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ANALYSE |
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Pour une histoire de l’érudition nostradamologique |
Les représentations de l’oeuvre nostradamique ont évolué sensiblement entre la fin du XVIe siècle1, le Brief Discours, placé en tête du Janus Gallicus (1594) et la fin du XXe siècle, soit durant quatre cents ans environ. On abordera également la question de l’histoire de la recherche des sources et celle de l'exégèse du corpus nostradamique.
I - La question des éditions canoniques des Centuries
Pendant longtemps, un certain consensus voulut que dès 1555 fussent parus sept centuries, précédées d’une Préface à César. On ignora longtemps l’existence d’une édition à 353 quatrains et tout se passait comme si l’édition Antoine du Rosne à sept centuries, datée de 1557, n’était que la réédition conforme d’une précédente édition. Parallèlement, un second volet de centuries était censé être paru dès 1558, date de la rédaction de l'épître canonique à Henri II. Encore en 1691, paraîtra à Londres un texte intitulé The Predictions of Nostradamus before the Year 1558 (...) considered in a Letter to a Friend.2 Il était important que les Centuries aient paru intégralement avant la mort d’Henri II en 1559. En fait, il y eut toute une période où l’on n’avait pas accès à des éditions pouvant être parus du vivant de MDN, on ne disposait au XVIIe siècle que d’un lot d’éditions du dit siècle si bien que de nombreux commentaires du XIXe voire du XXe siècles mentionnent 1547 (notamment sur la base de l’édition d’Amsterdam, 1668) et non 1557 comme la date de référence dans l’Epître à Henri II, sans même signaler, probablement par méconnaissance, la variante. On ne pouvait donc que faire des suppositions sur l’état des éditions du siècle précédent. Ce n’est que peu à peu que l’on localisa dans certaines bibliothèques des éditions des années 1588 - 1590, et il est à noter que nombre d’exemplaires en sont localisés dans des bibliothèques de Londres et notamment à la British Library. La prise de connaissance des dites éditions - dont il conviendrait de préciser le moment, probablement sous le Second Empire, fut certainement édifiante : on y voyait les centuries VI et VII à l’état de chantier et l’on ne pouvait qu’être plongé en une certaine perplexité quant à l’existence de centuries plus achevées à une période sensiblement antérieure, notamment celles supposées parues chez Antoine du Rosne, en 1557 et dont le contenu était strictement identique du moins pour les cinq premières centuries et pour la Préface à César, ce qui pouvait aussi bien conduire à conclure qu’elles étaient parues après 1588. Les rares et fort brèves mentions d’éditions antérieures à 1588, notamment dans des bibliographies générales et nullement réservées au corpus nostradamique - année qui inaugure la chronologie des éditions conservées - ne permettent guère en effet de se faire une idée de leur composition et de leur contenu exacts. Par la suite, on allait combler ce vide non pas tant en exhumant d’anciennes éditions sauf dans le cas des almanachs et pronostications, et sous réserve d’inventaire, mais en produisant des éditions antidatées (1555, 1557, 1558 (non conservé), 1560 (non conservé), 1568) que l’on ne peut qualifier d’office de faux, mais qui ont pu parfois être réalisés en toute bonne foi par des personnes peu au fait des manipulations, retouches et interpolations subies. On notera cependant que la préférence des éditions antidatées allait tout de même pour 1566 et 1568, selon une tradition qui voulait que les Centuries ne soient parues qu’à la mort de MDN, d’où la présence d’épitaphes dans plusieurs des dites éditions.3
Alors que de nos jours, les éditions Macé Bonhomme 1555 sont mises en avant - d’où l’édition Brind’amour4, la perception qu’avait le public était bien celle d’un premier volet à sept centuries, précédé d’une Préface au fils de Nostradamus. Ce public n’imaginait pas que ce premier volet s’était constitué au moins en deux étapes, à des époques bien différentes. Les choses étaient simples : deux épîtres en tête de deux trains de Centuries, comme on pouvait en trouver dans les éditions du XVIIe siècle, notamment celles d’Amsterdam (D. Winkeermans, 1667, celle de 1668, chez Iannson, ne comportant d’ailleurs pas la Préface à César). Comment aurait-on pu soupçonner que le premier train avait fait l’objet d’additions substantielles et dans ce cas à quelle date seraient-elles intervenues ?
C’est dire que la description par Bareste, dans son Nostradamus, Paris, Maillet, en 1840, de l’édition Macé Bonhomme, a du ou aurait pu faire réfléchir. D’ailleurs, en ce même ouvrage, Bareste exprime des doutes sur l’existence d’une édition Benoist Rigaud, 1568 :
Les bibliographes parlent d’une autre édition de 1568 faite par Benoist Rigaud. Mais nous ne pouvons rien dire de positif à cet égard car nous ne la connaissons point ; elle ne se trouve dans aucune bibliothèque de Paris. (p. 255)
Ainsi, avec la réapparition d’une édition à 353 quatrains alors qu’on n’en connaissait qu’autour de 600 quatrains et plus, montrait que l’on était en présence de trois volets de centuries, en ne se tenant qu’aux dix premières (rappelons que les sixains seront présentés encore à la fin du XVIIe siècle comme une Centurie XI). Klinckowstroem5, il y a 90 ans déjà, dénoncera l’édition 1566, comme le rappelle Liberté LeVert.6 Toutefois, il ne le fera pas sur la base d’une critique interne mais sur celle de l’attribution suspecte au libraire lyonnais Pierre Rigaud, lequel n’oeuvrait pas à cette date. La critique de Klinckowstroem était d’autant plus frappante que c’était précisément cette même édition qui avait été jugée, jusques alors, pouvoir être le fondement d’éditions critiques, comme celle de Torné-Chavigny7, et d’Anatole Le Pelletier.8
En 1933, il y a donc 70 ans, Boulenger9 faisait ainsi le point :
- une édition datée de 1556, Avignon. Faite sur celle de Macé Bonhomme.
