ESPACE NOSTRADAMUS

Lune
Portrait de Nostradamus
Accueil
Biographie
Ascendance
Bibliographie
Références
Analyse
Frontispices
Gravures Actualité
Recherche
Club
Ramkat
Lune




ANALYSE

28

L’image oubliée d’un Michel de Nostredame,
premier exégète des Centuries

par Jacques Halbronn

    Nous serions prêt à parier que dans le sottisier qui sera dressé un jour des perles commises par les nostradamologues la plus éminente risque fort d’être celle de l’image d’un Nostradamus historien.

   On voit mal en effet en quoi un prophète ou prétendu tel irait s’amuser à jouer à l’historien. En revanche, que des faussaires, eux, aient eu à se mettre dans la peau d’un historien est parfaitement vraisemblable.

   Il suffit, en tout cas, de disposer d’un certain bagage en matière de prophétisme comparé pour resituer à sa juste signification la dimension rétrospective des Centuries. Seul un chercheur ne connaissant que le phénomène Nostradamus peut ignorer les règles de l’art du prophétisme - notamment dans le cas du malachisme - consistant à montrer qu’un texte prophétique a déjà été en partie validé. Il ne nous semble pas que Roger Prevost1, par exemple, ait pris la juste mesure de la dimension historicisante du néo-prophétisme, consistant à reculer la date à laquelle un texte a été sinon publié du moins produit.2

   Le Janus François est pourtant clair à ce sujet quand dès le titre, il indique, contenant sommairement les troubles, guerres civiles & autres choses mémorables advenues en la France & ailleurs dès l’an de salut MDXXXIIII iusques à l’an MDLXXXIX, fin de la maison valésienne. Toute personne, sans a priori, découvrant une telle formule se convaincra que le texte prophétique concerné - à savoir les Centuries et même les quatrains d’almanachs, largement utilisés dans ce commentaire paru en 1594 - était supposé avoir été rédigé avant l’année 1534, terminus ad quem, sinon en quoi serait-il prophétique ?

   Certains objecteront qu’il fallait que les contemporains aient été bien naïfs pour accepter qu’un texte prophétique prétende avoir existé à une date éloignée sans qu’on puisse en apporter la preuve. Certes, mais tel fut bien le cas et il convient de ne pas tomber dans l’anachronisme : que dire, ainsi, de la Prophétie des Papes attribuée à Saint Malachie, primat d’Irlande (1094 - 1148) et supposée avoir donc été réalisée dès le XIIe siècle alors que sa première occurrence imprimée date de 1595 ? Le lecteur de la dite prophétie se voit ainsi infliger une longue liste de devises correspondant à une succession de pontifes romains. Les faussaires qui produisirent ces listes latines firent, eux, oeuvre d’historien - de seconde main - ou plutôt compulsèrent les Histoires des papes disponibles pour en extraire des devises tout comme, très vraisemblablement, il en fut pour les quatrains, composés, pour un grand nombre, à partir de travaux historiques ainsi versifiés. L’ironie de la chose veut que pour “vérifier” la véracité de telles “prédictions”, les exégètes furent conduits à recourir aux mêmes ouvrages que ceux utilisés par les faussaires !

   Au XIXe siècle, nous rencontrons un exemple célèbre avec la Prophétie d’Orval, parue en 1839 - 1840 et comportant tout un pan historique déjà écoulé concernant la Révolution Française de 1789 et l'avènement de Napoléon Bonaparte. Le lecteur de l’époque, sous la Monarchie de Juillet, ne serait certainement pas aller qualifier le dit texte de travail d’ “historien” puisque c’est précisément l’inverse que l’on voulait lui faire croire, à savoir que le texte avait été réalisé avant les dits événements.

   Car de deux choses l’une, soit le prophète parle d’événements sur le point de se produire et risque de passer pour un vulgaire journaliste qui voit les choses venir, soit il est censé avoir écrit bien avant et dans ce cas il faut bien qu’il ait commencé à prédire des événements à partir de la date de la supposée rédaction, quitte à ce que les dits événements soient bien connus de tous du moins jusqu’à un certain moment où l’on bascule vers ce qui ne s’est pas encore réalisé. C’est un peu comme avec un avion qui roule pendant un certain temps sur la terre ferme et puis, tout d’un coup, prend son envol. Il y a un moment où le texte prophétique s’envole mais cela a été préparé par une période, plus ou moins longue, où il est encore au sol.

