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ANALYSE

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Du nombre initial de quatrains des Centuries V, VI et VII

par Jacques Halbronn

    Certains sont familiers avec notre grille numérique concernant les Centuries IV à VII.1 Nous en rappelons les données, nous proposant ici d’améliorer sensiblement notre présentation en l’appliquant au passage centurique de 1555 à 1557.

   Longtemps, le cas de la Centurie V nous a interpellé car nous nous demandions comment on avait pu passer de 17 quatrains à 100. Le nouveau modèle que nous proposons comporte pour la Centurie V, 107 quatrains, ce qui fait qu’il suffisait, en phase de passage des Centuries IV à VI à 100 quatrains, d’en supprimer 7 ou de les déplacer sur une autre centurie, pour arriver à 100, ce qui est tout de même plus simple et surtout plus rapide. Quant à la raison pour laquelle la centurie VII n’a pas été “complétée”, on rappellera que les 58 sixains extraits d’un ensemble plus large ont du, à un certain moment, s’ajuster sur les 42 quatrains de la VII. Mais cela se produisit au XVIIe siècle. La raison du maintien de la VIIe Centurie largement en dessous de 100 tient probablement à un modèle de référence comportant six centuries plus une addition, modèle qui au demeurant est signalé dans les éditions parisiennes de la Ligue qui parlent d’une addition de 39 articles à la dernière centurie. Rappelons que la raison du remplissage à 7 quatrains visait à faire passer les Centuries IV, V et VI pour les Centuries VIII, IX et X qui avaient été censurées. On rappellera que sous la Ligue, on ne trouve à Paris, à Rouen et à Anvers aucun édition comportant l’Epître à Henri II ni les Centuries qu’elle est censée introduire. Ce “second” volet ne réapparaîtra que dans les années 1620-1630.

   A l’appui de notre proposition quant à l’agencement numérique proposé, les observations numériques suivantes :

35
53
71
107

   Si l’on double 35 on obtient 70 soit 71 - 1 et si l’on double 53 on obtient 106 soit 107 - 1. Autrement dit les deux derniers nombres de la série correspondent au double des deux premiers augmentés d’une unité.

   89 qui appartient à la série est éliminé parce qu’isolé : 35 et 53 , 71 et 107 constituant deux ensembles comportant chacun les mêmes chiffres, 98 ne correspondant à rien dans la série.

   Les Centuries IV à VII auraient selon nous comporté dans la première fausse édition 1555 trois centuries pleines, une IVe centurie à 53 quatrains, une Ve à 107, une VIe à 71 et une VIIe à 35 quatrains, soit une série 53-107-71-35

   On voit que l’édition Macé Bonhomme 1555 est tronquée, ne comportant que la quatrième centurie mais cette IVe centurie n’est pas tronquée, elle n’est simplement pas encore augmentée. Elle correspond à un état antérieur à l’édition Anvers 1590 qui si elle comporte 35 quatrains à la VII comporte des Centuries V, VI, VII, normalisées à 100 quatrains. Nous pensons que l’édition Anvers bien que se référant à une édition 1555 à 7 centuries est en fait une édition augmentée qui ne se présente pas comme telle.

   Quant à l’édition Antoine du Rosne 1557, elle est postérieure à l’édition 1590, en ce qu’elle comporte 40 quatrains au lieu de 35 à la VIIe Centurie (pour l’exemplaire de Budapest) et 42 quatrains (pour l’exemplaire d’ Utrecht).

   Ajoutons que ces éditions à 7 centuries ne correspondent nullement aux premières éditions qui n’incluaient pas les centuries IV à VII mais les centuries VIII-X. C’est à un deuxième stade que ces centuries “chiffrées” ont été ajoutées. En tout état de cause, les premières éditions devaient comporter impérativement les quatrains correspondant aux Centuries VIII-X. Rappelons, une fois de plus, que les Centuries V-VII ne figurent pas chez Crespin.2

   Revenons sur la question des vignettes. Il n’est guère concevable qu’en 1555 aient coexisté deux vignettes différentes sur des publications de Nostradamus. Or, l’étude approfondie3 met en évidence deux vignettes “bureau” bien distinctes, l’une issue du Kalendrier des Bergers et que l’on trouve sur les Pronostications et l’autre issue de la traduction française de la Paraphrase de Galien.