- une édition Antoine du Rosne, 1557.
- une édition 1558, signalée par J. J. Held et J. C. Adelung, bibliographes allemands.
La démarche d’un Giffré de Rechac10 ne se fonde pas, quant à elle, sur une connaissance bibliographique, elle prétend éliminer certains pans du corpus nostradamique, notamment les sixains et les présages selon des critères internes somme toute assez vagues, rejetant ainsi en bloc les quatrains des almanachs au prétexte qu’ils sont douteux. Dès le milieu du XVIIe siècle émergea donc une forme de critique nostradamique, visant à une refonte du canon nostradamique, ce qui effectivement se produisit au siècle suivant.
Il faut bien reconnaître que la plupart des nostradamologues sont incapables de suivre une quelconque méthode pour déterminer les textes ayant fait l’objet d’additions tardives et ils s’en remettent à ce que l’on pourrait appeler une tradition bibliographique qui tend à se figer.11
Un des paradoxes des controverses actuelles tient au fait que ceux qui revendiquent la paternité de MDN sur les Centuries en évacuent les sixains, tandis que ceux qui la contestent sembleraient plutôt souhaiter adopter un canon les incluant. En réalité, les premiers souhaitent au prix de ce sacrifice mettre en place quelque cordon de sécurité tandis que les seconds, considérant l’ensemble comme une oeuvre collective, considèrent les sixains comme un module supplémentaire venu s’ajouter.
En réalité, quels sont les enjeux d’un tel débat ? Il semble qu’il s’agisse pour certains de montrer que le texte nostradamique n’a pas changé depuis le temps de MDN ou depuis le lendemain de sa mort. Or, en dehors des citations bien incomplètes de Couillard12 quant à la parution d’une Epître à César et de Crespin13 quant à un certain nombre de quatrains de quelques centuries, on n’a pas une représentation précise de l’oeuvre avant la fin des années 1580 et ce uniquement pour les sept premières centuries car pour les dernières centuries (VIII-X) ainsi que pour l’Epître à Henri II, il semble que l’on n’ait rien de substantiel avant l’assassinat d’Henri IV, en fait un demi-siècle environ après la mort de MDN. En 1625, Gabriel Naudé en donne dans son Apologie pour tous les grands homme qui ont esté faussement soupçonnez de magie (Paris, F. Targa, BNF Z 17295) des extrait du début de l’Epître au Roi :
Qu’il a dicté ses predictions plutost d’un naturel instinct accompagné d’une fureur Poétique que par regles de poésie, encore qu’il les ait accordées aux calculations astronomiques. Naudé mentionne également la milliade, terme spécifique de la dite Epître des trois centuries adressée au Roy Henry II.
Certes, on sait qu’il a existé quelque chose mais ce ne sont que des bribes. Est-ce à dire qu’il faille soupçonner que les éditions non conservées seraient sensiblement différentes de celles qui nous sont accessibles ? Il semble bien que des différences considérables aient existé, que nombre de quatrains aient été changés, retouchés, ajoutés, depuis les années 1560, lesquelles virent paraître les premières Centuries alors que les années 1550 ne les connurent probablement pas, ce qui ne signifie nullement que MDN n’ait pas produit alors de quatrains pour ses almanachs voire pour ses Prophéties Perpétuelles ou du moins sur une longue série d’années.
Le problème avec l’histoire des éditions des Centuries, c’est qu’elle ne suit pas un modèle linéaire mais serait plutôt sinusoïdale. Les éditions les plus volumineuses ne sont pas nécessairement les plus tardives, à plusieurs reprises, il semble qu’il y ait eu des élagages. Une première fois on est passé au cours des années 1580 d’une édition à dix centuries à des éditions à sept centuries, du fait de l’évacuation des Centuries VIII-X, pour cause de Ligue. Une seconde fois, au XVIIIe siècle, on est passé d’éditions avec sixains, annoncés par une Epître à Henri IV, constituant le noyau d’un troisième volet, lequel comprendra même, dans certains cas, les Présages et divers quatrains additionnels, à des éditions ne comportant plus de troisième volet et s’arrêtant à la centurie X, à l’instar de la fameuse édition Pierre Rigaud 1566.14 L’Eclaircissement des véritables quatrains (1656) semble bien tout ignorer d’éditions ne comportant pas de troisième volet et il se plaint d’ailleurs de la présence du dit volet, ce en quoi il sera suivi mais au siècle suivant. Daniel Ruzo, dans son ouvrage majeur, a raison de souligner le fait que les éditions des Centuries sont à regrouper par familles ; en aucune façon, contrairement à ce que pourrait laisser croire une première lecture du RCN de R. Benazra, les éditions se succèdent-elles comme ce serait le cas si elles émanaient d’un seul et même éditeur. Mais si Ruzo a remarqué, justement, en effet certaines différences entre les éditions, toutefois, au lieu de les mettre sur le compte de retouches tardives, il propose de les considérer comme des marques distinctives, remplaçant ainsi un enjeu diachronique par un clivage simplement synchronique et, en quelque sorte idiosyncratique. Il en est ainsi d’un quatrain (43) situé à la fin de la VIIe centurie et qui figure dans telle édition et pas dans telle autre15 :
Un Juste Roy de trois Lys gaignera
us le Pau une palme nouvelle
sme moment que chacun marchera
le clocher de la Saincte Chapelle.
