 et 10 au prologue, 104, 1041 et 41 au premier livre (dont les rapports sont évidents), et 4, 10, 124 et 1024 au second (dont les rapports le sont tout autant). L’unité, la dizaine et ses multiples (100, 1000), et surtout le nombre 4, sont à la base de cet agencement. Autrement dit, on passe d’un dispositif originel à base 7 à un dispositif à base 4, symbolisant le quatrain.

Pièces Décomposition Vers Décomposition
Prologue 1 1 116 100 + (4 x 4) >> annonce les 2 livres
Livre I 104 100 + 4 1041 1000 + (4 x 10) + 1
Annexe I 4 4 41 (4 x 10) + 1
Livre II 124 100 + (2 x 10) + 4 >> car c’est le 2e livre 1024 1000 + (2 x 10) + 4 >> car 2e livre
Annexe II 10 10 86 (41 x 2) + 4 >> car 2e livre

    D’où le nombre clé du dispositif est 41 (= 11 + 30), le nombre de vers du premier supplément, qui se lit 11 (onzain marqué par l’acrostiche “NOSTRADAMUS” et inséré précisément au verso du folio 41 !) + 30 (vers restants annexés), et indique le nombre de quatrains de l’oeuvre prophétique (1130), ainsi que la date de composition de l’Orus, 1541.

   Enfin les initiales D M au titre du dernier épigramme, qu’il faut lire ici 500 + 1000, sont bien sûr à rajouter à ces 41 vers pour obtenir la date de composition du manuscrit de Nostradamus.

   On pourrait aussi rapprocher ces nombres, ici 11 et 41, des visions d’Hildegard von Bingen (1098-1179), la première voyante “moderne” (et la seule reconnue par Nostradamus ?), lesquelles elle aurait eues en 1141, soit exactement quatre siècles avant la rédaction de l’Orus. En effet Hildegarde, mystique et musicienne, est l’auteur d’importants textes visionnaires dont le Scivias (c. 1145) : “En l’année mille cent quarante-et-une de l’Incarnation du Fils de Dieu, Jésus-Christ, à l’âge de quarante-deux ans sept mois, une lumière de flammes d’un merveilleux éclat, venant du ciel entr’ouvert, pénétra mon cerveau, mon coeur et ma poitrine” (Scivias ou Les trois livres des visions et révélations, Paris, R. Chamonal, 1909, vol 1, p. 3). Hildegarde déclare dans ce texte avoir eu 26 visions en 1141, dont celle de l’Antéchrist peint comme un ver monstrueux et celle du grand Monarque. Et le plus troublant, c’est que ces deux visions, également centrales dans les Prophéties de Nostradamus, sont précisément la 13e et la 22e du traité d’Hildegarde.

   Ce ver monstrueux, énorme et difforme, est une assez bonne image de la civilisation dite “post-moderne” : “le grand empyre de l’Antechrist commencera dans la Atila & Zerses descendre en nombre grand & innumerable” (Epistre à Henry). C’est dire que le deuxième ou même peut-être le troisième Antéchrist des Prophéties a déjà envahi les lieux de la culture, qu’il n’est pas tant un personnage défini de l’histoire, mais plutôt une multitude indéfinissable et anti-spirituelle qui précisément avale et engloutit tous les efforts individuels vers la spiritualité.

   L’année de composition de l’Orus se retrouve au dizain A53, précisément situé au folio 26r et sous la note 26.

Comment [ilz signifioient] Taciturnite

Signifier voulant tayre ou silence
Qui est l’effect de taciturnite
Ilz escripvoyent ung nombre en aparance
Mil quatre centz et quinze bien compte
Qui est le terme sens rien soy mescompter
D’Ans troys complis constitues au sens
Supputant l’an nombre de jours troys centz
Soixante et cinq que l’enfant son langaige
Vient prononcer car devand de ce temps
Sa langue n’a de parler bon usaige

   L’enfant de 3 ans, loin de se taire, est précisément dans sa phase d’apprentissage et d’expression du langage, et entre même exactement dans le stade jupitéro-astéroïdal (représenté par Cérès et le quart du cycle jupitérien) qui marque le début de l’expression socialisée de sa langue maternelle.25 Autrement dit, il y a ici une parfaite concordance entre mon exposé des cycles planétaires et sa représentation égyptienne selon Horapollon.