   Tant en 1555 qu’en 1557, ces deux types de vignette coexistent et l’on pourrait penser que l’une des vignettes caractérise les contrefaçons, à savoir celle issue de l’édition Antoine du Rosne de la Paraphrase et ce d’autant plus que les éditions centuriques 1557 se présentent comme également parues chez cet imprimeur/libraire.

   On nous objectera que l’existence de ces deux vignettes est incontestable en 1557, en oubliant que dans un cas, celui de la Paraphrase, nous n’avons pas affaire à Nostradamus mais à Galien, Nostradamus n’étant qu’un bien modeste traducteur en la circonstance, ne méritant aucunement un tel honneur. Ce point, à l’évidence, a été ignoré des faussaires qui ont commis là une bévue qui aurait du suffire à disqualifier les éditions 1555 et 1557. On remarquera que cela ne s’est pas produit alors que cette affaire devrait être entendue aussi nettement et depuis aussi longtemps que pour les fausses éditions 1566 mais aussi le faux almanach 1563 Barbe Regnault, à quoi il convient d’ajouter la fausse Pronostication Barbe Regnault pour 1562 et probablement, si on la retrouve un jour, la fausse éditions des Centuries, augmentée pour 1561 et à laquelle se référent les éditions parisiennes de la Ligue dont certaines utilisent la vignette en question (Veuve Nicolas Roffet, Pierre Ménier).

   D’autres faussaires, en comparaison, auront été mieux inspirés en récupérant la vignette “Kalendrier”, notamment pour les Significations de l’éclipse de 1559 et pour la Pronostication pour 1555.4 On peut donc regretter que les contrefaçons des éditions 1555 et 1557 ne comportent pas la même vignette que celle des publications de Nostradamus pour ces mêmes années. La galiénisation des vignettes centuriques ayant pour corollaire les fausses éditions Antoine du Rosne 1557 constitue un ensemble de présomptions fort lourd contre l’authenticité des éditions supposées parues du vivant de Michel de Nostredame.

   Ce que nous demandons aux nostradamologues, c’est de faire l’inventaire de ce qui a été conservé mais aussi de ce qui ne l’a pas été. Quand on lit les bibliographies de Benazra ou de Chomarat, on nous signale certes de temps à autre que telle ou telle édition a pu exister mais ce n’est jamais à partir d’un quelconque raisonnement fondé sur certains recoupements. Nous leur demandons de reconnaître que dans la succession des éditions, les éditions 1555 et 1557 (Budapest et Utrecht) sont des maillons épars d’une chaîne à reconstituer. Entre l’édition Macé Bonhomme 1555 à 353 quatrains, vestige elle-même d’une édition à 566 quatrains (300 + 53 + 107 + 71 + 35) et l’édition Antoine du Rosne à 640/642 quatrains, il faut caser les éditions parisiennes de 1588, qui correspondent à un début de formation de Centuries pleines mais qui ne vaut pas encore pour la centurie VI à 71 quatrains et l’édition anversoise de 1590 à 35 quatrains seulement à la VII- sans parler des éditions rouennaises que nous n’avons pu consulter. Alors, qu’on ne vienne pas nous dire que l’on est passé directement de 1555 à 1557 de l’édition Macé Bonhomme à l’édition Antoine Du Rosne- Budapest sous prétexte que l’on ne dispose que de ces deux éditions antidatées. Qui ne voit que ce ne sont là que des éditions extraites d’un ensemble plus vaste paru dans les années 1580-1590 ! Bien mieux, l’édition 1555 nous est précieuse parce que c’est le seul vestige d’une édition à 53 quatrains à la IV ni plus ni moins d’ailleurs que nous est indispensable l’édition St Jaure Anvers 1590 qui correspond à l’évidence à un état antérieur à celui de l’édition Antoine du Rosne-Budapest, n’en déplaise à Gérard Morisse. Une règle d’or pour l’historien des emprunts est que l’emprunteur n’emprunte qu’une partie de ses sources lesquelles sont toujours plus riches que le résultat de l’emprunt en ce qu’elles préservent un continuum diachronique là où l’emprunt n'opère que des ponctions discontinues.