Il n’en reste pas moins que tout nostradamologue qui se respecte doit être conscient des variantes (chronèmes, selon notre terminologie) existant d’une édition à l’autre et se servir de ces observations pour dater les éditions les unes par rapport aux autres.
II - La question des sources et des emprunts du corpus centurique
Les deux premiers quatrains de la première centurie furent reliés à une littérature magique, bien avant les travaux d’un Pierre Brind’amour.16 Ce fut le cas de Jacques Boulenger, dont le Nostradamus, paru en 1933, sera largement repris par Mark Amiaux, dans son Nostradamus, l’homme qui a prévu Napoléon, Paris, Fernand Sorlot. Mais déjà en 1913, un Charles Nicoullaud17 citait déjà, à ce propos, le De Mysteriis Aegyptiorum de Jamblique (p. 71), ouvrage traduit de grec en latin par Marsile Ficin (1497), suivant en cela Buget.18 En constatant les emprunts que les Centuries auraient effectué, l’on ne pouvait que regarder autrement la nature, point si personnelle, du travail entrepris par MDN.
Amiaux19 s’exprime ainsi :
Il est curieux de rapprocher de ces deux quatrains un fragment du livre des Mystères Egyptiens (...) Sibylla in Delphis.... suscipiebat deum... sedens in adyto super sedem aeneam habentem tres aut quatuor pedes (la sibylle de Delphes... recevait la divinité... assise dans le sanctuaire sur un siège d’airain, ayant trois ou quatre pieds), et cet autre extrait du même ouvrage concernant la pythonisse du temple de Brancus qui s’élevait aux portes de Milet etc.
Si le premier quatrain (I, 2) comporte notamment le mot airain (Seul reposé sus la selle d’aerain), le dernier rapprochement proposé concerne le verset II, 2 : La verge en main mise au milieu des (sic) branches etc, branches étant rapproché de Brancus.
Une autre contribution importante sera celle de Chantal Liaroutzos, à la fin des années 198020 - ce qui montre que la progression est très lente - laquelle mettrait en évidence la composition d’un nombre important de quatrains à partir de La Guide des Chemins de France de Charles Estienne (1553). Le travail de cette chercheuse était susceptible de s’interroger sur des procédés assez fantaisistes et qui pouvaient apparaître comme peu compatibles avec une oeuvre authentique. Mais cela valait déjà pour les emprunts des premiers quatrains qui pouvaient ne pas être le fait de MDN.
La question des sources est un sujet complexe, car au fur et à mesure que l’on découvre le mode de composition des quatrains voire des épîtres - et depuis Torné Chavigny, l’on sait ce que la Préface à César doit au Compendium de Savonarole, autre ouvrage datant de la fin du XVe siècle comme la traduction de Ficin de Jamblique - on est en droit de se poser certaines questions : est-ce qu’un prophète utilise des documents préexistants, s’occupe de recopier divers ouvrages et par ailleurs quel intérêt a-t-il à mettre dans ses quatrains des événements qu’il a pu collecter dans des livres d’Histoire, comme l’a montré un Pierre Brind’amour ? De tels procédés de plagiaire ou en tout cas de compilation nous semblent plutôt devoir être le fait d’imitateurs, cherchant à se faire passer pour prophète, en se voulant disciples de MDN voire en cherchant à se faire passer pour lui.
Par ailleurs, il est parfois tentant pour ne pas faire ressortir l’interpolation d’un événement postérieur à la mort de MDN dans les Centuries de rechercher un événement comparable mais qui lui soit antérieur. Mais ce faisant, on fait de MDN une sorte de poète historien du passé plutôt qu’un prophète. Ou encore, on cherche à montrer que tel quatrain traite d’un événement n’ayant pas encore eu lieu, ce qui est une sorte de fuite en avant. Mais un autre cas de figure consiste à signaler l’attente d’un événement qui n’a pas eu lieu car il est parfois un peu facile de dire que l’événement en question était en fait prévu pour une date ultérieure. C’est ce qui s’est passé avec l’image d’Henri II dans le corpus centurique : on a fréquemment soutenu que l’auteur ne s’adressait pas forcément à ce roi, en jouant notamment sur le sens du mot second (cf. l’article de M. Barrois). Mais parfois, on voit un échec prévisionnel là où cela n’était pas le cas ; c’est ainsi que Liberté LeVert21 attribue à MDN un quatrain (VI, 70) annonçant un triomphe bien prématuré pour Henri (anagramme Chiren) II :
Au chef du monde le grand Chyren sera
Plus oultre après aymé, craint, redoubté
Son bruit & loz les cieulx surpassera
Et du seul titre victeur fort contenté
Dans le Janus Gallicus (n° 7, p. 40), ce quatrain est d’ailleurs également associé à Henri II et ce pour 1547, lors de son avènement. Or, ce quatrain appartient à la centurie VI qui selon nous date des années 1580 à moins évidemment que certains quatrains aient changé entre temps de centurie sans qu’il faille pour autant attribuer quelque quatrain centurique que ce soit à MDN. En découplant MDN des Centuries, on parvient également à le décharger de certains échecs. En fait, ce Chiren là peut aussi bien viser un Henri III, souverain régnant par ailleurs Roi de Pologne, au milieu des dites années 1580. Il ne faudrait pas en effet que la fortune d’Henri IV éclipse rétroactivement les vains espoirs mis dans le dernier Valois.