   Mais Nostradamus compte 1415, et insiste même : “bien compté” et “sans rien rien mescompter”, pour trois années de 365 jours, alors que toutes les éditions, antérieures et postérieures au manuscrit, impriment évidemment 1095.

   Comme le remarque justement Lucien de Luca dans un texte posté sur son site Logodaedalia : “Dans la langue grecque, quatre cents pouvait s’écrire tetra-kosioi, très proche phonétiquement de tetra-eikosi, quatre-vingts. (...) une diction enfantine imparfaite aurait pu faire dire plus facilement, et comprendre aussi (pour nonante) quatre cents (tetra-kosioi) au lieu de quatre-vingts (tetra-eikosi).”

   Mais si l’enfant de 3 ans a du mal à interpréter et reproduire ce qu’il entend, Nostradamus sait jouer sur les nombres et piéger le lecteur trop pressé. Car précisément il ne s’agit pas d’une erreur de calcul ou d’une transcription fautive comme aime le croire une interprétation naïve à la Prévost ou à la Lemesurier, mais bien d’un jeu sur les nombres 1095 (le total des 3 années), 1415 (ce que l’enfant grec de trois ans pourrait entendre), et 1541, le nombre caché du dispositif.

   Outre la permutation des chiffres dans les nombres 1415 et 1541, on remarque que les trois sommes en jeu se relient les unes aux autres très simplement, et pour cela, il suffit de les traduire par leurs équivalents romains:

1415 = M C C C C X V
1095 = M L X X X X V
1541 = M D X X X X I

   On passe de 1095 à 1415, par une transformation de L en X (50 => 10) et de X en C (10 => 100), c’est-à-dire en divisant par 5 et en multipliant par 10.


De même on passe de 1095 à 1541, par une transformation de L en D (50 => 500) et de V en I (5 => 1), c’est-à-dire à nouveau en multipliant par 10 et en divisant par 5.

   Nostradamus indique encore la date de composition de l’Orus dans le nombre total de vers de sa traduction, soit 2308 vers “bien comptés”. En effet deux fois 1541 (car l’Orus comprend deux livres) font 3082. Et en permutant les chiffres un à un, ou encore en faisant passer le 2 des deux livres en première place, on obtient exactement le nombre de 2308.

   De même, deux fois 1555, l’année charnière choisie par Nostradamus pour publier ses premiers quatrains, aussi bien dans ses Almanachs, que dans son recueil de Prophéties, donne un total de 3110. En permutant le chiffre 3 en première place et le chiffre 1 en troisième, sachant que 13 est le nombre choisi par Nostradamus comme base de tous ses calculs, on obtient à nouveau (et ce pour la dizième fois depuis mon article sur les Pièces du Testament), le nombre de 1130.

   En somme, il faut doubler les dates de composition et de parution de l’Orus et des Prophéties, pour parvenir aux nombres 3082 et 3110, c’est-à-dire précisément “ au septiesme nombre de mille qui paracheve le tout, nous approchant du huictiesme”, comme Nostradamus l’indique dans sa première préface. En effet, on comptait à la Renaissance à partir de l’an supposé de la création du monde, c’est-à-dire l’an 5200 avant J-C selon Eusèbe, mais l’an 3967 avant J-C (le Christ étant supposé avoir vécu 33 ans) selon la date indiquée par Nostradamus dans ses Almanachs pour les années 1557, 1559, 1562, 1563 et 1566.

Oeuvre Année (double) Nombre de vers ou de quatrains
Orus Apollon 1541 3082 2308 vers
Prophéties 1555 3110 1130 quatrains

    Le hasard et les coïncidences des manipulations numériques peuvent justifier presque tout à fort bon compte, pour le sceptique et idéologue en poste, payé, cher, pour prévenir, empêcher et fustiger toute recherche qui tendrait à montrer qu’on a pu faire dans le passé ce qu’il ne sait plus comprendre.

