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ANALYSE

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Panorama de la recherche nostradamologique au XXe siècle en France

par Jacques Halbronn

    Ce panorama vise à faire apparaître certaines lignes de force et certaines évolutions de la production nostradamique ou paranostradamique au cours du siècle passé, faire ressortir certains auteurs qui font référence du fait qu’ils sont souvent cités ou réédités. Le paramètre politique, tel que la Révolution française, le communisme, la Ve République, la question monarchique récurrente ou les Guerres Mondiales, suffit-il à expliquer le rythme de la production nostradamique ? Il semble qu’il faille faire la part de l’interprétation qui est faite des événements et notamment de l’influence spéculative de l’astrologie (Ere du Verseau, conjonctions planétaires des années Quatre Vingt) Ce travail obéit aux mêmes méthodes que celui que nous avions consacré aux comètes, en 1986, lors du Colloque de Bayeux.1 Ce sera aussi l’occasion pour nous d’examiner les textes dont la lecture a pu préparer, influer sur notre propre réflexion et auxquels nous n’aurions pas rendu hommage. On suivra notamment la politique de certaines maisons d’édition publiant coup sur coup des ouvrages sur Nostradamus ou encore l’impact de tel ouvrage sur d’autres du même genre (exemple le livre de Jean-Charles de Fontbrune). Quel aura, finalement, été la contribution du XXe siècle au progrès de la recherche nostradamologique ? Notre propos n’est pas ici de relever des erreurs mais de signaler des orientations de recherche, dans leur diversité.

   On ne retiendra ici que les ouvrages portant en leur titre le nom de Nostradamus et figurant au catalogue de la BNF ou dans les collections de la Bibliotheca Astrologica, il ne s’agit donc en aucune façon d’un travail exhaustif déjà conduit par d’autres que nous, notre objectif principal étant de percevoir des tendances et des fluctuations. On comparera, le cas échéant, nos observations avec celles du RCN, pour les publications allant jusqu’en 1989, puisque, en tout état de cause, le RCN ne couvre pas, du moins dans son état actuel, la dernière décennie du XXe siècle. En revanche, le RCN recense des ouvrages ne portant pas le nom de Nostradamus ainsi que des articles, ce que nous faisons rarement. En outre, le RCN ne comprend aucune iconographie pour le XXe siècle et la partie parue de la Bibliographie Nostradamus de Chomarat & Laroche - ouvrage, au demeurant mieux illustré que le RCN2 - s’arrête à la fin du XVIIIe siècle. Cette Bibliographie est cependant complétée, iconographie à l’appui, par le catalogue de J. P. Laroche, Prophéties pour temps de crise. Interprétations de Nostradamus au fil des siècles, réalisé pour les célébrations du cinquième centenaire à Salon, en 2003.3

   Nous avons divisé chronologiquement notre corpus en trois volets :

1 - Années 1910-1944, jusqu’à la fin de la Seconde Guerre Mondiale
2 - Années 1944-1982, jusqu’à l’émergence du phénomène Fontbrune incluse
3 - Années 1983-2000, jusqu’à l’An 2000 inclus


1

Années 1910-1944,
jusqu’à la fin de la Seconde Guerre Mondiale

    Cette période couvre la Première Guerre Mondiale, l’Entre deux Guerres et le début de la Seconde Guerre Mondiale. Nombreux sont les ouvrages qui sont le fait de bons connaisseurs de l’astrologie et qui s’y référent explicitement. Cela ne sera plus guère le cas pour les périodes suivantes et il serait intéressant d’expliciter un tel désintérêt du milieu astrologique à l’égard de l’astrologie depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Qu’on en juge : Maurice Privat, Dom Nécroman, Em. Ruir, P. V. Piobb, P. Rochetaillée, P. Edouard, le couple belge Spica Capella (alias Horicks et Michaux) sont des adeptes de l’astrologie - et n’hésitent pas à s’en servir pour cadrer les Centuries - qui écrivent aussi sur Nostradamus au cours de cette période. Ajoutons que Georges-Anquetil, s’en prend conjointement à Nostradamus et à l’astrologie, en 1940, dans son Anti-Nostradamus. Notons aussi le cas de Charles Nicoullaud, alias Fomalhaut, signant en 1897 une Manuel d’astrologie sphérique et judiciaire, réédité dans les années Trente, et quelques années plus tard, en 1914, un Nostradamus, étudié par Piobb4, auteur qui recourt notamment dans son Nostradamus au système des ères précessionnelles (p. 87) :

   “Quoi qu’il en soit, Nostradamus fixe au début du septième millénaire, c’est-à-dire à l’an six mille de la création du monde, le moment où les adversaires de l’Eglise commenceront à se développer (...) Cette date (...) est à peu près impossible à déterminer exactement, aucune chronologie n’étant d’accord sur le point de départ. Toutefois, si l’on veut se demander une solution à l’astrologie, on pourrait prendre comme date originelle l’époque où l’équinoxe du printemps se faisait au commencement de la constellation du Taureau etc.”

   En 1910, Elisée du Vignois, qui connut l’abbé Torné Chavigny, à la fin de sa vie - il mourut en 1880 - écrivait : “Il faut avoir, n’est-il pas vrai ? Une dose singulière de confiance pour venir, au début du XXe siècle, écrire en gros caractères, en tête d’une étude sérieuse destinée à la publicité : Nostradamus.”5 En 1911, le même Du Vignois publie à Noyon une Apocalypse interprétée de la Révolution, d’après Nostradamus (...) ouvrage précédé d’une lettre de S. G. Mgr Douris, Evêque de Beauvais. Pendant la Grande Guerre, paraissent notamment Nostradamus et les événements de 1914-1916, par A. Demar-Latour, Paris, Ed. Pratiques et documentaires.6

   En 1918, Adéodat Graffont publie chez Daragon, alors que la guerre n’est pas encore finie La Guerre actuelle célébrée en vers antiques ou quelques quatrains de Nostradamus poète du XVIe siècle utilisés pour la Grande Guerre du XXe siècle.

   Colin de Larmor, pour sa part, est marqué (p. 22) par la sortie en France, au début des années Vingt, notamment par l’entremise de Monseigneur Ernest Jouin, responsable de la Revue Internationale des Sociétés Secrètes (RISS), grand collectionneur de littérature nostradamique par ailleurs (cf. infra), des Protocoles des Sages de Sion7 - dans sa Guerre de 1914-1918 vue en 1555, par Me Nostradamus, Paris, 1922, et qui récapitule les travaux d’Elisée du Vignois (1910) et Demar Latour (1916).8

   Piobb, en bon astrologue de son temps9, veut absolument que Nostradamus ait connu Uranus et Neptune10 - Pluton ne sera découvert et baptisé qu’en 1930 : “Comme conséquence de ce savoir, Nostradamus tient compte d’Uranus et de Neptune. Il appelle cette lointaine planète “Neptunus” et dit à son sujet des choses astronomiquement si précises qu’il est impossible de douter. Quant à Uranus, il ne la désigne pas de ce nom ; il l’appelle le ciel ; mais on dit Ouranos en grec et parfois aussi Uranus en latin pour signifier le ciel. Et pour cette planète également le doute devient impossible.”

   Ruir (alias Ruyer) nous apparaît comme un astrologue méconnu - on ne lui connaît pas de publication exclusivement astrologique - et de fait ses études sur Nostradamus révèlent la solidité de sa formation astrologique.

   Dans Le Grand Carnage d’après les prophéties de Nostradamus de 1938 à 1946, Paris, Médicis, le texte est constamment étayé de tableaux astrologiques.11 On retiendra notamment l’intérêt que Ruir porte au cycle Saturne-Neptune (pp. 54 et seq), cycle auquel s’intéressera vivement un André Barbault, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale.12

   Commentant le quatrain VI, 13, Em. Ruir, adepte de l’astrologie néromanienne et qui en utilise le jargon, écrit : “Le ciel planétaire du 26 avril 1936 (figure p. 57) comporte une opposition Saturne-Neptune (...) D’un côté Neptune qui agite des idées, de l’autre Saturne, appuyé par Mars, pour accaparer des richesses au besoin par la force (...) Cette opposition Saturne-Neptune est valable pour tous les pays. Pourquoi donnerait-elle faveur aux uns et perte de sève aux autres ? (...) Neptune, ce grand brasseur d’idées appliquait à l’antenne (axe des maisons) IV. X en 1789, comme Saturne son reflet terrestre applique à l’antenne X-IV au 26 avril 1936, comme ils appliquaient tous deux à cette antenne X-IV en 428 (naissance de la France).”

   Quant à Nécroman (alias Maurice Rougie), son ouvrage vise son confrère en astrologie Piobb13 alors que Ruir dédie le sien, Le grand Carnage, à Dom Néroman (sic, le pseudonyme ayant été entre temps modifié).

   Un autre adepte de l’astrologie et passionné de Nostradamus est P. Rochetailéee, dans ses Prophéties de Nostradamus. Clef des Centuries. Son application à l’histoire de la 3e République, Paris, Adyar, 1939. Cet ouvrage comporte toute une série de thèmes non pas de personnages mais de dates importantes. Son originalité est de faire ressortir, pour chaque carte, une sorte de graphique, reliant les planètes entre elles ; Rochetaillée parle (pp. 166 et seq.) de “symbole” : c’est ainsi que pour le thème de la proclamation de la Troisième République le 4 septembre 1870 (pp. 166 et seq), on nous explique que “la figure produite par la projection sur un plan des positions respectives des diverses planètes par rapport à la Terre représente une fleur de lys en formation.”14

La vogue du double frontispice de 1668

   Nombreuses sont les études, au cours de cette période, qui reproduisent en fac simile ou en tout cas mentionnent le frontispice apparu pour la première fois à Amsterdam en 1668, ce qui conduit à se servir de la version de l’Epître à Henri II comportant la variante 1547 au lieu de 1557.15 A l’origine, le frontispice constitué de deux volets, liés à deux quatrains, comportait une légende indiquant dans un cas l’exécution du roi d’Angleterre, dans l’autre, l’ “embrasement” de Londres mais au XXe siècle, les légendes ne sont pas reproduites, ce qui permet un recyclage pour des périodes ultérieures. En fait, il existe deux versions du frontispice : celle figurant en tête de l’édition d’Amsterdam, chez Iean Iansson à Waesberge et la Vesve du Feu Elizée Weyserstraet, l’an 1668 ne comporte pas de légendes alors que les frontispices “intérieurs”, eux, comportent les mentions “La mort du Roy d’Angleterre et l’incendie (ou embrasement) de Londres”, sans indication de la date de ces événements, lesquels font l’objet par ailleurs d’un commentaire.16 On notera que c’est la première mouture - sans légendes - qui sera utilisée dans les éditions françaises du XXe siècle.