En fait, ce qui indispose le plus certains chercheurs, c’est bien la perspective d’avoir à reconnaître que le corpus centurique ait pu se constituer dans les décennies qui suivirent la mort de MDN, encore qu’ils aient pour dernier recours, comme on le soutenait d’ailleurs à l’époque, à la fiction de publications posthumes, thèse qui était encore de rigueur dans la Préface à Henri IV introduisant les sixains, texte en lui-même posthume puisque paru, comme pour l’Epître à Henri II, après la mort (en 1610) du souverain concerné.
Certes, c’est un procédé fréquent que de montrer qu’une prophétie que l’on publie a déjà fait ses preuves. Ce sera notamment le cas au XIXe siècle de la Prophétie d’Orval, qu’un abbé H. Torné Chavigny associera au corpus nostradamique. Cela exige de la part du public une certaine ingénuité que d’accepter qu’on lui produise un texte vérifié mais sans qu’on ait la preuve certaine de sa date de rédaction. On comprend dès lors que des épîtres datées de 1555 ou de 1558 aient pu figurer dans des éditions plus tardives, attestant ainsi de la dite date de rédaction, ce qui signifiait que les lecteurs pouvaient ainsi vérifier que des événements survenus depuis y avaient bien été annoncés, du moins dans les quatrains associés aux dites épîtres.
Or, il semble bien que ce mécanisme n’ait plus été compris au bout d’un certain temps et que l’on voulut à tout prix que des éditions datées de 1555, 1557, 1558 etc aient bien existé pour éviter toute discussion comme si demain quelqu’un, croyant bien faire, produisait une Prophétie d’Orval datée de la Révolution Française alors qu’elle n’a commencé à être imprimée qu’à la fin des années 1830 et qu’elle est supposée jusque là n’avoir existé qu’en manuscrit.
III - Publications annuelles ou perpétuelles, traductions
Daniel Ruzo avait pressenti qu’il pouvait y avoir des passerelles entre publications non centuriques et éditions des Centuries. C’est ainsi qu’il compare l'épître à Henri II de 1556 à celle figurant dans le canon22, où il confond, par inadvertance, l’almanach pour 1557 et les Présages Merveilleux pour la même année. Il confronte le Janus Gallicus avec les quatrains de la Pronostication pour 1555 (p. 270) sans malheureusement s’inquiéter du fait qu’une pronostication de MDN n’a pas de quatrains. Ruzo n’a pas davantage envisagé que la Préface à César pouvait être issue d’un contexte non centurique à l’instar de l’Epître à Henri II.
Cette Préface à César qui annonce des Vaticinations Perpétuelles et dont le contenu a probablement inspiré les premiers quatrains de la première Centurie comporte une référence à une bibliothèque que l’on aurait brûlée :
Ay fait présent après la lecture à Vulcan, que cependant qu’il les venoit à dévorer, la flamme léchant l’air etc.
On nous présente ainsi un Nostradamus compilateur. Or, nous connaissons un ouvrage qui s’intitule Pronostication Perpétuelle. Recueillie de plusieurs autheurs par Maistre Michel Nostradamus, Paris, Jean Bonfons (BNF) et qui pourrait correspondre, selon nous, au titre de l’ouvrage originellement introduit par la dite Préface à César, encore qu’avec probablement un contenu quelque peu différent de celui de la dite édition. On sait en effet que souvent un titre survit avec un nouveau contenu. Quant aux vignettes représentant un M. De Nostredame dans sa bibliothèque, faut-il rappeler qu’une telle vignette est reprise à l’identique d’une vignette figurant dans le Kalendrier et Compost des Bergiers, ouvrage classique de la fin du XVe et du début du XVIe siècle et bien au delà, notamment en France et en Angleterre ? (cf. notre étude sur Cura.free.fr) Affirmer que cette vignette et ses dérivés représentent Michel de Nostredame nous semble donc ne plus avoir de crédibilité, en dépit de ce qu’a pu affirmer un Michel Chomarat, encore à Salon de Provence, lors de la journée consacrée, le 14 décembre 2003, au cinq centième anniversaire de la naissance de Nostradamus, anniversaire qu’il aurait mieux convenu de célébrer le 24 décembre, en raison de la réforme grégorienne et pour respecter le retour du soleil en un même point du ciel qu’à la naissance, ce qui est la base de ce que les astrologues appellent la révolution solaire.
On notera que les disciples de MDN (cf. infra) ne s’essaieront pas tant à produire des Centuries dépourvues d’un appareil chronologique explicite, qu’à produire des almanachs, des prédictions pour une ou plusieurs années.
On peut se demander notamment pourquoi si les quatrains centuriques avaient eu un tel impact en France, ils n’auraient point été traduits en anglais comme le furent certains quatrains d’almanachs, du vivant de MDN. A propos de traductions, on notera la façon étonnante dont le Janus Gallicus rend en latin les quatrains, les infléchissant selon les besoins de l'exégèse, dont il conviendrait de préciser les enjeux, tant des Présages que des Centuries, et le fait que l’édition parisienne de 1596 ne comporte plus la dite traduction.
Quant aux traductions attribuées à Nostradamus, il convient de rappeler qu’en tout état de cause, le texte de la Paraphrase de Galien (1557) n’est pas de lui, qu’il en serait tout au plus le traducteur et qu’il nous semble assez étrange, comme on a pu l’entendre à Salon, lors de la journée de célébration signalée plus haut, qu’on puisse lui en attribuer le contenu, en en citant des passages. Par ailleurs, on comprend mal pourquoi Le Vray et parfaict embellissement de la face ne comporte pas de vignette nostradamique (cf. supra), alors que la Paraphrase dont MDN est seulement le traducteur comporte celle-ci, vignette qui selon nous est réservée aux oeuvres proprement astrologiques de ce dernier, ce qui n’est le cas ni de la Paraphrase ni de l’Embellissement. Nous avons soutenu ailleurs sur ce Site qu’une telle édition de la Paraphrase (1557 et 1558) était un faux à l’instar des éditions également datées de 1557 comportant cette même vignette chez le même libraire.