   Or, de nos jours, il semble que les nostradamologues refusent de comprendre le mécanisme du processus qu’ils sont censés étudier.3 Non seulement, ils laissent entendre que Michel de Nostredame publia en telle et telle année, de son vivant, des Centuries alors que celles-ci, selon nous, sont présentées comme posthumes4, mais en plus ils veulent le présenter comme historien, c’est-à-dire, stricto sensu, comme quelqu’un qui, en l'occurrence, de son propre chef, aurait mis en vers toute une série d’événements connus de son temps, un peu comme à l’époque il existait, comme l’a montré P. A. Schmidt5, une poésie “scientifique” qui transposait de façon poétique tout un savoir existant. Que de contresens et de fausses représentations !

   Pour les contemporains, il n’était, en effet, nullement nécessaire que Michel de Nostredame ait publié ses Centuries de son vivant ; ils pouvaient parfaitement admettre, dans leur candeur, qu’il les avait conservées par devers lui, depuis des décennies, en l’occurrence le début des années 1530 - il aurait été alors âgé de trente ans environ - puisque l’essentiel était ce qui n’avait pas encore eu lieu. Bien entendu, ce qui pouvait déjà être vérifié ne faisait que renforcer le crédit de telles Prophéties. Comme on dit, en sortant du cabinet du voyant, s’il a bien prévu ce qui était déjà connu du client, pourquoi ne verrait-il pas juste pour l’avenir ?

   Le fait que l’on présente Michel de Nostredame comme recourant au Mirabilis Liber aurait d’ailleurs contribué à confirmer la période rédactionnelle des années 1520, date à laquelle le recueil prophétique circulait. A notre connaissance6, il ne semble pas, en effet, que le Mirabilis Liber ait circulé en latin au delà du début des années 1530, sa carrière se poursuivra ensuite en français et sans le Compendium de Savonarole, qui s’y trouvait, dont la Préface à César est la réplique. On sait que Peter Lemesurier s’est intéressé ainsi d’ailleurs que Théo Van Berkel au rapprochement Mirabilis Liber - Centuries.

   Ainsi, selon le scénario posé par les faussaires eux-mêmes, Michel de Nostredame aurait rédigé ses quatrains bien avant les années 1550 et ceux-ci auraient été publiés après sa mort, si bien que les auteurs qui mettent l’accent sur ces années là sont doublement dans l’erreur, du moins par rapport à ce que les contemporains pensèrent alors et par rapport aux dates de parution réelles des Centuries. En fait, les années 1550 seraient un moyen terme entre la date supposée de rédaction et la date de parution posthume : c’est alors que Michel de Nostredame, dans le scénario des faussaires, fait un bilan positif de son oeuvre prophétique, qu’il a eu le temps de tester.

   La lecture de la Préface à César, dans sa version posthume, mais bien censée avoir été écrite au lendemain de sa naissance, est d’ailleurs tout à fait explicite à ce sujet :

   “Combien que (Bien que, quoique) de longs temps par plusieurs foys j’aye prédit longtemps auparavant ce que depuis est advenu & en particulières regions, attribuant le tout estre faict par la vertu & inspiration divine & autres felices & sinistres adventures de accélérée promptitude prenoncées (c’est-à-dire pré-annoncées), que despuis sont advenues par les climats du monde ayant voulu taire etc. ”

   Il ne fait pas de doute que Michel de Nostredame est ici présenté par les faussaires comme ayant été son propre et premier exégète et que s’il présente ses quatrains, c’est parce qu’il en a déjà pu éprouver la pertinence, d’où deux fois la forme depuis qui renvoie à la date où ceux-ci sont supposés avoir été produits et cette date semble avoir été, si l’on en croit le Janus Gallicus, 1534. Rappelons que cet ouvrage a ses lettres de noblesse et que, quelle que soit la véritable identité de Jean Aimé de Chavigny, on s’y appuie sur certains anciens documents. En outre, la répétition maladroite de longtemps dans la même phrase souligne et trahit l’intention des rédacteurs, à savoir insister sur l’ancienneté des quatrains ainsi réunis.