   La fortune de cette iconographie est remarquable mais comble en fait un manque, tant il est vrai que la littérature prophétique comporte volontiers des illustrations.17 Curieusement, la France semble avoir refusé d’illustrer les textes prophétiques qui paraissaient sur son sol et il n’est pas étonnant que ce frontispice soit d’abord paru à Amsterdam. En 1932, un tirage photographique de l’édition de 1668 aurait été réalisé par Pierre Piobb.18 R. Benazra situe trop tôt cette réédition, non datée, dès 192719 et d’ailleurs, on peut regretter, d’une façon générale, que le RCN numérote les éditions entérinant le plus souvent des dates bien discutables et notamment - mais pas seulement - pour la seconde partie du XVIe et le début du XVIIe siècles - pour ne pas parler des éditions non datées ou comportant des mentions de libraire douteuses - au lieu de chercher à les redater, notamment par la comparaison des éditions, ce qui exige, reconnaissons-le, de toutes autres méthodes de travail. Seule en fait le cas de l’édition Pierre Rigaud 1566 semble avoir été traité avec une certaine rigueur (cf. RCN), l’arbre ici cachant la forêt.

   On trouve le dit double frontispice dans le Secret de Nostradamus de P. V. Piobb, dans Le grand carnage de Ruir, dans l’Anti- Nostradamus de Georges-Anquetil mais aussi chez le Dr Max de Fontbrune.20 Ce dernier, fort critique, consacre un chapitre à ce point : II le grand carnage. “Le prétendu incendie de Paris etc (...) Le frontispice de l’édition de 1668 du livre même de Nostradamus” (p. 23 et seq). L’auteur s’en prend au Dr Max de Fontbrune (alias Pigeart de Gurbert), le père de Jean-Charles de Fontbrune (pp. 26-28) lequel prétend que le dit frontispice concerne l’exécution de Louis XVI et annonce un futur incendie de Paris. On voit donc que le frontispice de 1668 aura frappé les imaginations plus encore que les quatrains. A noter que le premier livre de Max de Fontbrune sur Nostradamus - Les Prophéties de Nostradamus dévoilées. Lettre à Henri II - parut en 1937, chez Adyar, l’éditeur, dix ans plus tôt, du Secret de Nostradamus et que Adyar est la maison d’édition de la Société Théosophique de France. D’ailleurs, c’est dans la revue de la dite Société, le Lotus Bleu, que devait paraître, en mai 1924, un premier texte de Piobb : “Les Anticipations de l’Histoire selon les prophéties de Nostradamus”.21 Toujours, en 1939, les Editions Adyar publieront également un ouvrage de P. Rochetaillée, Prophéties de Nostradamus, Clef des Centuries. Son application à l’Histoire de la 3e République.

   Georges-Anquetil corrige Fontbrune père (p. 29) : “Le premier dessin -celui du haut - représente en effet - non pas l’exécution à l’échafaud de Louis XVI en 1793 à Paris mais bien la décollation en 1649 à Londres du roi Charles Ier d’Angleterre qui y fut décapité, non à la guillotine mais à la hache devant le Palais de White-Hall (...) Le second dessin -celui du bas - représente le fameux incendie de Londres de 1666 (deux ans avant la publication de la gravure dans l’édition d’Amsterdam) incendie qui dura cinq jours.”

   Mais dans ce cas, Nostradamus n’aurait-il pas au moins annoncé ce qui se passa en Angleterre au milieu du XVIIe siècle ? P. V. Piobb va soutenir dans le Sort de l’Europe d’après la célèbre Prophétie des Papes de Saint Malachie accompagnée de la Prophétie d’Orval et des toutes dernières indications de Nostradamus, Dangles, 1939, pp. 222 et seq, que l’édition d’Amsterdam est... postdatée et qu’elle fut publiée du vivant de Nostradamus. D’ailleurs, selon Piobb, le libraire hollandais en question, Jan Jannson a Waesberge, n’a jamais existé, affirmation réfutée par Ruir, dans le Grand Carnage, cette même année 1939.

   Nous rejoignons Piobb, dans son jugement22 sur l’oeuvre de Nostradamus : “Nous sommes arrivés à comprendre, pour Nostradamus qui était juif, que le texte, dont il est uniquement le signataire avait dû lui parvenir par une filiation, curieusement énigmatique, de personnages - certainement chrétiens, à travers une série de legs s’étendant sur plusieurs siècles. Néanmoins Nostradamus s’est déclaré, de son vivant, l’auteur de ce texte.” Toujours dans le Sort (p. 210), Piobb expose23 trois “révélations” :

   “Nostradamus n’a pas écrit un mot de ses prophéties. Nostradamus était totalement incapable de savoir de quoi il s’agissait dans le livre qui porte sa signature.”

   Cette thèse sera reprise en 1955 dans la revue Inconnues (n° 12), “Le Secret des Prophéties dites de Nostradamus - Leur origine templière” par G. Beltikhine. R. Benazra24 note que l’auteur “avance la thèse fantaisiste, chère à Piobb : Nostradamus n’est pas l’auteur des Prophéties qui portent sa signature.” (p.45)

   Piobb reste une référence majeure de l’Entre Deux Guerres comme en témoigne Néroman, qui reprend dans le titre de son livre la date de parution du Secret de Nostradamus dans 1927-1999. Comment lire les Prophéties de Nostradamus, Paris, 1933. Néroman s’intéresse, six ans après Piobb, à la date de la “désoccultation des Prophéties”. (pp. 45 et seq) comme ayant été annoncée par Nostradamus lui-même, il appuie sa démonstration sur des considérations astrologiques (pp. 52 et seq.).

   Les publications des années 1939 et début 1940, qu’elles soient le fait d’interprètes de Nostradamus ou qu’elles soient la réfutation de leurs affirmations en son nom ne brillent pas par la justesse de leur appréciation de ce qui attend réellement la France. Georges-Anquetil, dans son Anti-Nostradamus, montre que ceux qui ne croient pas aux Centuries ne gagnent pas pour autant en lucidité, ce qui montre à quel point il est difficile d’échapper aux passions patriotiques ou pacifistes. Il est vrai que cet anti-nostradamiste avait publié, début 1939, un Hitler conduit le bal, dont il reprend des passages dans son Anti-Nostradamus (pp. 49 et seq), ouvrage dans lequel il démontre son peu de talent pour la prospective.

   Les connaissances bibliographiques des nostradamistes varient de l’un à l’autre. Celui-ci croit, Chollier, encore en 194025, que la première édition comportait sept centuries alors que celui-là, Boulenger, dès 1933, indiquait clairement une édition à 353 quatrains.26 D’ailleurs, Boulenger est le seul, de notre corpus, pour cette période, à fournir une bibliographie chronologique de la production nostradamique, il est vrai de seconde main, sans disposer des ouvrages, (pp. 182 et seq), signalant notamment une édition Antoine du Rosne en 1557. Il est d’ailleurs remarquable qu’avec des moyens aussi limités, Boulenger produise un ensemble bibliographique assez peu différent, somme toute, de celui que nos modernes nostradamologues soixante-dix ans plus tard. Ce qui ne prouve nullement que Boulenger, qui s’appuie sur Held, Adelung, Klinckowstroem mais surtout sur J. C. Brunet ainsi que sur quelques sondages en bibliothèque, était en avance mais bien que l’on n’a pas beaucoup progressé depuis, sinon dans le détail, si l’on met nos propres recherches à part. On trouve une chronologie bibliographique chez P. Edouard27 qui ne diffère guère de celle d’un R. Benazra pour ce qui est des premières éditions :

   “Les Prophéties de Michel Nostradamus parurent pour la première fois en 1555 chez Macé Bonhomme à Lyon. Cette édition contenait les trois premières Centuries complètes et quelques quatrains de la quatrième. En 1557, chez Antoine du Rosne, à Lyon, également les six premières Centuries et quelques quatrains de la septième. En 1560 parurent chez Barbe Regnault à Paris les sept premières Centuries complètes. C’est probablement en 1568 que parurent chez Rigaud à Lyon les Centuries telles que nous les connaissons actuellement.“

   On notera que dans les années Trente-quarante, il n’est déjà plus question - dans notre corpus - de l’édition Pierre Rigaud, 1566 alors que cette édition avait fait référence dans la seconde moitié du XIXe siècle, chez Torné Chavigny et chez Anatole Le Pelletier, notamment et qu’encore en 1914, Nicoullaud28 suit leur exemple et s’appuie sur l’édition au même profil parue à Lyon, chez les Héritiers de Benoist Rigaud.

   Encore en 1930, Moura et Louvet parlaient d’une édition de 1555 à sept centuries29, Boulenger semble décidément mieux renseigné et d’ailleurs Eugène Bareste, dès 1840, n’avait-il pas décrit, dans son Nostradamus, cette édition à 353 quatrains ? Cette Vie de Nostradamus de Moura et Louvet, parue chez un éditeur prestigieux, à la NRF de Gallimard, dans sa série Vie des Hommes Illustres.(n° 60) nous montre que là encore, les choses n’ont guère changé depuis et les auteurs mélangent allègrement recherche bibliographique et biographique : “Nous sommes maintenant en l’an 1555 et le prophète, qui a déjà publié en 1552 son premier livre des Fardements et des Senteurs, s’apprête à donner au public son premier livre des Centuries” et le reste à l’avenant (pp. 153 et seq). Il n’empêche que dans l’ensemble la Vie de 1930 recèle la plupart des données des bibliographies qui suivront comme ce passage classique sur la mort de François II (pp. 208 et seq) :

   “Le 17 novembre 1560, à Orléans, François II tombe en syncope au milieu d’une cérémonie religieuse. “Chaque courtisan, écrit au Doge l’ambassadeur de Venise, Michieli, se rappelle alors le quatrain 39 de la Centurie X de Nostradamus et la commente à voix basse”.” On s’aperçoit à quel point le travail de l’historien est artificiel et sous couleur de nous décrire la réalité ne fait souvent que mettre bout à bout des éléments douteux comme le “succès prodigieux” qui aurait connu, d’emblée, la “première édition des Centuries, datée du Ier mars 1555” (Vie, p. 159) “A la Cour, poursuivent nos auteurs, il n’est plus question que du prophète provençal. Tout le monde veut le connaître (...) Henri II avait été vivement frappé par le quatrain 35 de la Ière Centurie.” (p. 161) Le roi aurait donc connu le dit quatrain avant sa mort ! C’est la légende dorée qui se met en place et qui n’aura guère bougé lors de la commémoration de 2003, pour le cinq centième anniversaire de la naissance de Nostradamus.