IV - Disciples et commentateurs
Un domaine qui semble avoir été particulièrement négligé jusqu’à présent est la mise en évidence d’une certaine tradition exégétique, c’est-à-dire le fait que tel quatrain soit associé par des auteurs successifs aux mêmes événements. A-t-on par exemple étudié si des auteurs prétendant couvrir un même règne recoururent aux mêmes quatrains, dans quelle mesure ils se recopièrent les uns les autres ? On pense notamment à la comparaison entre certaines pages du Janus Gallicus et l’Eclaircissement des véritables quatrains de 1656, à propos des règnes d’Henri II et de François II. Un tel travail permettrait éventuellement de clarifier la question des premiers commentaires non conservés des Centuries et notamment celui attribué à Dorat23, dans la mesure où les commentateurs ultérieurs s’en seraient inspiré plus ou moins littéralement.
On sait par ailleurs l’intérêt pour dater les Centuries des témoignages extérieurs, ceux d’un Antoine Couillard, d’un Laurent Videl et plus encore, selon nous, d’un Antoine Crespin, dont la compilation de quatrains - ne se présentant d’ailleurs pas comme telle, faut-il le préciser - dans les Prophéties dédiées à la Puissance Divine & à la nation française (1572) permet de douter fortement de l’existence à cette date des quatrains correspondant aux centuries du canon V, VI et VII.24
Il est certain que l’industrie du faux nostradamique a commencé avant la mort de MDN ou en tout cas juste après son décès et qu’un Benoist Rigaud ne fut nullement étranger à une telle production, comme le montre la parution en 1567 du Vray Pronosticq fait par le Maistre disciple de Nostradamus pour l’an 1567 dont nous avons trouvé un exemplaire non signalé par les bibliographes qui n’en fournissent pas de localisation25, à la British Library. (cote 1607/739) On imagine mal un libraire publiant conjointement, vers 1567-1568, les textes authentiques de MDN et ceux de ses prétendus disciples. A la fin de ce texte, on trouve un portrait d’un personnage richement vêtu d’une sorte de pelisse, qui ne semble pas avoir été reproduit dans les ouvrages de Benazra ou de Chomarat. Or, on trouve la même vignette à la fin d’un autre texte d’un disciple de MDN, à savoir Mi. De Nostradamus le Jeune, également conservé à la British Library (cote C 133 b 22) : les Predictions pour vingt ans, continuant d’an en an jusques en l’an mil cinq cens quatre vingtz trois etc, Rouen, Pierre Hubault, ce qui revient à faire paraître l’ouvrage vers 1563 (1583 moins 20), mais la page de titre laisse plutôt entendre que l’édition en question est plus tardive et qu’il s’agit de la réédition (en 1569) d’une publication antérieure à la mort de MDN : trouvée en la Bibliothèque de notre defunct dernier décédé Maistre Michel de nostre Dame. C’est dire que ce disciple ne se prétend nullement être Michel Nostradamus lui-même. Faut-il aussi insister sur le fait que la parution d’un tel genre d’ouvrages, à savoir des prédictions sur toute une série d’années n’aurait guère fait sens si MDN ne s’y était pas, déjà, illustré, ce que vient confirmer la mention dans la Préface à César de la mention de vaticinations perpétuelles. On connaît un autre exemplaire26 sans toutefois le portrait in fine, paru toujours à Rouen, chez Pierre Brenouzer (BNF, Res. pV 715 (1). En fait, dans le premier cas (Le Maistre), le personnage, en buste, tient une fleur dans la main droite, tournant la tête vers la droite, et dans le second - Mi. De Nostradamus le Jeune - dans la main gauche, tournant la tête vers la gauche. La présence du même portrait final dans les deux ouvrages parus sous des noms d’auteurs différents est significative d’une certaine concertation ou plutôt d’une imitation des uns par les autres. On ne parle ici que des disciples de la première génération, ceux des années 1560. Le processus se maintiendra dans les années 1570 et 1580 notamment avec Florent de Crox, se disant disciple de deffunct M Michel Nostradamus, et Jean Maria Coloni. Ajoutons que les Prédictions pour 20 ans comportent au titre une autre vignette plus connue et qui sera reprise au XVIIe siècle.27 Nous avons déjà souligné le fait insolite d’une édition Benoist Rigaud censée parue à Lyon, en 1568, laquelle ne mentionnerait pas le récent décès de MDN. Il est clair, en revanche, que par la suite, la mention du dit décès n’avait plus de raison d’être, vu le décalage chronologique entre les dates des épîtres et celle de la parution. Mais dans les années 1560 - 1570, rien ne permettait, a priori, de savoir si l’auteur était déjà mort, même vingt ans après la date inscrite à la fin de la Préface à César (Ier mars 1555) et ce d’autant que MDN avait eu ce fils tardivement, comme il est d’ailleurs précisé au début de l’épître, à cinquante ans.