   On comprend mieux dès lors ce à quoi il est fait allusion dans les Significations de l’Eclipse qui sera le 16 septembre 1559, datée du 14 août 1558, reproduite en fac-similé dans l’ouvrage de B. Chevignard (p. 455) : “comme plus amplement est déclaré à l’interprétation de la seconde centurie de mes Prophéties.” Il s’agit apparemment d’un commentaire que Michel de Nostredame lui-même se serait vu attribuer et qui devait concerner précisément les “confirmations” entre un certain nombre de centuries et les décennies ayant précédé. Il faut bien comprendre qu’un tel commentaire ne pouvait être que rétrospectif. On peut supposer que le Janus Gallicus, également rétrospectif, commençant à 1534 en aurait repris l’idée et l’aurait bien entendu prolongée jusqu’en 1594, en y incluant assez curieusement les quatrains des almanachs postérieurs à la Préface à César telle qu’on nous la présente. Il est bien possible qu’un tel commentaire signé Michel de Nostredame ait été fabriqué à l’époque puisque signalé.

   Dans l’Eclaircissement des véritables Quatrains (1656), l’éditeur écrit que dans l’Epître à Henri II, Notradamus dit “qu’il fera dans un escrit à part l’éclaircissement de ses quatrains” (p. 82), mais il semble que cela concerne le futur et non le passé. En fait, comme le proposait le Janus Gallicus, on devrait avoir affaire à un double commentaire, l’un consacré au passé - la face première de Janus - et l’autre au futur - la face seconde de Janus qui ne parut pas. Toutefois, le Janus Gallicus, première face, paru en 1594, au fond, reconstitue, bien que très partiellement, les deux commentaires supposés réalisés et perdus de Michel de Nostredame, puisqu’il remonte à 1534 et couvre une période d’environ 40 ans en aval de 1555.

   Mais, a-t-on suffisamment souligné le fait qu’en dépit du fait que le Janus Gallicus (p. 36) annonce qu’il étudie ce qui est arrivé “dez l’an de Grace 1534 iusques à l’an 1589”, il ne consacre aux 20 ans et plus qui précédent 1555 que six quatrains (pp. 38 - 40), trois pour l’an 1534, un pour 1545, un pour 1547 et un pour 1553 puis il passe à 1555 et aux années suivantes. On peut se demander si l’on ne cherche pas à masquer la perte d’un commentaire qui aurait couvert la période 1534 - 1554 et qui aurait été attribué à Michel de Nostredame en personne.

   On notera, en passant, l’usage non attesté par ailleurs dans la production “sécurisée” de Michel de Nostredame d’une phrase réduite à des initiales7 : “Et aussi H.T.H.N.S. & par moyen d’heréditer (sic) s’en ensuivra telles merveilleuses adventures etc.” alors que ce procédé est courant dans les Pléiades de Chavigny (Lyon, Pierre Rigaud, 1603, BNF, R 31239) ; nous avons consacré une étude à cette question dans Le texte prophétique en France.8 Une telle formule chavignienne nous semble confirmer que les Significations sont une contrefaçon.

   Les faussaires ne voulaient surtout pas, en effet, présenter Michel de Nostredame comme un historien sinon dans son activité d’exégète de ses propres quatrains ! Ce serait plutôt un anti-historien, quelqu’un qui saurait avant terme et dont les formulations obscures seraient la marque de fabrique puisque, à l’évidence, n’est-ce pas, on ne parle pas du monde de la même façon avant et après coup. L’astuce de ces faussaires, c’était de pouvoir montrer que ce qui pouvait sembler obscur finissait tôt ou tard par s’éclairer. C’est ce qu’on appelle pratiquer le froid et le chaud, on inquiète pour rassurer et après la victime est mise en confiance, d’autant qu’elle avait cru devoir se méfier : les sceptiques font souvent les plus convaincus quand on a su les retourner.