   Au niveau de la recherche nostradamologique, saluons le travail de Charles Nicoullaud qui en 191430 probablement grâce au chanoine Jouin, responsable de la Revue Internationale des Sociétés Secrètes, qui sera connu par ailleurs pour ses travaux sur la judéomaçonnerie31, signale l’emprunt à Jamblique (De Mysteriis Aegyptiorum) au deuxième quatrain de la première Centurie. (référence reprise depuis).32

   Arrêtons-nous sur le cas de l’astrologue Maurice Privat. Dans La fin de notre siècle et la vie du Grand Monarque d’après Nostradamus, Paris, 1939, l’auteur33, comme son titre l’annonce, va baliser le demi-siècle qui reste alors à courir. Une approche à aussi long terme nous semble assez caractéristique de la mentalité astrologique qui ne craint pas de se projeter assez loin dans le temps alors que les non astrologues travaillent à plus court terme, tenant ainsi mieux compte des divers paramètres disponibles. C’est ainsi que littéralement Privat survole son sujet, relativisant ainsi sensiblement les enjeux du début des années Quarante (pp. 98 et seq), ce qui fait que le livre de Privat bascule très vite dans la fiction la plus complète, montrant les limites du mariage entre astrologie et Centuries.

   Que dire des recoupements historiques proposés par nos auteurs ? Ce qui frappe, c’est le peu de références pour le XVIe siècle, ce que nous expliquons par les faibles connaissances du public auquel on s’adresse concernant cette époque. Prenons le tableau34 présenté par P. Edouard, en 1939 dans son édition complète des Centuries - la seule d’ailleurs de notre corpus pour cette période d’avant 1945 :

Henri II : Pour la mort du roi, seul événement à retenir apparemment, Edouard ne cite
pas le quatrain I, 35 mais III, 55, qui vaut aussi pour François II en son dernier verset.
Charles IX : rien. Pas un mot sur la Saint Barthélémy (1572).
Henri III : V, 67 (suivant Le Pelletier).
Henri IV : le sixain 4. (avec un recoupement astrologique, p. 15).
Louis XIII : IX, 18.

   Ainsi, pour rendre compte de la période allant de 1555 à 1643, Edouard ne recourt qu’à trois quatrains et à un sixain. Pour la période suivante et notamment à partir de Louis XVI, les quatrains vont évidemment se multiplier, ce qui correspond à une plus grande connaissance de l’auteur mais aussi du lecteur lequel ne serait guère impressionné par des renvois à des événements qui lui sont aussi étrangers que la décapitation de Charles Ier d’Angleterre (cf. supra).

   On ne saurait oublier, pour cette période, le travail de l’abbé Hector Rigaux qui fut un très grand collectionneur de documents nostradamiques dans les années 192035, et que l’on trouve recensé dans le catalogue informatique sous Nostradamus. On y apprend (p. 9) que “la Bibliothèque Nationale a fait demander à l’abbé Rigaux de lui léguer certains de ses documents rarissimes et qu’elle ne possède pas ; celui-ci a refusé : “Paris sera brûlé, explique-t-il, je ne veux pas que de précieux instruments de travail soient détruits avec le reste de la Bibliothèque Nationale.”

   On notera aussi le principe d’une étude simultanée et comparative des Centuries et des prophéties de Malachie, notamment chez Piobb, qui aborde également la Prophétie d’Orval, comme en témoigne le titre complet de son Sort de l’Europe.

   Ce qui nous frappe surtout, c’est le fait que deux canons soient en présence : si à la fin du XIXe siècle, on utilise surtout l’édition Pierre Rigaud 1566, nous avons vu qu’à partir des années Vingt, c’est l’édition hollandaise de 1668, sensiblement plus ample, qui a les faveurs de nombreux chercheurs. Nicoullaud n’a pas été entendu, lui qui condamnait de telles éditions, après Giffré de Rechac, dans son Eclaircissement des véritables quatrains (1656) : “Ces additions, écrit Nicoullaud (p. 77) sont d’origine souvent très suspecte et en tout cas d’une valeur très inférieure aux prophéties publiées par Nostradamus lui-même.” Et d’ajouter : “A quelques rares exceptions près, il n’en est pas tenu compte dans ce travail; toutes celles qui pourraient se rapporter à des faits antérieurs à leur publication ont été laissées de côté.” En 1944, Maurice Vittone abondera dans le sens restrictif, “Nostradamus. Centuries expliquées et commentées” : “Nous n’avons retenu, pour notre part, que les 942 quatrains incontestablement (sic) dus à Nostradamus.”36

   Il est vrai que la question du vrai et du faux Nostradamus se pose de façon lancinante, comme le montre ce passage du à Antoine Chollier :

   “Certains commentateurs veulent voir une oeuvre apocryphe dans tout ce qui a été publié après la mort de Nostradamus, c’est-à-dire que seules compteraient les sept premières “Centuries”. Or, il se trouve justement que certaines des prophéties, réalisées de la plus étonnante façon figurent dans cette dernière partie de l’œuvre.“37

   Parmi les commentateurs, un argument récurrent chez certains auteurs de l’époque comme le dit Chollier veut que ce ne soit pas vraiment Henri II auquel l’Epître correspondante aurait été adressée et qui fait précisément partie des éditions posthumes : “Une chose semble à première vue fort surprenante dans l’oeuvre de Nostradamus, avant même qu’on ait tenté d’en pénétrer le sens : c’est le fait que la lettre à Henri Second qui date de 1568 dédie le livre à un roi mort depuis neuf ans, Henri II étant décédé en 1559.”

   On voit que la question de ce qui est et n’est pas de Nostradamus est d’ores et déjà posée de par le rejet de certains pans du corpus tel qu’il se présentait dans l’édition d’Amsterdam de 1668, laquelle comportait un maximum de données y compris le Brief Discours sur la Vie de Michel de Nostredame dans lequel tout le monde vient puiser. D’une façon générale, on est frappé par la faiblesse insigne de la documentation des nostradamologues de cette période, laquelle est presque toujours de seconde main mais on est aussi frappé par le fait qu’avec une documentation beaucoup plus ample, cinquante ans plus tard, il n’y ait pas un grand décalage au niveau des représentations de l’oeuvre et de la vie de Nostradamus.

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2

Années 1944-1982,
jusqu’à l’émergence du phénomène Fontbrune incluse

    Pour la période de l’Occupation, il faut citer, en matière nostradamique, évidemment le cas de l’astrologue suisse K. E. Krafft38 et son Comment Nostradamus a-t-il entrevu l’avenir de l’Europe, Bruxelles, Snellew, 1941, lequel s’inscrit dans le cadre de la propagande de l’occupant allemand tant en France qu’en Belgique, pour ne parler que des pays francophones.39

   La BNF - comme nous le signale son catalogage informatique actuel - dispose d’un document non signalé par Robert Benazra, dans son RCN, à savoir le numéro 18 de l’Information Universelle, éditée par les Editions Européennes, Paris, 1941. Cette série parut tant en français qu’en allemand - Die Prophezeiungen des Nostradamus - sous le titre Informations-Schriften, Europa Verlag (BNF 16° Z 3057 (18). Théo Van Berkel nous en signale une version néerlandaise. Les exemplaires de la BNF (en français 8°Z 29042 (18) et en allemand 16° Z 3057 (18) portent le cachet de la Bibliothèque de l’Ambassade d’Allemagne, 24, rue Hamelin, Paris XVI. La page de titre est faite de quatrains.

   Arrêtons nous sur ce document non répertorié par le spécialiste de cette période, Ellic Howe, auteur notamment du Monde étrange des astrologues, trad. de l’anglais, Paris, Laffont, 1968. On fait annoncer par Nostradamus la fin de la domination anglaise (p. 12) et bien entendu la guerre triomphale des Allemands : “Il fixe même la dénomination “La Grande Allemagne“. Et qui sera celui qui réalisera cette prouesse ? L’Invincible ?”

   “Au bord du Rhin des montagnes Noriques naîtra un grand homme (...) Le “Rhin des montagnes Noriques”, c’est l’Inn. Sur l’Inn se trouve située “Braunau”, patrie du Führer (...) L’époque du “Grand” a surgi et avec elle, la réalisation des oracles que Nostradamus a légués au monde. Terminons donc par cette prophétie : Après l’Allemagne viendra l’Empire Saint.”