   D’autres analyses cryptonumériques sur ce dispositif très travaillé de l’Orus (et que je développerai dans un prochain texte) indiquent encore les mêmes nombres, à savoir 1541, la date de composition du manuscrit, 1130, le nombre de quatrains à prendre en compte dans le corpus, et aussi 666, le nombre de l’Apocalypse à laquelle Nostradamus rattache, symboliquement, sa prophétie.

   En revanche, les nombres des divers pans du corpus, mis en évidence dans son Testament, à savoir 353 (quatrains de la première édition), 286 et 289 (nouveaux quatrains des secondes éditions), 300 (nouveaux quatrains des troisièmes éditions), et 154 (quatrains des almanachs), ne s’y trouvent pas. On en conclura que Nostradamus a élaboré la base de son projet cryptographique dès 1541, même s’il n’en a pas encore défini toutes les articulations. Il est probable que son idée de rattacher les diverses parties de son corpus aux nombres de Roussat lui est venue ultérieurement.

   Quel que soit le poids des mises en garde trompeuses de la raison quant à la valeur prophétique de l’opera nostradamica, le lecteur devra admettre qu’un vaste jeu cryptonumérique a été mis en place par le poeta mathematicus, le jeu de son esprit avec le monde et avec l’histoire, ou plutòt le jeu de l’esprit du monde qui se sert du prophète, son médium, pour jouer avec lui-même, - ce même “subtil esperit du feu” (Epistre à César), celui d’Héraclite, qui crée et transforme indéfiniment le monde, et incite le poète à prophétiser.

   Nostradamus est habité. Il n’est, dans un premier temps, que le jouet des dieux qui pilotent son inspiration et sa voix pour dévoiler les desseins du destin, car seuls les dieux, et les enfants comme le rappelle Héraclite, ont le privilège de jouer avec le monde et ses héros, ou de s’en jouer : ainsi Krishna qui conduit le char d’Arjuna, Athéna et Arès qui poussent leurs protégés au combat et parfois à l’exploit. Le mythe, dont l’histoire n’est que la reproduction sous la forme de la comédie, est un scénario orchestré par les puissances du destin.

   Mais Nostradamus ne s’est pas contenté de simplement restituer le feu qu’il a reçu : il l’a organisé, il l’a modelé “sous figure nubileuse” (Epistre à César). Il est l’inventeur du jeu d’énigme ou du jeu d’enquête, le Magister Ludi rèvé par Hermann Hesse, l’organisateur du Grand Jeu aperçu par René Daumal, le seul jeu qui sache mériter ses joueurs. Car dans le labyrinthe des signes, est maître d’oeuvre celui qui a su pénétrer l’intention du destin et qui s’est attaché à le restituer, de sorte que l’opera sache imiter la natura, de sorte que si l’une est pleine de dieux, l’autre est pleine de sens.

   Annexe : la mise en page de l’Orus

   Sont indiqués les folios (recto et verso), les pages blanches (---), le nombre de vers pour chaque page, ainsi que le contenu annexe pour certaines pages.

   Par exemple, “15v /2 + 12 + 4/” indique le folio 15, verso, contenant 2 vers se rattachant à une pièce de la page précédente, une épigramme de 12 vers, et 4 vers se rattachant à une pièce de la page suivante.