   Ce qui vient pleinement confirmer notre analyse, ce sont les commentateurs attitrés tels que le Janus François déjà cité et l’Eclaircissement des véritables quatrains (1656). Ces deux exégètes attribuent d’office à Michel de Nostredame l’annonce d’événements antérieurs aux éditions de 1555 pour le premier qui débute sa chronologie en 1534 et de 1557 pour le second qui ne débute sa chronologie qu’en 1555, à la fin du règne d’Henri II : “Affaires de la France (...) depuis le Ier mars 1555”, c’est-à-dire depuis la date de rédaction de la Préface à César de Nostredame. Pour l’auteur de l’Eclaircissement, le dominicain Giffré de Réchac, Michel de Nostredame n’a pas “prévu” les événements antérieurs au 1er mars 1555, mais dès cette date l’ensemble des Centuries a été écrit et publié. On voit donc que Giffré de Réchac ne suit pas le Janus Gallicus et s’en tient à une vision plus proche - mais non pas plus juste - de celle en vigueur actuellement. Et de fait, le dominicain n’accorde pas aux quatrains des almanachs - les “Présages” - l’importance considérable qui est la leur dans le Janus Gallicus et il sera suivi également en cela par les nostradamologues modernes. Car dans le J. G, les quatrains des almanachs, bien que dûment datés dès l’origine, recouvrent un champ événementiel qui va bien au delà de l’échéance de consommation indiquée, comme si Michel de Nostredame avait rédigé ces quatrains là bien avant de les placer dans ses publications annuelles des années 1550 - 1560. Il nous semble que c’est l’approche du J. G., bien plus proche des milieux de faussaires - on ne reviendra pas ici sur la question Chavigny / Chevigny9 - qui doit faire référence et non celle de l’Eclaircissement qui nous semble hétérodoxe.

   Si l’on admet le caractère ouvertement posthume du phénomène centurique - à l’exception bien entendu des quatrains d’almanachs qui viennent apporter leur caution et conférer sa vraisemblance à l’ensemble du dispositif - il n’est nullement nécessaire d’affirmer que la Préface à César de mars 1555 parut peu après ou encore que l’Epître à Henri II du 27 juin 1558 fut aussitôt publiée et ainsi de suite pour divers autres textes dont probablement les Significations de l’éclipse qui sera le 16 septembre 1559, constituées d’une épître datée du 14 août 1558.

   Tous ces textes peuvent parfaitement avoir été publiés après la mort de Michel de Nostredame comme des documents restés inédits, “encore jamais imprimés”, selon la formule qui figure sur nombre d’éditions des Centuries. On comprend d’ailleurs beaucoup mieux ainsi que l’Epître à Henri II de 1558 n’ait pas suivi immédiatement celle qui figurait en tête des Présages Merveilleux pour l’an 1557, ce qui aurait pour le moins intrigué les contemporains. En revanche, en faisant paraître cette nouvelle mouture plus de dix ans après la première, on ne risquait plus guère de choquer, celle-ci ayant depuis longtemps disparu de la circulation. Et il en était probablement de même pour la première mouture de la Préface à César. La publication posthume favorise les contrefaçons et en constitue même le terrain idéal.

   Mais l’on sait qu’outre le caractère délibérément rétrospectif d’une partie des quatrains, se posait la question de ce qui n’était pas encore accompli. Car pour les faussaires, ce qui importait, outre le travail de compilation réalisé, c’était de parler de ce qui se jouait à terme au niveau politique, sinon ils ne se seraient pas fatigués à présenter autant de faits déjà connus et relativement aisés à décrypter pour les contemporains dotés d’une certaine culture. Et c’est là qu’intervient un autre aspect des contrefaçons qui fait aussi l’objet de controverses entre nostradamologues, à savoir la “mise à jour” du corpus historique, au cours des années qui suivirent les premières publications ”posthumes”. C’est qu’au fur et à mesure que l’on s’éloignait de la fin des années 1560 qui virent apparaître cette production “inédite”, le “crédit” historique tendait à s’épuiser, comprenez que les contrôles sur le passé devenaient de plus en plus aléatoires puisque ce passé s’éloignait et devenait de jour en jour moins familier des nouveaux lecteurs, sans parler du fait que les événements annoncés, pour leur part, tendaient à devenir obsolètes qu’ils se soient ou non réalisés, car que vaut une prophétie dont tous les éléments auraient été confirmés et qui n’aurait plus rien à dire ? Il fallait donc à la fois ajouter de nouveaux quatrains “historiques” et annoncer de nouvelles échéances. Sans cela, on conçoit que l’on aurait depuis longtemps arrêté, notamment sous la Ligue, de publier de nouvelles éditions des Centuries ; si ce ne fut pas le cas, loin de là, c’est que ces nouvelles éditions comportèrent toujours le dosage adéquat de vérification sur un passé récent et de prise sur un futur en train de se profiler. Le cas des sixains est à ce propos emblématique.10

   Par la suite, à partir de la fin du XVIIIe siècle, qui vit encore la fabrication d’éditions datées de 1566 et prétendument et invraisemblablement parues chez Pierre Rigaud (sic), on cessa de “trafiquer” les Centuries et on laissa la place aux seuls exégètes et aux nostradamologues bibliophiles. Or, ces derniers, sans pouvoir être taxés de faussaires contribuèrent singulièrement à fausser les représentations, ce qui est au demeurant édifiant pour l’épistémologie de l’Histoire.