   On relèvera une particularité (p. 5) : l’auteur allemand de la brochure traduite en français écrit “Mais sa célébrité, il la doit à son Recueil des prédictions dit Centuries” et ailleurs (p. 3) : “Ces lignes curieuses en vers se trouvent au commencement d’un livre dont la première partie parut à Lyon en 1555 sous le titre “Recueil de prédictions dit Centuries” On ignore d’où l’auteur tient un tel intitulé comportant le mot “recueil”.40

   En 1945, paraît, à Paris, un ouvrage qui n’est pas uniquement consacré à Nostradamus, De Nostradamus à Cagliostro, de Jean de Kerdeland41, bien que relevant du discours antinostradamique42 - il s’en prend à Piobb, à Rochetaillée, à Colin de Larmor - est le type même de la biographie romancée, qui n’est le plus souvent que la mise en scène de la publication d’une série d’ouvrages, à des dates supposées : “Il se mit résolument au travail et le 4 mai 1555 le libraire lyonnais Macé Bonhomme pouvait mettre en vente le fruit surprenant du labeur qu’avait accompli dans son observatoire aérien l’astrologue aux confitures : les Prophéties de Maistre Michel Nostradamus (...) Tels quels les quatrains prophétiques du Salonais remportèrent un succès immense (...) Macé Bonhomme, enchanté de l’aubaine, dut remettre sous presse plusieurs fois coup sur coup.” (p. 58)

   En 1947, Em. Ruir, toujours fortement imprégné d’astrologie, publie un troisième ouvrage, toujours aux Ed. Médicis, Nostradamus. Ses Prophéties 1948-202343, faisant suite au Grand Carnage (1938) (cf. supra) et à l’Ecroulement de l’Europe, datant de 1939, et également parus chez Médicis. Dans ce nouveau livre, Ruir fait le bilan prophétique du conflit qui vient de s’achever. On y trouve notamment un commentaire de l’almanach de Nostradamus pour 1563 (p. 103). Pour Ruir, c’est l’alliage de l’astrologie et de l’inspiration (pp. 113 et seq.). On signalera (p. 179) un commentaire astrologique du quatrain IV, 36 mais on retiendra surtout le recours aux ères précessionnelles (p. 208), avec en particulier “le christianisme (le Cycle de la constellation des Poissons)”. On retrouve les thèses de Paul Le Cour, qui avait publié en 1937, la première édition de son Ere du Verseau. Mais Ruir combine plus volontiers que Le Cour un tel système avec les Centuries, ce qui n’est pas le cas du fondateur de la revue Atlantis. D’ailleurs Ruir combine le tout avec la prophétie des papes de Malachie (pp. 209 et seq). En 1952, Em. Ruir publiera Nostradamus. Les proches et derniers événements, chez Médicis, également éditeur de Maurice Privat, avant la guerre.

   En 1948, paraît, à Chartres, un ouvrage de Maurice Alliaume, Magnus Rex de Nostradamus et son drapeau, ouvrage favorable au rétablissement de la monarchie en France.44

   En 1950, Raoul Busquet, dans Nostradamus, sa famille et son secret, Paris, Ed. Fournier-Valdés, suivant en cela les thèses d’Edgar Leroy, parues en 1941 (cf. infra), note que “à la mort d’Henri II, personne ne s’avisa de reconnaître dans le quatrain publié quatre ans plus tôt (sic) la prédiction de l’accident du 30 juin 1559” (p. 90), en revanche, lors de la mort de François II, il adopte la thèse du rapprochement avec un X, 72 qui aurait été proposée à l’époque. Busquet n’hésite pas à écrire - ce qui est aux antipodes de la position d’un Brind’amour, quarante ans plus tard (cf. infra) : “Aucune prophétie en vers de Nostradamus où qu’elle ait pris place ne vise des événements devant se produire avant 1555” (p. 53) ou encore “Les Présages sont donc bien de Nostradamus. Leur facture est de tous points semblable à celle des Centuries.” On retiendra surtout le constat que Busquet fait, à la suite des travaux de Camille Chabaneau, parus en 191345 d’un manque de “spontanéité” au fur et à mesure que l’on découvre l’ampleur des emprunts littéraires là où l’on aurait imaginé un propos plus libre de telles références. En fin de compte, Busquet en arrive à l’idée d’un Nostradamus “captant dans sa mémoire les images familières de son enfance (...) Le secret de Nostradamus, c’est qu’il n’a rien voulu dire, qu’il a produit indéfiniment (et sans se fatiguer) des énigmes dérisoires, auxquelles l’infinie variété des événements donneront de temps en temps un sens avec le concours des commentateurs.“

   Passons à 1952 avec La Prochaine Guerre Mondiale vue par Nostradamus, par Georges Madeleine, ouvrage au titre typique du climat de tension de l’après guerre, paru à Toulon. On trouve chez Madeleine (pp. 29 et seq) un “dernier état des recherches sur Nostradamus” :

   “Mais s’il souffrit à la pensée de ceux qui tenteraient d’employer son nom pour justifier leurs pires élucubrations, il eut la satisfaction de savoir que de véritables chercheurs auraient leur curiosité et leur sagacité sollicitées par son oeuvre (...) Ceux qui, dans le passé, ont examiné l’oeuvre de Nostradamus ont donné un sens à la plupart des quatrains pris isolément. Par contre, aucun n’a su les relier les uns aux autres, aucun n’a découvert la chaîne qui fait des Centuries l’oeuvre prophétique la plus magistrale de tous les temps. Il est donc normal que deux pensées, pour ne pas dire deux méthodes de travail, se soient manifestées.”

   En réalité, il ne s’agit que d’une application des travaux de Roger Frontenac. Pour Madeleine, il y a ceux qui se satisfont du désordre et ceux qui cherchent un ordre et c’est le dit Frontenac46 qui lui semble être allé, en 1950, le plus loin dans cette direction, dans sa Clef secrète de Nostradamus, avec une préface de Claude Farrère de l’Académie Française (Ed. Denoël), à la couverture comportant une femme nue. L’auteur a pris la peine d’élaborer un “glossaire nostradamique”.47 Comme plus tard Ruzo (cf. infra), on nous parle de cryptographie et en même temps de succès immédiat des Centuries, ce qui peut sembler quelque peu contradictoire.

   En 1958, Raoul Auclair publie Les Centuries de Nostradamus (Paris, Ed. Des Deux Rives, Reed. Nouvelles Editions Latines, 1975), qui accorde quelque importance à l’histoire moderne des Juifs au Proche Orient. En 1959, Jean-Charles Pichon fait paraître Nostradamus et le secret des temps, Paris, Les Productions de Paris (Reed. Paris, E.dite 2001), il s’y fait l’écho (pp. 137 et seq.) des recherches d’Eugène F. Parker48 qui, selon Pichon, “avait remarqué que nombre de quatrains des Centuries, loin d’annoncer l’avenir, décrivaient le passé. Ainsi les vers : Meynier, Manthi et le tiers qui viendra / Pest et nouveau insult enclos troubler (II, 91) évoquent le massacre des Vaudois, ordonné par Meynier, baron d’Oppede, premier président au Parlement d’Aix ; l’événement est daté d’avril 1545 (...) Contrairement à F. Parker, nous ne conclurons pas, cependant, à l’imposture complète.”

   La France sera évidemment secouée par les événements de 1958 qui verront l’avènement de la Ve République et le personnage de De Gaulle ne saurait laisser indifférent. Dans De Gaulle révélé par Nostradamus il y a quatre siècles, Pierre Lamotte, en 1961.49 L’auteur revient (pp. 11 et seq) sur les ouvrages de Piobb avec lequel il entretenait des relations assez proches, du fait qu’ils fréquentaient professionnellement les mêmes milieux parlementaires. Il rappelle un des principes de ce dernier : “traduire d’abord en latin le langage de la Renaissance employé par l’auteur des Centuries puis de le traduire ensuite en français du XXe siècle.“ Pour Lamotte, qui recourt, à son tour, à l’édition de 1668, la carrière de De Gaulle constitue un accomplissement des prophéties.(p. 27). Il ne dédaignera donc pas de recourir aux sixains (pp. 84, 89 etc). D’ailleurs, à la suite du “journaliste corse”, Piobb-Vincenti, Lamotte voudrait antidater l’édition d’Amsterdam (pp. 229 et seq) : “Les gravures représentent des personnages vêtus à la mode du XVIe siècle et l’agglomération urbaine en flammes qui est censée l’image de Paris (sic) ne correspondent pas au genre qui se pratiquait du temps de Louis XIV, même à Amsterdam, où l’ouvrage portant cette date de 1668 a été soi-disant imprimé.” Toujours en 1961, le polytechnicien Jean Monterey (pseudonyme) publie un Nostradamus prophète du XXe siècle, Paris, La Nef de Paris, dans lequel il exprime son rejet d’une partie de l’édition de 1668 : “Les sixains sont apocryphes. Les Présages, s’ils sont authentiques du moins en partie ne sont guère qu’une compilation de quelques prédictions de circonstance que Nostradamus avait déjà publiées dans ses almanachs.” (p. 47)

   Passons aux années Soixante-dix qui sont marquées notamment par les travaux du regretté Serge Hutin, que nous avons bien connu - et qui travaillait sur le sujet depuis 1962 - et dont nous avons réédité l’Histoire de l’Astrologie (Ed. Artefact, Paris, 1986) . En 1972, Hutin, docteur es lettres, publie chez Belfond les Prophéties de Nostradamus. Texte intégral et authentique des Centuries expliquées et commentées jusqu’en l’an 1999. ouvrage maintes fois réédité. En 1976, le même Hutin introduira une réédition, chez Jean de Bonnot, des Oracles de Le Pelletier de 1867 ; en fait en rééditant Le Pelletier, on récupère ainsi un texte issu du Nostradamus de Bareste (1840), sous le nom de “Dissertation bibliographique sur les éditions les plus connues des Centuries de Nostradamus” qui précède celle de Ruzo ( 1982). Mais dès 1969, les Oracles de Michel Nostradamus avaient été réédités à Genève, chez Slatkine Reprints.50

   Hutin semble rester fidèle à l’édition d’Amsterdam de 1668, celle intitulée Vraies (sic) Centuries et Prophéties. Il se réfère ici (Ed. J’ai Lu, 1982, p. 23) à l’édition réalisée en 1939, par Charles Reynaud-Plense, parue à Salon de Provence, à ceux de Piobb, de Rochetaillée (cf. supra), de l’anglais James Laver, de Ruir. Hutin conteste la thèse selon laquelle Nostradamus “aurait trouvé le moyen de nous rédiger des “prophéties” vraiment irréfutables pour la bonne raison que n’importe qui, s’il se donne suffisamment de peine trouvera n’importe quoi dans les Centuries.” En réalité, son édition ne concerne que les dix centuries et il se dispense de reproduire sixains et présages ! Autrement dit, contrairement à ce qui est annoncé au copyright, l’édition Belfond d’origine, de 196651 - laquelle comporte le “supplément aux Centuries” à savoir les sixains et les Présages - sera tronquée dans les éditions J’ai Lu qui pourtant continuent à s’y référer et encore en 2002, aux Presses du Châtelet, une nouvelle édition Hutin - lequel décéda en 1997 - toute aussi tronquée paraîtra, non sans se référer à l’édition Reynaud-Plense de 1939 des Vraies Centuries et Prophéties de Michel Nostradamus, médecin, astrologue et conseiller ordinaire des Rois Henri II, François II et Charles IX (1503-1566) etc ! En fait, Hutin ne semble jamais avoir commenté les sixains ni les présages, ceci expliquant probablement cela.