   Nous proposons donc aux chercheurs de pratiquer ce que nous appellerons une chronologie structurelle, consistant à classer un ensemble de documents, sans considération de la date indiquée ou de la période d’activité de l’éditeur, en ne tenant compte que d’une certaine logique d’évolution de la structure des éditions et en effectuant des rapprochements entre éditions ayant le même profil, la même présentation. Il semble que l’on puisse se mettre d’accord sur un tel procédé, chacun, ensuite, pouvant offrir les explications qui lui conviennent sur cette base.

   Il est probable que ce décalage entre ces deux “écoles” de faussaires, les uns recourant piteusement à la vignette Galien, faute de mieux et les autres à la vignette “Pronostication” tient probablement à ce que les seconds étaient mieux achalandés et en mesure de produire des faux moins grossiers. Les seconds, en effet, semblent avoir disposé d’un corpus de publications authentiques de Nostradamus dont ils ont pu faire l’usage que l’on sait tandis que les premiers ont travaillé avec un corpus beaucoup plus pauvre : Paraphrase de Galien, des éditions Macé Bonhomme dont on reprit les lettrines.

   On soupçonnera le groupe des faussaires éclairés d’avoir trouvé des complicités parmi les proches de Michel de Nostredame et il semble bien que Jean Aimé de Chavigny soit lié à ces gens là, lui qui se présente comme éditeur du Recueil des Présages Prosaïques (Grenoble, 1589) qui comporte cette Pronostication pour 1555 si douteuse.

   L’histoire des contrefaçons présente bien des similitudes avec celle des éditions authentiques. On peut ainsi dire que l’édition 1557 des Centuries fait suite à l’édition 1555 des Centuries tout en signalant qu’aucune de ces éditions n’est parue à la date indiquée. Tant et si bien que certaines questions sont communes à ces deux cas de figure, à savoir le passage d’une édition à la suivante. Les nostradamologues qui pensent que ces éditions sont authentiques doivent expliquer comment on est passé des éditions Macé Bonhomme 1555 aux éditions Antoine du Rosne 1557 tout comme ceux qui considèrent que ce sont des faux antidatés.

   Même la date de la Préface à César fait problème : le Ier mars 1555, à l’époque - on applique alors en France le style de Pâques, jusqu’en 1564 - sauf dans les publications annuelles, lesquelles démarrent en janvier, c’est le Ier mars 1556. Quand Couillard rédige ses Prophéties, il date son texte de janvier 1555 qu’il faut lire janvier 1556.5 Encore une maladresse, due à l’hypercorrection de faussaires travaillant à une époque qui n’est plus familière avec un tel code. Il est probable que l’Epître à César telle que la cite Couillard est datée du Ier mars 1554. Comment pourrait-il décrire en janvier 1555 un texte écrit en... mars 1555 ?