1r (titre manuscrit)
1v ---
2r (titre prologue) + prologue 12
2v prologue 19
3r prologue 19
3v prologue 19
4r prologue 20
4v prologue 21
5r prologue 6
5v ---
6r ---
6v ---
7r ---
7v ---
8r ---
8v (titre livre 1)
9r 10 + 8
9v 13 + 5/
10r /5 + 10 + (sous-titre)
10v (latin + inscription Isis + commentaire)
11r 10 + 8/
11v /2 + 12 + 2/
12r /15 + 3/
12v /15 + 2/
13r /10 + 9/
13v /5 + 14/
14r /2 + 8
14v 10
15r 10 + 8/
15v /2 + 12 + 4/
16r /6 + 10 + 3/
16v /7 + 8
17r 10 + 7/
17v /3 + 10 + 6/
18r /4 + 10 + 7/
18v /4 + 12 + 5/
19r /5 + 10 + 2/
19v /12 + 5/
20r /7 + 10
20v 11 + 6/
21r /5 + 8 + 4/
21v /4 + 12
22r 10 + 8 [page barrée]
22v 10 + 8 [page barrée, ou seulement le dizain]
23r 8 + 8 [page barrée]
23v 18/ [page barrée]
24r /12 + 8
24v 8 + 10
25r 8 + 6/
25v /4 + 8 + 4/
26r /6 + 4 + 6/
26v /2 + 8 + 5/
27r /5 + 10
27v 8 + 12
28r 10 + 5/
28v /5 + 8 + 2/
29r /10 + 6/
29v /6 + 10
30r 11 + 4/
30v /6 + 10
31r 10 + 8
31v 8 + 8
32r 8 + 8
32v 12 + 4/
33r /7 + 8
33v 12 + 4/
34r /6 + 10
34v 8 (+ note) + 5/
35r /5 + 8 + 4/
35v /4 + 10 + 4/
36r /8 + 8
36v 10 + 5/
37r /5 + 8 + 2/
37v /10 + 8
38r 8 + 8/
38v /2 + 8 + 8
39r 8 + 8
39v 8 + 8 + 2/
40r /6 + 8 + 4/
40v /6 + (titre de fin)
41r (annonce supplément) + 8
41v 11 (acrostiche) + 3/
42r /9 + 7/
42v /3 + (titre livre 2) + 5/
43r /3 + 8 + 4
43v 8 + 6/
44r /2 + 8 + 5/
44v /3 + 8 + 3/
45r /5 + 8 + 2/
45v /6 + 8 + 1/
46r /7 + 8
46v 8 + 8
47r 8 + 8
47v 4 + 8
48r 8 + 6/
48v /2 + 8 + 4/
49r /4 + 8 + 4/
49v /4 + 8 + 1/
50r /7 + 8
50v ---
51r 8 + 8
51v 8 + 7/
52r /1 + 10 + 3/
52v /5 + 8 + 2/
53r /6 + 8 + 1/
53v /7 + 8
54r 4 + 8/
54v /2 + 8 + 5/
55r /3 + 8 + 2/
55v /6 + 8
56r 8 + 8
56v 8 + 8
57r 8 + 3/ (retraduit)
57v /5 (retraduit) + 8 + 1/
58r /7 + 8
58v 10 + 8/
59r /2 + 8 + 4/
59v /6 + 8 (retraduit)
60r 8 + 8
60v 8 + 8
61r 8 (le reste de la page en blanc)
61v 8 + 6/
62r /4 + 8 + 3/
62v /5 + 8 + 2/
63r /6 + 8 + 2/
63v /8 + 10
64r 10 + 5/
64v /3 + 8 + 2/
65r /8 + 10
65v 8 + 8
66r 8 + 6/
66v /2 + 8
67r 8 + 2/
67v /6 + 8
68r 8 + 2/
68v /6 + 8
69r 10 + 5/
69v /3 + 8 + 4/
70r /6 + 5/ (retraduit)
70v /5 (retraduit) + 8
71r 8 + 8
71v 8 + 6/
72r /2 + 8 + 7/
72v /3 + 8
73r 8 + 8
73v 8 + 6/
74r /2 + 10 (+ début note)
74v (longue note)
75r 8 + 7/ (retraduit)
75v /3 (retraduit) + 10 + 3/
76r /9 + 8
76v 8 + 6/
77r /2 + 8 + 1/
77v /9 + 4/
78r /4 + 8
78v 10
79r 8
79v ---
80r ---
80v ---
81r 8 + 3/
81v /5 + (titre de fin)
82r (pièces sup) 8 + 8
82v 10 + 8
83r 8 + 10
83v 10 + 8
84r 8 + 8 (fin du manuscrit)
84v ---
85r ---
85v ---
86r ---
86v --- (fin de la numérotation des feuillets)

Dr. Patrice Guinard
CNS2, 15 février 2005

Notes

1 Lynn Thorndike signale une traduction latine manuscrite du XVe siècle : “Vienna 3255, 15th century, 82 fols., Horapollo, Hieroglyphicon latine versorum liber I et libri II introductio cum figuris calamo exaratis et coloratis” (in A history of magic and experimental science, New York, Columbia University Press, vol. 1, 1923, p. 332. Retour