   Mais en cette même année 1972, paraissait, à Bergerac de façon posthume - l’auteur ayant vécu de 1883 à 1965 - Nostradamus. Ses origines, sa vie, son oeuvre du Dr Edgar Leroy.(réédition Jeanne Laffitte, 1993) ; on y trouve une étude sur les attaques contre Nostradamus, de son vivant (pp. 170 et seq). En réalité, c’est dès 1942, que Leroy avait exposé ses recherches dans les Mémoires de l’Institut historique de Provence (tome XVII), ce que ne signale pas R. Benazra.52 Or, l’influence de Leroy est attestée, on l’a vu, bien avant 1972, et en fait trente ans plus tôt !

   Signalons aussi, en 1975, une traduction d’un travail italien de Mireille Corvaja, aux Editions De Vecchi, alors spécialisées dans cette activité de traduction de textes initialement parus dans cette langue. On y reprend (pp. 78 et seq) une approche précessionnelle des Centuries, telle qu’exposée par Jean-Charles Pichon in Nostradamus en clair, Paris, Laffont, 1970 (réed., Paris, E-dite 2001).

   En 1975, à Aix en Provence, Jean-Charles de Fontbrune réédite Les Prophéties de Maistre Michel Nostradamus expliquées et commentées, ouvrage qui paraîtra, à l’identique, l’année suivante chez Stock sous un nouveau titre, Ce que Nostradamus a vraiment dit. On y trouve une biographie de Max de Fontbrune (1900- 1959), on nous explique que le nom de Fontbrune est celui d’une branche éteinte des Pigeard de Gurbert.

   Le début des années Quatre Vingt seront marquées par la publication de l’ouvrage de Jean-Charles de Fontbrune, fils de Max de Fontbrune, Nostradamus, historien et prophéte. Ses prophéties de 1555 à l’an 2000, aux Ed. Du Rocher (de Monaco). Dans son livre53, Fontbrune fils qui revient sur l’apport de son père (pp. 13-16) et déclare “c’est pourquoi aujourd’hui je donne ici les premiers résultats de quarante-quatre années d’étude, père et fils réunis”, ne souhaite pas, pour sa part, faire intervenir l’astrologie. (p. 43). Le grand intérêt de l’ouvrage tient à la désignation de Nostradamus comme “historien”, ce qui signifie que l’on peut trouver dans les quatrains des références à des événements antérieurs à la date de leur rédaction. Fontbrune est un des premiers à notre connaissance à prendre la peine de rappeler que certains quatrains correspondent au... XVIe siècle (pp. 56 et seq), outre le cas du quatrain I, 35, dont on voudrait qu’il ait annoncé la mort d’Henri II, en 1559, c’est-à-dire qu’il ne se contente pas de recouper les vagues souvenirs scolaires de ses lecteurs mais leur fournit des données historiques qui pourraient leur manquer.

   Le succès international de l’ouvrage de Fontbrune fils suscitera un certain nombre de productions, dans la foulée54, à commencer aux mêmes éditions du Rocher du Testament de Nostradamus de Daniel Ruzo, paru initialement en espagnol en 1975 (cf. infra).

   Quant aux éditions Robert Laffont, lesquelles avaient publié en 1970 le Nostradamus en clair de Jean-Charles Pichon, elles sortiront en 1981 un Nostradamus trahi suivi du texte original et complet des dix Centuries, édition de 1605 d’Elisabeth Bellecour. En réalité, le texte qui nous est présenté est tronqué et ne comporte ni les sixains, ni les Présages comme c’est le cas pour l’édition (antidatée) de 1605.

   Dans la préface de l’astrologue Albert Slosman au Nostradamus trahi, nous lisons une intéressante étude sur le travail de Fontbrune père et notamment sur les changements intervenus d’une édition à l’autre ; à propos de celle de 1946, Slosman note : “Il s’agit bien d’un nouveau livre, refait à la vue du déroulement de la guerre de 1939-1945 et qui n’a plus rien de commun avec celui de 1938.” Si l’on compare en effet l’édition de 1939 des Prophéties de Maistre Michel Nostradamus expliquées et commentées avec les éditions d’après guerre et notamment celles de 1975-1976 (cf. supra), parues exactement sous le même titre, il semble au premier abord que l’on ait cherché à donner l’impression qu’il s’agissait d’une simple réédition. Mais à y regarder de plus près, on est bien en face d’une mise à jour réalisée sur la base des événements connus au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale. La preuve en est que le commentaire fournit des dates très précises et à l’évidence post eventum. Le chapitre consacré au début des années Quarante a été totalement remanié mais avec trop de candeur pour que l’on puisse parler de contrefaçon à moins qu’on ait voulu nous faire croire que l’ouvrage n’était pas déjà paru avant guerre. En tout état de cause, contrairement à ce que signale R. Benazra55, il ne s’agit pas d’une simple “réédition de l’ouvrage du Dr de Fontbrune” augmentée d’une “biographie de ce dernier par son fils Jean-Charles”. En 39, Max de Fontbrune annonçait la “destruction de Paris” et “l’invasion par la Suisse” et de la “Ligne Maginot” ; en 75/76, en revanche on nous parle, comme il se doit, de “l’invasion de la Belgique” et de la “Ligne Maginot”. (Ed. Stock, p. 168). Dans son ouvrage de 1980, Jean-Charles de Fontbrune réutilisera certains éléments fournis par son père. C’est ainsi que la Ligne Maginot (pp. 291 et seq) est toujours associée au quatrain IV, 80 avec les mêmes commentaires que dans l’édition de 1939 (p. 178) : “Près du grand fleuve (le Rhin), un grand retranchement sera creusé dans la terre - divisée en quinze parties hydrographiques - La ville sera remplie de feu, de sang, de cris, de luttes et la plupart (de ses habitants) seront pris dans le choc.” Ce qui donne en 1980 : “Près du grand fleuve (le Rhin) sera creusé un grand retranchement, le réseau hydrographique sera divisé en quinze parties. La ville (Paris) sera prise et le conflit mettra tout à feu et à sang et la plupart des Français seront mêlés à l’affrontement.“

   Encore en 1981, à Nice, on publie, chez Belisanne56, un reprint de l’édition Chevillot, avec les sixains et c’est d’ailleurs au contact personnel de ces éditeurs niçois, Boumendil et Tappa, que notre intérêt pour Nostradamus s’éveilla alors. Les éditeurs ajoutèrent en annexe les Présages qui figurent dans l’édition de 1668. C’est l’heure des éditions recomposées ou décomposées. En 1989, le canadien Michel Dufresne publiera un Dictionnaire Nostradamus s’appuyant sur l’édition Bellecour.

   Les éditions Trédaniel, également en 1981, publieront une Réponse de Nostradamus à M. De Fontbrune de Jean Robin, dont le titre est révélateur du phénomène Fontbrune qui se propage alors, avec notamment des traductions dans un grand nombre de langues, on y trouve (pp. 29-30) des observations sur le texte d’E. Bellecour (cf. supra). Robin relève (pp. 31 et seq) la tentative de Fontbrune de nier la dimension astrologique voire ésotérique de Nostradamus sans bien entendu se demander si le canon nostradamique est son oeuvre. Paraîtra aux mêmes éditions, en 1982, un ouvrage de Guy Béatrice, Des mages alchimistes à Nostradamus. Mais le texte, y précise-t-on est antérieur au phénomène Fontbrune. On y trouve (pp. 244 et seq) un commentaire du commentaire des hiéroglyphes de Horapollo (cf supra) déjà abordé (pp. 10 et seq) par A. Slosman dans sa Préface à l’ouvrage de E. Bellecour (cf supra). Quand à l’ouvrage de Serge Hutin (cf. supra), il sera réédité aux Ed. J’ai Lu, en 1982 avec une mise à jour tenant compte du phénomène Fontbrune (pp. 69 et seq), ce qui conduit Hutin à envisager lui aussi une “troisième guerre mondiale”.

   En 1982, les Editions du Rocher décident de publier la traduction d’un ouvrage paru en espagnol, en 1975, du collectionneur sud-américain de textes nostradamiques Daniel Ruzo. Ce Testament de Nostradamus57 s’articule autour d’un manuscrit comme en 1983 pour Dupèbe avec les Epîtres Latines (cf. infra). On y trouve notamment le fac simile des deux premières pages des Présages Merveilleux pour 1557, qui attestent (p. 86) de l’existence d’une première Epître à Henri II. Ruzo est en quête d’une “clef cryptographique” permettant de discerner le vrai et le faux (p. 55). Ruzo, à partir du Testament veut montrer que le nombre de quatrains du canon centurique voire même la progression de leur nombre d’une édition à l’autre (1555, 1557, 1558, 1568) obéissent à un plan précis.58

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Années 1983-2000,
jusqu’à l’An 2000 inclus

    A partir de 1982 et de la sortie du Testament de Nostradamus (cf. supra) commence une nouvelle période, s’ouvre une nouvelle ère marquée par l’exhumation de nombreux textes demeurés longtemps inaccessibles. Ruzo publie notamment à la fin de son ouvrage (pp. 233 et seq) une bibliographie fondée sur ses propres collections lesquelles doivent quelque peu à celles de l’abbé Rigaux (cf. supra), le travail de Ruzo est surtout précieux pour le XVIIe siècle (pp. 299-325). Sur ses traces, Chomarat et Benazra vont localiser dans les bibliothèques du monde entier les divers documents si bien que désormais on aura accès à des éditions originales, ce qui ne signifie pas authentiques, et que l’on pourra comparer les éditions des Centuries.