   On ajoutera parmi les anomales de l’édition 1555 le fait de mettre un certain nombre de mots tout en majuscules, ce qui est une coutume que nous trouvons notamment chez Chavigny.6

   Que dire des recherches de Gérard Morisse qui considère que l’on pourra démontrer l’authenticité des éditions de 1557, dont il a publié une édition en 2004, en faisant une étude des caractères d’imprimerie ? Il semble que nos travaux sur les vignettes montrent à quel point ces éditions sont trahies précisément par leurs vignettes appartenant se référant à un autre auteur que Nostradamus à savoir Galien, le grand médecin grec de l’Antiquité. Rappelons que la difficulté de ce type de recherche tient au fait qu’il faut déjà être sûr que l’édition témoin n’est pas elle-même un faux antidaté car dans ce cas il n’y aurait évidemment aucune difficulté à montrer la similitude entre les documents ainsi confrontés puisque ils seraient effectivement issus l’un de l’autre.

   Nous voudrions répondre à une lettre de M. Adrien Delcour qui nous félicite pour notre étude sur les Centuries et l’Angleterre7 en soulignant le fait que les sources que nous mettons en avant, avec l’Epître des Champs Elysées de Jehan Bouchet, sont de peu antérieures aux prétendues premières éditions des Centuries. Delcour y voit un argument ou du moins une présomption en faveur d’une rédaction des Centuries à cette époque. Nous répondrons, en renvoyant à une récente étude, parue sur Espace Nostradamus, sur le rôle des prétextes dans l’élaboration du corpus nostradamique, que selon nous les Centuries sont issues d’un ouvrage de poésie historico-politique sans aucune vocation prophétique et qui fut par la suite instrumentalisé par les néonostradamistes. Nous ne pensons pas en effet que l’on ait compilé des textes historiques à des fins prophétiques, comme le pense Peter Lemesurier, mais que l’on a reconverti, selon un modus operandi “prétextuel” un grand poème historique - ou plusieurs d’entre eux dans le même genre, à l’instar d’ailleurs de celui de Bouchet, dont on ne connaît précisément l’existence que par l’usage prophétique qui en a été fait.

   A propos de la grille astrologique proposée par Peter Lemesurier, nous considérons qu’elle est irrecevable en ce qu’elle ne tient pas compte des pratiques astrologiques propres au XVIe siècle mais est la projection d’un astrologue actuel. Or, l’astrologie mondiale au XVIe siècle s’articule autour de la théorie des Grandes Conjonctions, dont un Crespin fait notamment grand usage. Si des dates sont avancées, c’est par rapport aux conjonctions des planètes. D’ailleurs, quand un astrologue fait des prévisions, il suppose, implicitement, que les événements “mémorables” auront lieu au moment exact où des configurations significatives, mathématiquement repérables, se produiront. En revanche, après l’événement, post eventum, il se contentera d’approximations, de ce que l’on appelle des orbes. Mais alors que l’astrologue moderne multiplie le nombre de configurations, du fait de la quantité d’aspects et de corps célestes pris en compte, l’astrologue de la Renaissance recourt à une cyclicité des plus simples, ce qui a d’ailleurs contribué au crédit de son modèle conjonctionnel notamment auprès d’un Jean Bodin, l’auteur de la République (Livre II).