2 On trouve, en annexe de l’édition Mercier de 1548, une épigramme signée Joannes Carvinus, qui ne serait autre que Calvin, comme le note François Garasse dans La doctrine curieuse des beaux esprits de ce temps, ou prétendus tels (Paris, S. Chappelet, 1623, pp. 1023. Retour

3 Cf. Guinard, Documentation Iconographique Autour de Nostradamus, CURA, 2004. Retour

4 Sur tous ces textes, cf. Guinard, L’appareil iconographique des éditions Macé Bonhomme, Espace Nostradamus, 2005. Retour

5 Cf. la thèse de Stéphane Rolet : Les Hieroglyphica (1556) de Pierio Valeriano : Somme et source du langage symbolique de la Renaissance, Centre d’études Supérieures de la Renaissance, Paris, C.N.R.S., 2000. Retour

6 Cf. notamment sur la question du sens des hiéroglyphes, l’ouvrage d’Isha Schwaller de Lubicz, Her-Bak “disciple” de la sagesse égyptienne, Paris, Flammarion, 1956. Retour

7 Cf. Guinard, “Les fonctions sémiologiques”, in Analyse critique de la sémiotique de Peirce, CURA, 2000 & in Concepts, n° 2, mars 2001, éd. Sils Maria, Belgique. Retour

8 Cf. Pline, Histoire naturelle, X-29, tr. fr. émile Littré, Paris, J. J. Dubochet, 1848-1850, vol. 1, p. 401. Retour

9 Cf. Francesco Sbordone, Hieroglyphica, Napoli, 1940 et Claude-Françoise Brunon, “Signe, figure, langage : Les Hieroglyphica d’Horapollon”, in Yves Giraud (éd.), L’emblème à la Renaissance, Paris, SEDES, 1982. Retour

10 Cet épisode m’en rappelle un autre du même genre... Retour

11 Cf. François Buget, “études sur Nostradamus”, in Bulletin du Bibliophile, 1861, p. 83. Retour

12 Le provençal Rollet ne doit pas être confondu avec le Dr. Maurice Rollet, auteur d’une thèse de médecine publiée à Paris chez Maloine en 1910 : Médecins astrologues (BM Lyon, 135782, Fds. Lacassagne). Retour

13 Les seules corrections dont je m’autorise dans ma transcription seront l’ajout de l’apostrophe dans le cas des voyelles élidées, et la restitution de la distinction phonique u/v, i/j. Retour

14 In Nostradamus lecteur d’Apianus, http://logodaedalia.chez.tiscali.fr/apianus.htm. Retour

15 Cf. Antoine Du Verdier, La prosopographie ou Description des personnages insignes, Lyon, Antoine Gryphius, p. 69. Retour

16 Cf. Guinard, CURA, 22 & 26, Atlantis, 412 & 414, et infra. Retour

17 Cf. le Dictionnaire de Godefroy. Retour

18 http://gallica.bnf.fr/Catalogue/noticesInd/MAN02406.htm. Retour

19 Ces dates attestées, du départ de Salon et de l’arrivée à Paris, ont probablement été choisies par Nostradamus et ne peuvent être indifférentes au lecteur moderne. Retour

20 Cf. Jean Dupèbe, Nostradamus: Lettres inédites, Genève, Droz, 1983, p. 169. Retour

21 Cf. “D’égypte en France par l’Italie : Horapollon au XVIe siècle” in Mélanges à la mémoire de Franco Simone (France et Italie dans la culture européenne), Genève, Slatkine, vol. 1, 1980. Retour

22 Cf. Champ Fleury, Paris, Geofroy Tory & Giles Gourmont, 1529, f. 73r. Retour

23 Cf. notamment “ Les Nombres du Testament” et “Les pièces de l’héritage”, CURA, 2002-2003; puis Atlantis, 412 & 414, 2003. Retour

24 Cf. infra en annexe, l’analyse page à page de la disposition du texte. Retour

25 Cf. Guinard, “ Cyclologie astrale”, http://cura.free.fr/24cyclas.html, CURA, 2003. Retour



 

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