   Par ailleurs, des manuscrits sont publiés : en 1983, Jean Dupèbe fait paraître une traduction des Epîtres Latines, chez Droz, à Genève, qui sera complétée par Bernadette Lecureux - in R. Amadou L’astrologie de Nostradamus - comme l’a récemment rappelé Théo Van Berkel.59 Déjà en 1961, E. P.E Lhez avait publié dans Provence Historique, (t. XI, n° 44, avril-juin) un “Aperçu d’un fragment de la correspondance de Michel de Nostredame”.60 Quant à Bernard Chevignard, en 1999, il publie aux Editions du Seuil (Présages de Nostradamus) une partie du Recueil des Présages Prosaïques, resté manuscrit - ensemble de brouillons d’almanachs et de pronostications - ce qui vient s’ajouter à l’édition de Pierre Rollet (1968) concernant le manuscrit des Hiéroglyphes d’Horapollo. On notera que la seconde partie du travail de Chevignard reste inédite tout comme celle de Chomarat et Laroche. Dans son ouvrage, Dupèbe aborde (pp. 21 et seq) la question de Jean-Aimé de Chavigny61, l’auteur de la Première Face du Janus François (1594) qu’il distingue de Jean de Chevigny62, position qui sera réfutée par Bernard Chevignard (cf. infra).

   En 1984, paraît pour la première fois le reprint d’une édition Macé Bonhomme, 1555 (exemplaire de la Bibliothèque municipale d’Albi) avec une présentation de R. Benazra, aux Ed. des Amis de Michel Nostradamus. Signalons à cette occasion les Cahiers Michel Nostradamus, publication fondée par l’Association des Amis de Michel Nostradamus, en 1983 et qui notamment a réédité en fac simile un certain nombre de documents nostradamiques.63 D’autres reprints suivront : ceux de l’édition Antoine du Rosne 1557 (Lyon, Ed. Chomarat, 1993) et de l’édition Benoist Rigaud 1568 (Lyon, Ed. Chomarat, 2000). Les Journées Nostradamus de 198564 rassemblent à Salon de Provence nombre de ces chercheurs, de Ruzo à Dupèbe, de Chomarat à Benazra.65 Une partie des communications en seront publiées par Robert Amadou.66

   Toujours en 1984, l’astrologue Michel Morin fait paraître au Québec un Nostradamus et la fin de notre siècle, il s’insurge à son tour (p. 32) contre le parti pris a-astrologique de Fontbrune. Un autre québécois, Maurice Poulin publie en 1985 Le Grand Monarque messager du Verseau, dans lequel il accorde une grande importance aux planètes au delà de Saturne, inconnues au XVIe siècle, pour interpréter certains quatrains. Les années Quatre Vingt, soulignons-le, sont désignées, dans la communauté astrologique francophone, comme devant être le théâtre d’une Troisième Guerre Mondiale et Nostradamus semble avoir été instrumentalisé dans ce sens.

   En 1985, Gallimard accueille de René Dumézil Le Moyne noir en gris dedans Varennes. Sottie nostradamique, ce qui constitue une sorte de consécration académique. En 1985, encore, Louis Schlosser publie, chez Belfond, qui avait déjà publié par le passé Hutin (cf. supra), La Vie de Nostradamus. Nous avons là une entreprise biographique. Voyons si l’auteur a évité certains pièges. Schlosser, marqué par les travaux de Michel de Roisin, parus eux Ed. Du Rocher en 197967, pense que Nostradamus commença très tôt à rédiger “ses” quatrains (p. 46) : “Michel de Nostredame devait attendre plus d’un quart de siècle avant de se décider à rendre public ce que, patiemment, jour après jour, Nostradamus rédigeait”, le biographe faisant ainsi une différence entre l’homme Michel de Nostredame et l’entité prophétique Nostradamus. La thèse de Schlosser est exposée clairement : “On ne peut déchiffrer l’énigme de certains quatrains nostradamiques si l’on ignore la réalité dans laquelle vivait le prophète. Au lieu de chercher dans l’histoire postérieure aux Centuries l’identité des personnages et des événements évoqués, il est plus profitable de connaître la vie quotidienne, politique, religieuse ou culturelle du temps de Michel de Nostredame (...)”

   “C’est le propre de la prophétie nostradamique de produire le cadre de la prédiction future à partir de la chronologie du passé” (p. 93 et 103). C’est ainsi que Schlosser nous rappelle (p. 36) que “l’affaire d’Avignon préoccupait déjà François Ier qui “tenta à plusieurs reprises d’accroître ses droits sur Avignon et sur le Comtat Venaissin (...) Nostradamus se fit l’écho de cette situation (...) Dans deux de ses quatrains prophétiques où, curieusement, on voit revenir le même vers Le Roy de Blois dans Avignon regner”. On notera que son prédécesseur Louis XII est né à Blois. Pour Schlosser, les Centuries seraient avant tout une chronique du règne de François Ier, mort en 1547. (p. 153) projetée dans l’avenir. Mais ce chercheur ouvrant une piste très intéressante au niveau des sources n’en admet pas moins la publication des Centuries en 1555 (p. 207), ce qui montre bien qu’il faut, chez chaque auteur séparer le bon grain de l’ivraie. Mais, Schlosser situe plus tardivement la rédaction des Centuries VIII à X, “en grande partie une chronique de la première guerre de Religion. Nostradamus rédigea ces quatrains après les événements qui ensanglantèrent le pays, surtout de 1562 à 1563 (...) C’était en quelque sorte son testament qu’il rédigeait en cette fin de l’année 1565.” (p. 240 et 248). C’est dire que Schlosser ne croit pas à une édition de ces Centuries en 1558. En 1987, Philippe Guilhaume publie68 un Nostradamus. L’exploitation séculaire d’un fonds de commerce, à la suite du travail de Schlosser (pp. 195 et seq) insiste sur l’importance de l’horizon 2000 pour les esprits : “Plus l’an 2000 approche, plus s’installe l’angoisse et se multiplient les prédictions et voyances (...) De leur côté, les astrologues font remarquer que le monde sortira de l’ère des Poissons aux alentours du prochain changement de siècle pour entrer dans l’ère du Verseau.” (p. 235)

   En 1987, parait du Roumain Vlaicu Ionescu, installé aux Etats Unis, avec une préface de Raymond Abellio, Nostradamus. L’histoire secrète du monde, Paris, Ed. Du Félin. Dans sa préface, Abellio rappelle (p. 14) le pronostic des “astrologues” - en l’occurence André Barbault dont le nom n’est pas cité69 - concernant la conjonction Saturne-Neptune, en 1989, pouvant affecter la Russie comme ce fut le cas en 1917 et 1953 (mort de Staline), à 36 ans d’intervalle. Pour Ionescu, 1991 sera une année cruciale pour le communisme - le “commun advènement” - et l’ “ère prolétarienne”, selon le titre de son premier ouvrage paru en 1976, le Message de Nostradamus sur l’Ere Prolétarienne, Paris, Diffusion Dervy-Livres.70 Dans son entretien - Les dernières victoires de Nostradamus - avec Marie-Thérèse de Brosses, en 1993, chez Filippachi - qui publièrent en 1991 une biographie romancée de Nostradamus par R. Balducci (cf. infra) on revient sur ce succès prévisionnel fondé sur l’Epître à Henri II. D’ailleurs, en 1980, André Barbault avait montré qu’il connaissait fort bien les conclusions de Ionescu concernant 1991 : “Le phénomène astronomique est centré entre Décembre 1989 et Mars 1990 mais est susceptible d’un décalage d’une année à une année et demie.”71 Et de conclure que l’astrologie pourrait ainsi venir confirmer Ionescu dans son utilisation du corpus nostradamique, si à 1917 on ajoute 73 ans et 7 mois comme le dit Ionescu le propose.

   En 1988, les Ed. Du Rocher publient un ouvrage de Serge Hutin, Nostradamus et l’alchimie. Hutin signale la thèse de Piobb (pp; 36 et seq) déjà évoquée : Piobb “soutenait que les Centuries, bien que publiées et même rédigées par Nostradamus lui-même, n’auraient fait que reproduire un document antérieur à lui.” Hutin n’accepte pas cette thèse : “Le style même des Centuries a une allure si caractéristique, si personnelle (sic), qu’il ne saurait révéler une oeuvre collective, même coordonnée à un échelon supérieur ; on y reconnaît d’emblée un “coup de patte” verbal et stylistique à nul autre pareil et qui ne peut qu’être l’oeuvre de Nostradamus - de personne d’autre que lui.” Une argumentation qui sera reprise par Lucien de Luca, quinze ans plus tard.72 Hutin aborde aussi la question des sources des Centuries : “On a même pensé, inversant alors totalement les perspectives temporelles que les Centuries (...) décriraient en réalité des événements du passé (...) L’auteur des Centuries nous avertit (...) que son oeuvre concerne bien tout l’avenir s’étendant entre les dates 1555 (celle de la rédaction de l’oeuvre) et 3797 de notre ère chrétienne.” (pp. 44 et seq)

   En 1991, aux Ed. Filipacchi, paraît La Vie fabuleuse de Nostradamus de Richard Balducci. On y trouve reprise (pp. 216-217), la thèse de la gloire de Nostradamus, de son vivant, due à l’annonce, dans les quatrains centuriques I, 35 et X, 39, de la mort d’Henri II (1559) et de François II (1560), ce qui suppose que la Centurie X était déjà parue en 1560.