Daniel Ruzo avait bien compris à quel point le corpus nostradamique était un puzzle, dont certaines pièces manquaient comme, pensait-il, dans le cas de l’édition28, dont la Première Face du Janus François était le commentaire très partiel. A vrai dire, il n’est nullement certain qu’une édition des Centuries comportant en annexe les Présages ait jamais existé - on n’en connaît d’ailleurs aucune qui ne soit accompagnée des sixains. Car il faudrait aussi supposer, dans ce cas, au vu des Pléiades (1603), également présentées par ce Jean Aimé de Chavigny, qu’ont été également publiées d’autres pièces en prose qui y sont commentées. Il vaudrait mieux en vérité supposer carrément la publication du Recueil des Présages Prosaïques dont on a au moins le manuscrit prêt pour l’édition et qui était peut être une copie manuscrite de l’imprimé, à la Bibliothèque de Lyon La Part Dieu, lequel comporte tant les quatrains des almanachs que toute une prose prédictive issue pour la plupart des publications annuelles de MDN. Quant à une édition à dix centuries, la seule qui ait jamais existé avant 1594 est celle signalée par Du Verdier, dans sa Bibliothèque (Lyon, B. Honorat, 1584) et qui n’a pas été conservée. Il est bien possible que cette édition et celle utilisée par le Janus Gallicus ne fassent qu’un et dans ce cas, le Janus Gallicus serait un témoignage précieux de la première édition à 10 centuries, parue probablement une dizaine d’années avant le JG, si le nombre de quatrains centuriques ainsi commentés n’était des plus restreints, la priorité semblant avoir été donnée, dans le dit commentaire, aux quatrains présages. Faut-il rappeler que le Recueil des Présages Prosaïques est daté, à la page de titre, de 1589, à Grenoble29, soit peu d’années alors après la dite publication d’une édition à dix Centuries, laquelle servit également pour les éditions de la Ligue, paraissant à la même époque, mais sans les Centuries VIII à X ? C’est probablement aussi à cette même édition parue vers 1584 que se réfère, brièvement, l’Eclaircissement de 1656 (Préface, p. 79) : J’ay eu entre les mains un des plus anciens imprimez des Centuries de Nostradamus (...) Je n’y trouvai (les quatrains) desquels je doute mais j’y trouve tous les autres que j’approuve.
Comme on peut le voir, l’érudition consiste parfois à admettre l’existence d’éditions disparues, on pourrait parler alors d’une érudition en creux. Force est de constater que sur cette édition du milieu des années 1580, la première à dix centuries, les récentes bibliographies de Chomarat et de Benazra sont muettes, ne signalant au demeurant aucune édition entre 1568 et 1588. Or, il est fort probable, ce que signale d’ailleurs Du Verdier, que la dite édition à dix centuries comportait la mention Benoist Rigaud 1568, elle fut le prototype de toutes les fausses éditions ainsi datées.
Vingt ans après le Testament de Nostradamus de Ruzo paraissait le Nostradamus, astrophile (1993) du québécois Pierre Brind’amour, lequel au niveau de l’approche critique du corpus nostradamique marque, selon nous, un net recul. Il suffit pour cela de consulter sa bibliographie ni faite ni à faire, en ce qui concerne les éditions qu’il qualifié d’ ouvrages authentiques (pp. 475 - 476) et qui ne comporte que les années 1555, 1611, 1668. Laissons la parole à Brind’amour (pp. 59 - 60) :
Certains bibliophiles ont mis en doute l’authenticité de l’édition de 1558 mais (sic) dans l’Epître à Henri II, signée du 27 juin de cette même année, Nostradamus déclare dédier au souverain ces trois Centuries du restant de mes Prophéties, parachevant la milliade. Le grand oeuvre était donc (sic) achevé à l’été 1558 et il est probable (sic) que la dernière partie en fut publiée aussitôt. La structure des éditions ultérieures (...) avec leurs deux parties et leur pagination bien distinguées confirme à mes yeux l’existence de cette édition de 1558 (...) On peut ajouter que le naturel instinct comme fondement de la prophétie, qu’on trouve dans ce pastiche nostradamien qu’est l’épître dédicatoire du faux almanach Barbe Regnault pour 1563, paraît imité de l’Epître à Henri II. J’accepte donc jusqu’à nouvel ordre la chronologie traditionnelle.
Au demeurant, en écrivant ces lignes, P. Brind’amour nous répliquait directement, à la suite de nos entretiens des années 1990 - 1992. On a vu ce qu’il fallait penser de l’argument lié à l’almanach 1563 dont il ne vient pas à l’idée du chercheur québécois qu’il puisse être non seulement faux mais antidaté.30 Trois ans plus tard, cependant, Brind’amour allait prendre appui, pour son édition critique Macé Bonhomme, 1555, sur les recoupements permis par les Prophéties dédiées à la Puissance Divine, parues en 157231, mais sans mettre davantage en évidence l’absence dans cette compilation des Centuries V-VII, qui ne permettait plus guère de situer une édition à la miliade avant cette date.
Nostradamus semble s’être plaint des libraires qui reproduisaient ses almanachs sans son accord bien plus que de ceux qui publiaient sous son nom des textes qui n’étaient pas de lui, ce dont témoigne cette formule placée à la fin de l’almanach pour 1566 :
Ami lecteur, sache que là où tu trouveras Almanach où est une épistre de Monseigneur messire Honorat de Savoye, Chevalier de l’ordre, Conte de Tande qui est de l’escriture à la main, laquelle Monsieur M. Michel de Nostredame a dedié à Sa Seigneurie, & tous autres Almanach (sic) qui ny (sic) aura de cette escriture à la main sont fausses & falsifiées comme ceulx qui sont faits en Avignon, Paris, Troyes, Tholouse ; ils sont faulx & falsifies comme nous en avons recouvrer (sic) 7 ou 8 qui sont faux & falsifiez. Pour ce que le dit nostredame ne donne sa copie sinon à P. Brotot & A. Volant.