   Or, la démarche de Lemesurier, nous semble-t-il, n’est pas de cet ordre là : il s’agit bien de partir d’un événement et d’étudier les positions astrales à ce moment là, ce qui peut tout à fait ne correspondre à aucune conjonction entre Mars, Jupiter ou/et Saturne. Pour le nostradamologue britannique, dès lors qu’on a associé un quatrain avec un événement mémorable, comme la bataille de Poitiers de 1356 remportée par le Prince Noir contre le roi de France Jean II Le Bon, il s’agit de relever les positions planétaires et de considérer que lorsque ces mêmes positions se représenteront un événement correspondant à nouveau au quatrain en question ou en tout cas à l’événement historique ainsi repéré devra se reproduire. A notre connaissance, la pratique astrologique d’un Richard Roussat, exposée dans le Livre de l’Etat et Mutation des Temps, prouvant par authorité de l’Escriture & par raison astrologale la fin du monde estre prochaine (Lyon, Guillaume Rouillé, 1550) dont on retrouve la trace dans plusieurs quatrains8 ne correspond aucunement à une telle méthode de travail. L’astrologue de la Renaissance comme du Moyen Age, utilise un cadre de configurations astronomiques se suivant à des intervalles relativement espacés ; il y a en quelque sorte des dates clefs, notamment tous les 20 ans, ce qui fait qu’on a un rendez-vous une décennie sur deux : les années 1560, puis les années 1580 et ainsi de suite. Il convient d’insister à ce propos sur le fait que Michel de Nostredame s’est beaucoup plus intéressé du moins dans les années 1550, décennie durant laquelle on voudrait qu’il ait rédigé son Epître à Henri II à l’échéance des années 1560 qu’à celle des années 1580, ce qui ne correspond pas aux dates figurant dans la dite Epître datée de 1558, à savoir 1585 et 1606. En revanche, au début des années 1570, chez notamment un Crespin, c’était bien la décennie 1580 qui était à l’horizon. Si un événement ne correspond pas aux conjonctions, il est en quelque sorte ignoré car l’astrologie de cette époque veut être prédictive et non pas explicative, elle met donc tout son poids sur des moments astronomiquement “mémorables”, selon une formule qui revient souvent dans la littérature d’inspiration léovitienne, sur la base de traités des conjonctions (De conjonctionibus) ou des éclipses (Eclipsium). De nos jours, les astrologues ne procèdent plus ainsi : ils partent d’un événement politique majeur, comme le 11 septembre, à New York et examinent les aspects qui sont alors formés, mais sans disposer désormais d’une grille cyclique bien structurée tant le nombre de facteurs utilisés est multiple d’autant que l’on ne se concentre pas sur les seules conjonctions. Ne parlons pas du recours à des planètes inconnues au XVIe siècle comme Uranus, Neptune et Pluton ! Le même anachronisme, selon nous, est commis par un Jean-Charles Pichon, dans ses travaux sur Nostradamus (réédités récemment par son fils Jean-Christophe Pichon) selon lesquels une théorie précessionnelle, donc non planétaire, serait à l’oeuvre dans la chronologie centurique, théorie qui n’était absolument pas connue au XVIe siècle et qui ne commencera à se répandre, au plus tôt, qu’au XIXe siècle, dans les milieux astrologiques.9

   Pour faire écho au dernier article de Patrice Guinard, “Le système de codage de l’Orus Apollo (1541)”, paru sur Espace Nostradamus, consacré à la traduction d’Horus Apollon attribuée à Michel de Nostredame et qui met en avant l’existence d’une structure numérique. Citons le : des “analyses cryptonumériques sur ce dispositif très travaillé de l’Orus (et que je développerai dans un prochain texte) indiquent encore les mèmes nombres, à savoir 1541, la date de composition du manuscrit, 1130, le nombre de quatrains à prendre en compte dans le corpus, et aussi 666, le nombre de l’Apocalypse à laquelle Nostradamus rattache, symboliquement, sa prophétie. En revanche, les nombres des divers pans du corpus, mis en évidence dans son Testament, à savoir 353 (quatrains de la première édition), 286 et 289 (nouveaux quatrains des secondes éditions), 300 (nouveaux quatrains des troisièmes éditions), et 154 (quatrains des almanachs), ne s’y trouvent pas. On en conclura que Nostradamus a élaboré la base de son projet cryptographique dès 1541, mème s’il n’en a pas encore défini toutes les articulations. Il est probable que son idée de rattacher les diverses parties de son corpus aux nombres de Roussat lui est venue ultérieurement. Quel que soit le poids des mises en garde trompeuses de la raison quant à la valeur prophétique de l’opera nostradamica, le lecteur devra admettre qu’un vaste jeu cryptonumérique a été mis en place par le poeta mathematicus, le jeu de son esprit avec le monde et avec l’histoire, ou plutòt le jeu de l’esprit du monde qui se sert du prophète, son médium, pour jouer avec lui-mème, - ce mème “subtil esperit du feu” (Epistre à César), celui d’Héraclite, qui crée et transforme indéfiniment le monde, et incite le poète à prophétiser.”