   En 1992, parait, chez Solar, une traduction de l’anglais, Nostradamus. Prédictions pour la fin du millénaire, de V. J. Hewitt et P. Lore, ouvrage caractéristique de l’ambiance fin de millénaire. Signalons que la traduction d’un autre ouvrage anglais était parue en 1988, chez Arthaud, de John Hogue, Nostradamus. Les révélations.73 En 1999, Marc Finn publiera, au Rocher, Nostradamus, prophéties datées 1999-2010. On voit ici Nostradamus rivaliser avec les prédictions proprement astrologiques. Dans l’ouvrage de Hogue, on trouve bien entendu un chapitre consacré à “Grandeur et décadence de l’Empire Britannique. 1658-1961” (pp. 46 et seq), qui constitue un bon commentaire du frontispice de 1668, lequel d’ailleurs n’est pas reproduit dans l’ouvrage en question. Ce qui peut surprendre, c’est que pour les Anglais, le quatrain “Sénat de Londres...” (IX, 49) n’est pas cité à propos de l’exécution de Charles Ier alors qu’il est signalé par un Jean-Charles Pichon.74 Pourtant ce quatrain avait bel et bien été cité, dans les années qui suivirent l’événement, par William Lilly.75 En revanche, Pichon n’accorde aucune importance à l’incendie de Londres de 1666 qui pourtant constitue un des deux thèmes du frontispice susmentionné alors que Hogue relie l’incendie au quatrain II, 51 mais avec une version très arrangée de l’original français, attitude qui, précisons-le ne se retrouve pas chez Leoni ou chez Lemesurier, autres nostradamologues anglais :

Le sang du juste à Londres fera faute
Brûlés par le feu en l’an 66 (sic)
La dame antique cherra de sa place haute
Et de la même secte plusieurs seront occis

   Au lieu de :

Le sang du juste à Londres fera faute
Bruslés par fouldres de vint & trois les six etc

   En 1672, Théophile de Garencières rapprochait déjà ce quatrain de l’événement mais sans changer pour autant le texte.76

   En 1993, les Ed. Trédaniel qui avaient co-édité le Repertoire Chronologique Nostradamique de Robert Benazra (1990) - parues juste après la Bibliographie Nostradamus de Chomarat et Laroche, à Baden-Baden, publient Nostradamus et les tréteaux de l’Antéchrist de Jean-Marc Allemand ; on y trouve notamment une traduction en français moderne d’un nombre important de quatrains des Centuries (pp. 146 et seq). Mais surtout, en cette année 1993, Pierre Brind’amour sort, au Canada, son Nostradamus, astrophile. Les astres et l’astrologie dans la vie et l’oeuvre de Nostradamus. Il y déclare : “j’accepte (...) jusqu’à nouvel ordre la chronologie traditionnelle” (p. 60). Nous l’avons bien connu, au début des années 1990, et celui-ci était au courant de certaines de nos thèses auxquelles il s’efforça de répliquer en récoltant notamment des témoignages en faveur de la connaissance des Centuries du vivant de Michel de Nostredame. Ce dossier servira largement en 2003 pour le numéro 26 du CURA.free.fr consacré à Nostradamus et auquel nous avons répondu sur Espace Nostradamus. En 1996, le regretté Brind’amour publia, chez Droz, qui avait déjà fait paraître, en 1983, le travail de Dupèbe, une édition critique des 353 premiers quatrains et de la Préface à César (Ed. Macé Bonhomme, à partir de l’exemplaire de la Staatsbibliothek de Vienne, Autriche), dans laquelle il signalait notamment la présence de versets centuriques dans les Prophéties dédiées à la Puissance Divine et à la Nation Française d’Antoine Crespin, Lyon, 1572.

   Restons à 1993 avec le reprint de l’édition Antoine du Rosne (ex de la Bibl. de Budapest), introduit par R. Benazra. Il avait été précédé en 1984 du reprint de l’édition Macé Bonhomme 1555 et sera suivi en 2000 de celui de l’édition Benoist Rigaud, 1568. L’édition de 1668 semble désormais assez mal vue et l’on préfère utiliser des éditions datées du vivant de Nostradamus ou faisant immédiatement suite à sa mort, survenue en 1566. Toujours en 1993, parut la traduction anglaise d’un ouvrage de James Randi, Le vrai visage de Nostradamus, aux Ed. du Griot. On y trouve un exposé des travaux anglo-saxons sur Nostradamus, notamment ceux d’Eugène Parker, de Leoni, de Hogue (cf. infra), de Ch. Ward et plus anciennement de Theophile de Garencières (1672). Randi s’efforce de montrer que certaines prédictions supposées concerner le XVIIe siècle, quant à l’Histoire de l’Angleterre, pourraient fort bien être dues à des événements survenus au siècle précédent, et connus de Nostradamus (pp. 213, 228). Randi rappelle par ailleurs que le chercheur allemand Klinckowstroem “n’a pas réussi, semble-t-il, à retrouver trace que ce soit à Lyon ou ailleurs du Privilège du Roy pour la première édition.” (p. 246)

   En 1994 se tint à Salon un nouveau colloque : “La transmission du Savoir au XVIe siècle”, dont la partie consacrée à Nostradamus paraîtra, en 1997, sous le titre de Nostradamus ou le Savoir transmis. Gilles Polizzi, dans son étude ““Lac Trasmenien portera tesmoignage” ou de l’usage de l’Histoire Romaine dans les Centuries” étudie le travail de Dumézil (pp. 47 et seq) et s’interroge sur la présence dans le corpus centurique des emprunts, il parle (p. 68) de “composition mécanique”, de cut up (p. 70)

   En 1995, les Ed. Du Rocher qui avaient déjà publié Fontbrune, Ruzo et Hutin sortent Ainsi parlait Nostradamus d’Etienne Mezo, de formation astrologique, prenant ainsi le contre-pied de Fontbrune fils (p. 291). Dans sa Lettre au Lecteur, on peut lire : “Il me faut signaler au lecteur que seules les sept premières Centuries ont été imprimées du vivant de Nostradamus. Trois cent quatrains, de la huitième à la dixième Centuries ont été imprimées post mortem, de sorte que, dans ceux-là, l’absence d’une lettre peut modifier le sens. L’on sait que des quatrains ont été volés et remplacés par d’autres. Aujourd’hui, je suis en mesure de repérer les faux. Nostradamus utilise en effet une certaine phraséologie et des codes bien particuliers. Lorsque ceux-ci n’apparaissent plus, il faut les interpréter avec une extrême prudence... ou ne pas les interpréter du tout.” (p.14)

   En 1996, Camille Bartoli publie Lire Nostradamus autrement. Il rappelle heureusement (cf. Dumézil, supra) que le Varennes des Centuries est en Bretagne et non en Champagne (pp. 23 et seq). On retiendra aussi son explication du fameux quatrain I, 35 sur le vieux et le jeune lions qui serait selon l’auteur issu du Pronostic (1530) de Paracelse (pp. 25 et seq) : “Un vieux lion sera entravé et un jeune lion deviendra libre. Il plaira à tous les animaux que le Vieux Lion aura offensés.” Mais Bartoli nous intéresse surtout quand il écrit : ”L’erreur est énorme de vouloir y déceler des prévisions pour les XIXe, XXe voire XXIe siècles (...) En ce qui concerne le XVIe siècle, des événements échelonnés entre 1500 et 1555 sont également présents dans les Centuries.” (pp. 58 et seq)

   En 1996, parait chez Droz, on l’a déjà noté, une édition critique des “premières Centuries” (Macé Bonhomme, 1555) par Pierre Brind’amour, décédé au début de 1995, avec une assez ample introduction, reprenant le travail de R. Benazra de 1984. C’est ainsi que l’édition Macé Bonhomme 1555 remplace l’édition Pierre Rigaud 1566 chère aux nostradamologues du Second Empire. Le chercheur canadien n’hésite pas à resituer les quatrains dans leur “contexte” en relevant d’ailleurs le “contraste avec le maniérisme de l’époque” (p. XII). Pour Brind’amour, il ne fait aucun doute que Nostradamus est bien l’auteur de cette édition et ce en 1555 ; cependant, alors que ce chercheur fournit nombre de sources des quatrains, il s’interdit de relier les dits quatrains avec des événements postérieurs à 1555, encore que l’on trouve un certain flottement doctrinal quand à propos de l’Eclaircissement des véritables Quatrains (1656) Brind’amour déclare que son auteur “perd son temps à essayer de vérifier les quatrains sur l’Histoire postérieure à la mort du prophète” (p. LXX) donc à 1566. Or, certains rapprochements avec des événements postérieurs à 1555 auraient pu remettre en question la date d’édition ; c’est ainsi que Brind’amour refuse de rechercher dans un quatrain l’annonce de la mort d’Henri II en 1559 (pp. 99-101). On comprend certes que Brind’amour ne veuille pas entrer dans une logique prophétique mais c’est ipso facto ne pas se donner les moyens de situer l’édition étudiée à une date plus tardive.

   En 1998, paraît chez Jacques Grancher, Nostradamus, le prophète de la Renaissance et ses présages, Paris, ouvrage signé Marie Martin en collaboration avec Marc Luni. Cas fort rare d’une nostradamiste avec celui de Marie-Thérèse de Brosses, qui publie avec le roumain Vlaicu Ionescu, Les dernières victoires de Nostradamus. L’auteur recourt aux Présages (pp. 80 et seq), c’est-à-dire les quatrains des almanachs de Nostradamus, à l’instar du Janus Gallicus. Marie Martin n’a pas éliminé l’édition Pierre Rigaud 1566 (p. 103) et ne semble donc pas avoir tenu compte d’avertissements répétés. Ayant axé tout son travail sur les almanachs, elle signale l’ordonnance datée du 31 janvier 1561 condamnant l’astrologie judiciaire (p. 162).