Il semble bien cependant que des accords aient été conclus avec un libraire parisien comme Guillaume Le Noir, comme on peut l’observer pour la Pronostication Nouvelle pour 1558 dont seule l’édition parisienne a été conservée à la Bibliothèque de La Haye.32
Il semble bien que ceux qui utilisèrent le nom de Nostradamus en s’en prétendant les disciples le firent pour produire des almanachs, des pronostications voire des prédictions sur plusieurs années et non sous une forme centurique. Quand des quatrains apparaissaient au sein d’un texte, c’était à la façon des almanachs auxquels le dit Nostradamus avait conféré un style spécifique, c’est-à-dire non pas sous la forme d’une suite de quatrains mais avec des quatrains répartis au sein d’un ensemble non versifié.
V - Les éditions signalées mais introuvables
On ne saurait par ailleurs ignorer certaines descriptions bibliographiques d’ouvrages qui ont probablement existé, on pense notamment à l’édition signalée par Brunet, dans son Manuel du Libraire et de l’Amateur de livres.33
Il y est question du Vray Pronosticq de Le Maistre, chez Benoist Rigaud, 1567, que nous avons retrouvé à la British Library (cf. supra), paru chez Benoist Rigaud en 1567. Il y est aussi question d’une édition des Prophéties, parues à Paris en 1589 chez Charles Roger et qui sont localisées depuis longtemps (cf. RCN). Pourquoi, dès lors, l’édition signalée également par Brunet, censée être parue en 1560 serait-elle à négliger quand bien même ne saurait-on pas où elle se trouve ? La description en est la suivante dans le Manuel de Brunet :
Les Prophéties de M. Michel Nostradamus dont il y a trois cents qui n’ont encores jamais esté imprimées. A Paris, pour Barbe Regnault, 1560 (à la fin : 1561), in 16 carré, cette édition contient 7 centuries. Il est probable que le titre de cette édition ait été abrégé par Brunet, tout comme d’ailleurs, celui de l’édition Charles Roger. L’édition Barbe Regnault à sept centuries devait comporter l’indication, comme celle de Roger, d’une addition de 39 articles à la dernière centurie.34 Nous ne pensons pas qu’en dépit de la similitude de titre, le contenu de l’édition Barbe Regnault soit identique à celui des éditions parisiennes de 1588 / 89. D’ailleurs, Brunet signale bien 7 centuries alors que les éditions parisiennes en comportent de fait huit, dont les trois dernières (VI, VII et VIII) certes très incomplètes. C’est probablement plus du côté des éditions Antoine du Rosne 1557 qu’il faut envisager un rapprochement, ces éditions comportant bel et bien sept centuries.
S’agit-il pour autant en 1560 d’une réédition de l’édition de 1557 ? Nous ne le pensons pas car l’édition 1560 comportait, apparemment, la mention d’une addition correspondant à la VIIe centurie, tandis que les éditions 1557 ne signalent pas d’addition alors qu’elles en comportent bel et bien une, constituant la dite centurie. Ce qui nous conduit à penser que les éditions datées de 1557 sont en réalité postérieures à l’édition Barbe Regnault. On ajoutera que les dites éditions apparaissent comme une progression par rapport aux éditions de 1588, lesquelles mentionnent une addition après le 53e quatrain de la IV dont la mention ne figure pas / plus alors que les quatrains qui se trouvent dans la dite centurie sont strictement identiques.
Comment expliquer dès lors une telle bizarrerie ? Bizarrerie il n’y aurait que si nous avions affaire à des éditions authentiques. Il vaudrait mieux parler ici de maladresse. Les faussaires qui ont lancé successivement un certain nombre d’éditions antidatées ne se sont pas nécessairement concerté et n’étaient pas forcément au courant de ce qui avait été produit avant eux. La confusion des datations est en elle-même le signe univoque d’un réseau de contrefaçons. S’échiner non seulement à harmoniser les contradictions textuelles mais aussi les incohérences chronologiques est l’activité principale de l’école apologétique qui garde encore - pour combien de temps ? - des positions dans le champ de la recherche nostradamologique. Or, si on peut admettre à la rigueur, dans certains cas, un certain chevauchement chronologique du fait de prévisions réussies ou d’événements se répétant, en revanche, de tels télescopages entre éditions nous semblent caractéristiques d’entreprises bien postérieures à l’époque où vécut Michel Nostradamus. On attend donc avec intérêt que l’on exhume cette (fausse) édition Barbe Regnault dont la présence aurait certainement pu servir de garde-fou, évitant ainsi certaines aberrations bibliographiques ; c’est qu’en effet, plus on rassemble de contrefaçons et plus elles se neutralisent mutuellement. Si l’on reprend la liste Brunet, les titres en correspondent tous, à l’exception de l’édition Regnault, à des ouvrages désormais bien localisés, depuis la (fausse) Prognostication nouvelle pour 1555, Lyon, Jean Brotot, en passant par les (fausses) Significations de l’Eclipse qui sera le 16 septembre 1559, la Prophétie Merveilleuse, Paris, Guillaume de Nyverd, 1566. Arrêtons-nous sur deux autre ouvrages de cette même liste Brunet, tous deux parus chez Benoist Rigaud en 1567, à savoir la Pronostication annuelle et perpétuelle, Lyon Benoist Rigaud, 1567, ouvrage comportant ces perpétuelles vaticinations, dont il est question dans la Préface à César, et du Vray Pronosticq fait par le maistre, dont nous avons un exemplaire conservé à la BNF (cf. supra). Arrêtons-nous sur cette Pronosticaton annuelle et perpétuelle et considérons son titre complet : composée et pratiquée par les expers anciens & modernes astrologues... et jusqu’à présent observée et approuvée par maistre Michel Nostradamus, ouvrage non conservé. Nous mentionnions plus haut l’ouvrage non daté, Pronostication Perpétuelle. Recueillie de plusieurs autheurs par Maistre Michel Nostradamus, Paris, Jean Bonfons, conservé à la BNF. Nous pensons que Benoist Rigaud publia effectivement en 1567 une telle Pronostication annuelle et perpétuelle, et qui pouvait fort bien comporter une Préface à César ; le terme annuel est intéressant car il montre bien que ce genre associe chaque fois un texte à une année. Qu’un an plus tard, Benoist Rigaud ait publié les Centuries, soit un tout autre genre, dépourvu cette fois de listes d’années, avec la même Préface à César, nous semble, on en conviendra, hautement improbable. En visitant la Maison de Nostradamus, à Salon, nous avons été interloqué d’entendre un propos que l’on fait tenir, in fine, - et ce en plusieurs langues ! - à MDN, sous la forme d’une sorte de pseudo-testament spirituel, dans lequel il annoncerait carrément la production de Dix Centuries. Voilà donc certains nostradamologues poussant le zèle jusqu’à inventer de telles déclarations, ce qui ne peut qu’induire le public des visiteurs de la dite Maison en erreur.