   Comme on l’observe dans notre présent article, nous sommes bien éloignés de négliger l’existence d’une grille numérique des Centuries. Mais si grille il y a, et peu importe qu’elle soit due à tel ou tel auteur, Michel de Nostredame ou un autre - la dite grille doit nous permettre de rétablir l’état initial des éditions des Prophéties - ou quel que soit le nom qu’on leur ait attribué à un moment ou à un autre - un texte ne dépendant ni d’un titre, ni d’un auteur mais de l’agencement d’un contenu - et non de valider les états aléatoires par lesquels on les a fait passer. Si effectivement, “on” avait voulu mettre, en 1555, en avant 353 quatrains, on n’aurait pas complété à 400, dès 1557, on serait passé à la centurie suivante - comme ce fut selon nous le cas - en laissant 53 quatrains bien en évidence à la IVe Centurie et ainsi de suite pour les autres nombres susceptibles de structurer les quatrains, à l’instar de ce qui s’est produit pour la VIIe Centurie, restée, elle, incomplète, ce qui montre bien que c’est possible, surtout chez ceux qui ne considérent pas la VIIe comme la dernière.

   Or, Patrice Guinard, à la différence de chercheurs s’appliquant à différents textes de différents auteurs et mettant en avant une certaine grille, nous parle d’un systéme permettant de déterminer sinon de prédire l’histoire du texte centurique. Autrement dit, il nous propose un grille non pas synchronique mais diachronique, ce qui est assez original mais colle assez bien avec un texte qui se veut prophétique. Pour nous il y a une grille synchronique des Centuries, c’est-à-dire un certain dispositif qu’il faut restituer en dépit des ajouts ultérieurs tandis que pour P.Guinard, les dits ajouts qui viennent paradoxalement occulter la grille en question, comme c’est notamment le cas pour les 53 quatrains de la IVe Centurie qui n’apparaissant comme un ensemble spécifique que dans la seule édition Macé Bonhomme 1555 et nullement dans le canon centurique, donc qui échappent totalement au lecteur du dit canon, ces dits ajouts, donc, feraient partie du projet originel. On notera, a contrario, que lorsque P. Guinard recherche des grilles en astrologie10, notamment en ce qui concerne les rapports planétes/signes zodiacaux, il se garde bien de raisonner ainsi et affirme pouvoir restituer une structure initiale et non de valider celle qui a été adoptée par le canon de la tradition astrologique.

Jacques Halbronn
Paris, le 18 février 2005

Notes

1 Cf. “Les Centuries face à l’astrologie et à la numérologie”, Espace Nostradamus. Retour

2 Cf. Documents Inédits sur le phénomène Nostradamus, Feyzin, Ed. Ramkat, 2002Cf. Documents Inédits sur le phénomène Nostradamus, Feyzin, Ed. Ramkat, 2002. Retour

3 Cf. notre article sur “les deux plus célèbres vignettes centuriques”, Espace Nostradamus. Retour

4 Cf. notre étude sur la Correspondance Nostradamus, Espace Nostradamus. Retour

5 Cf. O. Millet, “Feux Croisés sur Nostradamus au XVIe siècle”, Divination et controverse religieuse en France au XVIe siècle, Cahiers V L Saulnier 4, 1987. Retour

6 Cf. notre étude sur les majuscules, sur Espace Nostradamus. Retour

7 Cf. notre étude sur Espace Nostradamus. Retour

8 Cf. l’article d’Yves Lenoble sur l’éclipse de 1999, sur Espace Nostradamus et, en anglais, dans l’Astrological Journal, 1999. Retour

9 Cf. nos travaux sur les “heurs et malheurs de l’astrologie mondiale contemporaine”, sur le site CURA.free.fr. Retour

10 Cf. son Manifeste sur le site CURA.free.fr. Retour



 

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