   En effet, si à partir des documents conservés, des éditions retrouvées, on est parvenu à élaborer le roman que nous connaissons, cela donne des frissons en ce qui concerne la capacité des Historiens en général à nous parler sainement du passé. Curieusement en effet, ce sont les découvertes des éditions les plus anciennement datées qui égarèrent le plus les chercheurs11 et interférèrent avec ce qu’une étude des témoignages d’époque, notamment la compilation de Crespin, permettait de reconstituer. Non pas certes que ces éditions retrouvées - on pense évidemment aux quatre exemplaires datés ou de 1555 ou de 1557 - ne méritaient pas quelque attention, mais leur intérêt fut sensiblement surévalué et éclipsa certaines données essentielles. Il importe de digérer de telles découvertes qui conduisirent un Pierre Brind’amour à axer son travail éditorial, chez Droz, sur l’exemplaire Macé Bonhomme de Vienne - comme un Torné Chavigny ou un Le Pelletier avaient pris, sous le Second Empire, comme édition princeps le faux de 1566 - ce qui paraîtra probablement à l’avenir comme une monstruosité scientifique.

   Il n’est certes pas inutile, non plus, comme l’ont fait Brind’amour et Prevost, de montrer quels étaient les quatrains qui avaient pour fonction d’embobiner le lecteur de l’époque en lui montrant combien Michel de Nostredame avait prévu ce que tout le monde savait et donc pouvait vérifier, mais il ne faudrait pas tomber dans l'excès de croire que c’est le cas de tous les quatrains car on basculerait dans l’absurde. La logique d’une telle démarche rétrospective avait en effet ses limites : ce sera le rôle des exégètes et des faussaires que de la prolonger chacun avec leurs procédés. Car qu’est ce qu’un moderne exégète sinon quelqu’un qui essaie, sans trop bien savoir pourquoi, de mettre à jour le corpus “historique” des quatrains sans même chercher à exploiter ce “capital” pour baliser l’avenir ? A quoi bon de telles mystifications et de telles acrobaties, en effet, si ce n’est pour assumer de façon responsable, un certain sacerdoce prophétique ? Nous sommes bien là en présence d’une sorte de prophétisme dégénéré ! Au fond, on pourrait encore préférer un Jean-Charles de Fontbrune, auteur d’un ouvrage au titre révélateur d’un certain mélange des genres, Nostradamus, historien et prophète (Monaco, Ed. Du Rocher, 1980), qui met sa culture historique au service d’une certaine vision du futur, ô combien vouée à l'éphémère, s’il n’était pas tombé, lui aussi, voulant imprudemment jouer à l’historien, dans une représentation inconsistante du prophétisme tel qu’il existait au XVIe siècle.

Jacques Halbronn
Paris, le 19 mai 2003

Notes

1 Cf. Nostradamus, le mythe et la réalité, Paris, Laffont, 1999. Retour

2 Cf. notre Texte prophétique en France, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2002. Retour

3 Cf. notre première étude sur les nostradamologues sur le Site du Cura.free.fr. Retour

4 Cf. notre texte sur le Site Nostredame.chez.tiscali.fr, “Caractère et carrière posthumes des Centuries”. Retour

5 Cf. La Poésie scientifique au XVIe siècle, Paris, 1970. Retour

6 Cf. notre étude sur cet ouvrage sur le Site Cura.free.fr, mais plus amplement dans Le texte prophétique en France, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2002. Retour

7 Cf. Chevignard, op. cit., p. 452. Retour

8 Cf. op. cit. Voir aussi “le recours aux majuscules chez Chavigny”, Site Nostredame.chez.tiscali.fr. Retour

9 Cf. B. Chevignard, Intr. Présages de Nostradamus, Paris, Ed. Seuil, 1999. Retour

10 Cf. notre étude in Documents inexploités sur le phénomène Nostradamus, Feyzin, Ed. Ramkat, 2002. Retour

11 Cf. notre étude sur les publications du cinquième centenaire, sur le Site Nostredame.chez.tiscali.fr. Retour



 

Retour Analyse



Tous droits réservés © 2003 Jacques Halbronn