Jacques Halbronn
Paris, le 15 décembre 2003
Notes
1 Cf. les Bibliothèques de Du Verdier et de La Croix du Maine (1584 - 1585) - dont Ruzo signale l’importance (Testament de Nostradamus, Monaco, Rocher, 1982, p. 346). Retour
2 Cf. British Library, cote 718 g 12/12. Retour
3 Cf. notre étude sur le troisième volet du canon nostradamique. Retour
4 Cf. Les premières Centuries ou prophéties, Genève, Droz, 1996. Retour
5 Cf. Zeitschrift für Bücherfreunde, Leipzig, 1913. Retour
6 Cf. The prophecies and enigmas of Nostradamus, Fire Bell Books, Glen Rock, New Jersey, p. 251. Retour
7 Cf. Réédition du Livre de Prophéties de Nostradamus publié en 1566 chez Pierre Rigaud, etc, Bordeaux, 1862. Retour
8 Cf. Les Oracles, Paris, 1867. Retour
9 Cf. Nostradamus, aux Ed. Excelsior, Paris, pp. 183 - 184. Retour
10 Cf. Eclaircissement, 1656. Retour
11 Cf le travail chronologique (DIAP Nostradamus) de P. Guinard sur le Site du Cura.free.fr, et qui correspond à un état de la recherche qui date des années Trente. Retour
12 Cf. Prophéties, 1556. Retour
13 Cf. Prophéties à la Puissance Divine 1572. Retour
14 Cf. Ruzo, Testament de Nostradamus, Monaco, Rocher, 1982, pp. 331 et seq. Retour
15 Cf. Testament, op. cit., pp. 316 - 319. Retour
16 Cf. Nostradamus, astrophile, Presses Universitaires d’Ottawa, 1992. Retour
17 Cf. Nostradamus, ses prophéties, Paris, Librairie académique Perrin. Retour
18 Cf. Etudes sur les prophéties de Nostradamus, Bulletin du Bibliophile, 1860, p. 1711. Retour
19 Cf. Nostradamus, op. cit., p. 72. Retour
20 Cf. Les prophéties de Nostradamus. Suivez la Guide, Réforme, Humanisme et Renaissance, 1986. Retour
21 Cf. Frances Yates, Ideas and Ideals in the North European Renaissance, Collected Essays, vol. 3, Londres, Routledge & Kegan Paul, 1984, p. 132. Retour
22 Cf. Testament, op. cit., p. 348. Retour
23 Cf. Buget, Etudes sur les prophéties de Nostradamus, Bulletin du bibliophile, 1860, pp. 1700 - 1702 et Etudes sur Nostradamus, Bulletin du Biblophile, 1863, p. 465. Retour
24 Cf. Documents inexploités sur le phénomène Nostradamus, diffusion Priceminister, sur le Web. Retour
25 Cf. Chomarat, Bibliographie Nostradamus, Baden-Baden, 1989, p. 56, n° 92. Retour
26 Cf. Chomarat, Bibliographie Nostradamus, op. cit., p. 63. Retour
27 Edition 1605 et 1568 notamment. Voir Chomarat, Bibliographie Nostradamus, planche, p. 62. Retour
28 Cf. Testament, op. cit., pp. 270 - 271. Retour
29 Cf. P. Brind’amour, Nostradamus astrophile, Ottawa, Presses de l’Université, 1992, p. 501 et Premières Centuries ou Prophéties, Genève, Droz, 1996, p. LXV. Retour
30 Cf. notre réponse aux études parues en juillet 2003 sur le Site du CURA, n° 26. Retour
31 Cf. son édition, Les premières Centuries ou Prophéties, Genève, Droz, p. XXVI et nos Documents Inexploités sur le phénomène Nostradamus, op. cit. Retour
32 Cf. RCN, p. 19 et Chevignard, Présages de Nostradamus, Paris, Seuil, 1999, p. 419. Retour
33 A Paris, F. Didot, 1880. Supplément p. 36, Reed. Genève, Slatkine, 1990. Retour
34 Cf. R. Benazra, RCN, pp 51 - 52. Retour
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