   En 1999 - nous avions soutenu notre thèse d’Etat, Le Texte Prophétique en France, formation et fortune, au mois de janvier - Roger Prévost publie chez Laffont Nostradamus, le mythe et la réalité. Un historien au temps des astrologues. Assez proche du travail de Louis Schlosser, Prevost montre la dimension paradoxalement rétrospective des Centuries : “Est-ce bien dans les siècles à venir pour Nostradamus qu’il faut chercher ? (...) Ses quatrains, hormis ceux à caractère eschatologique se réfèrent à des événements du temps passé ou de son temps. Rien n’y fait mention des événements futurs” (p. 99, p. 250). Prevost note également “le peu d’écho rencontré au XVIe siècle par les Centuries alors que les Almanachs, ces publications annuelles, tantôt en prose, tantôt en vers, provoquent de nombreux commentaires” (p. 242). Il cite E. Leoni77 qu’il traduit de l’anglais : “Il y a toujours une possibilité que les éditions paraissant authentiques avec des dates précoces, telles que celle de Macé Bonhomme en 1555 ou celle de du Rosne en 1557, soient l’oeuvre de contrefacteurs réellement habiles.” Lors du Colloque Nostradamus de Bruxelles qui se tint en 1999, l’anglais Peter Lemesurier lui répondra que le temps est cyclique et que les événements sont récurrents.78

   Au cours de la même année 1999, Bernard Chevignard publia les Présages de Nostradamus, aux Editions du Seuil, à savoir le Recueil des Présages Prosaïques (pp. 19 et seq), avec une ample introduction laquelle revient notamment (cf. supra) sur l’affaire Chavigny/Chevigny étant donné que le dit Recueil ne nous sera connu que par les extraits qui en sont commentés dans le Janus Gallicus (1594) et cela pour des années ne correspondant plus à celles des almanachs dans lesquels ces quatrains figuraient initialement. Or, il semble bien que les éditions parisiennes de 1588 aient récupéré certains de ces quatrains (cf. p. 45). Selon Chevignard (p. 43), en 1570, dans un texte relatif à l’Androgyn, il était déjà fait référence au RPP. La confrontation entre le RPP et les collections d’almanachs et de pronostications met en évidence certains décalages, ce qui fait dire à B. Chevignard (p. 71) : “Malheureusement, Jean-Aimé de Chavigny a retranché des “extraits” de son Recueil la plupart des références astrologiques, de même qu’il n’a généralement pas retenu les considérations météorologiques ou médicales etc.”

   En avril 2000, l’astrologue belge Basile Landis publie, à Bruxelles, Nostradamus et l’an 1999 sept mois ou le 4 mai 2000. Il revient sur l’ “échec” de la prophétie de 1999. On y trouve une bibliographie comportant des réflexions subtiles sur l’édition de 1566 et sur le caractère posthume des éditions. (p. 25) : Nostradamus “connaissant le moment de sa mort (...) avait certainement dû terminer et faire imprimer ses trois centuries bien avant (...)” En 1568 et plus encore en 1597 (date de fin d’activité de Benoist Rigaud), il n’était plus nécessaire de reproduire son épitaphe, tout le monde étant au courant de son décès. A contrario, s’il y a eu une édition en 1558, il est normal que son épitaphe n’apparaisse pas, puisque Nostradamus était encore en vie.”79

Conclusion

   Notre propos n’était pas ici de répliquer, à chaque fois, selon nos propres thèses, aux divers auteurs mentionnés. Nous nous sommes contentés de souligner la diversité des points de vue. Ce qui caractérise la pensée nostradamique du XXe siècle si on la confronte au débat tel qu’il se manifeste en ce début de XXIe siècle, c’est que l’on ne remet guère en question les dates figurant sur les éditions pas plus qu’on exprime de doutes sur le fait que Nostradamus soit l’auteur des Centuries. On observe des emprunts mais on ne les met pas sur le compte de faussaires pressés et tirant à la ligne. On note bien que les Centuries recourent au passé mais sans imaginer qu’il puisse s’agir d’une volonté de présenter celles-ci comme un recueil bien antérieur à Nostradamus et dont il ne serait que le dernier maillon de la chaîne.

   Comment a progressé la recherche nostradamologique en cent ans ? La fin du XIXe siècle avait été marquée par une polarisation sur l’édition Pierre Rigaud 1566 (Torné Chavigny, Le Pelletier, qui sera réédité dans les années Soixante-dix). Le XXe siècle lui préférera d’abord l’édition d’Amsterdam de 1668, plus “complète” puisqu’elle comporte les Présages et les Sixains ainsi qu’une troisième épître datée de 1605, sans parler de la reprise du Brief Discours sur la Vie de Michel de Nostredame (issue du Janus Gallicus) et d’un commentaire de quelques quatrains, avec notamment un frontispice illustrant deux pronostics interprétés comme visant l’Angleterre. De fait, cette édition hollandaise en langue française est-elle probablement dans sa structure générale assez proche de celle qui dut exister au départ, à part le fait qu’à l’origine, il y ait eu un nombre sensiblement plus faible de quatrains et ne connaissait pas les sixains. On pourrait penser qu’un revirement se produisit à partir des années Quatre Vingt, du fait de la découverte d’exemplaires d’éditions datées du vivant de Nostradamus (1555 et 1557) ainsi que d’éditions datées de 1568 ne comportant pas l’anachronisme Pierre Rigaud (dont l’activité concerne surtout le début du XVIIe siècle) mais bien Benoist Rigaud, le contenu étant d’ailleurs sensiblement le même, on en est revenu à préférer un corpus plus étroit, sans Présages ni Sixains, disqualifiés par la date de 1605. En réalité, dès les années Soixante-dix, un Serge Hutin, du fait même qu’il introduit la réédition des Oracles de Le Pelletier, s’articulant sur une édition Pierre Rigaud très proche, en vérité, sauf au titre, de celle de Benoist Rigaud, va réussir à imposer une édition se limitant à dix centuries, sans annexes d’aucune sorte sinon une biographie mais comportant un commentaire quatrain par quatrain, ce qui n’empêchera d’ailleurs pas un Jean-Charles de Fontbrune de rester fidèle, à l’instar de son père, lors de la décennie suivante, à l’édition de 1668. En fait, Hutin semble avoir tantôt opté pour une version courte des Centuries (cf. supra), dans ses commentaires, tantôt pour une version longue ; c’est ainsi qu’en 1975, il publie Les Prophéties de Nostradamus avec présages et sixains, Paris, Hachette.80 Débat nullement négligeable dans la mesure où nombre d’auteurs ont exprimé au XXe siècle leur suspicion sinon leur rejet de ce qui dépassait le cadre de Dix Centuries, position d’ailleurs peu ou prou entérinée, depuis les années 80, par l’establishment nostradamologique, notamment lyonnais.81

   En ce début de XXIe siècle, il est clair que le principal débat concerne l’authenticité des éditions 1555, 1557, 1568 et il faut regretter que Pierre Brind’amour ait publié, en 1996, une édition critique des Centuries, à 353 quatrains, à partir de celle de Macé Bonhomme 1555, laquelle correspond, en réalité, à un stade très particulier et sensiblement plus tardif de l’histoire des Centuries. L’avantage de l’édition de 1668, c’est qu’en dépit de son caractère tardif, elle ne soit pas suspecte d’être antidatée, elle reflète réellement la situation du nostradamisme à cette époque, ce qui n’est nullement le cas s’agissant des années 1550 voire 1560. Qui plus est, cette édition d’Amsterdam reprend largement l’édition troyenne Pierre Du Ruau, dont une édition antidatée à 1605 fut utilisée par Max de Fontbrune et qui lui est sensiblement antérieure puisque datant vraisemblablement des années 1630. L’édition de 1668 a quand même l’insigne avantage de comporter les Présages, ce qui manque aux éditions Rigaud, présages qui ne sont autres, tout de même, que les quatrains issus des almanachs de Nostradamus, lesquels, dans l’ensemble, offrent un certain caractère d’authenticité, même s’ils sont pris du commentaire partiel figurant dans le Janus Gallicus. Si, en effet, on comprend assez bien la défaveur des Sixains, il est plus malaisé de saisir celle qui affecte les Présages si ce n’est que ceux-ci sont censés a priori ne valoir que pour le mois et l’année indiquée. Ces Présages n’en reflètent pas moins - beaucoup mieux en tout cas que les éditions antidatées 1555 à 1568 - l’état du nostradamisme à la mort de Nostradamus et les travaux de Bernard Chevignard contribuent à mieux cerner la genèse de cette production annuelle.

   En pratique, nous ne disposons de repères un tant soit peu précis qu’à partir de la fin des années 1580, pour lesquelles on ne connaît que des éditions avec la Préface à César (sans l’Epître à Henri II) et à sept centuries seulement, sans aucun appareil exégétique ou biographique. On notera, d’ailleurs, la similitude entre ces éditions ligueuses de Paris et les éditions antidatées de 1557 (Bibl. Budapest et Utrecht), chez Antoine du Rosne, à Lyon. Avant 1588, en fait - et 1594 pour le Janus Gallicus avec son exposé biographique et son exégèse de quatrains et de présages - il ne s’agit que de conjectures exigeant un délicat travail de reconstitution, une sorte de préhistoire du nostradamisme à la Cuvier.

   On aura remarqué que nous avons accordé quelque attention à la coexistence d’éditions à dix centuries d’une part et d’éditions comportant en outre sixains et présages d’autre part. Il semble que la première tendance ait actuellement la faveur des nostradamologues “sérieux”. Pour notre part, nous serions plutôt enclin à nous faire l’avocat de l’autre formule.

   En effet, pour ceux qui défendent la thèse d’un Nostradamus auteur des Centuries, la préférence semble devoir aller à ce qui a été, du moins selon certaines apparences que nous contestons, publié de son vivant ou peu après sa mort. Pour ceux, en revanche, qui pense que le corpus nostradamique se serait développé sur un certain laps de temps voire sur plusieurs générations, pour aboutir à ce qu’il est devenu, il semble souhaitable de tout accepter en bloc, d’autant qu’une exégèse a pris en compte l’ensemble, comme ce fut notamment le cas dans la seconde moitié du XVIIe siècle, qui nous apparaît comme un âge d’or du nostradamisme, c’est d’ailleurs au coeur de cette période que se situe la publication de l’édition d’Amsterdam de 1668 et qui est le théâtre des événements Outre Manche, célébrés par un célèbre frontispice (cf. supra). Ce qui vient compliquer la position n° 1 que nous rejetons tient d’une part au rejet des Présages, lesquels sont bel et bien, dans l’ensemble, une production authentique de Nostradamus et de l’autre au fait que la période directement reliée à Michel de Nostredame est singulièrement brumeuse et incertaine du moins au niveau centurique.

Jacques Halbronn
Paris, le 21 juillet 2004

Observations de Theo Van Berkel

   J’ai fait une comparaison entre vos remarques sur le mot “recueil” dans la traduction francaise, BNF 8°Z 29042, et la traduction néerlandaise. Vos remarques se trouvent ci-dessous, en bleu :

   “On relèvera une particularité (p. 5) : l’auteur allemand de la brochure traduite en français écrit : “Mais sa célébrité, il la doit à son “Recueil des prédictions dit Centuries“ et ailleurs (p. 3) “Ces lignes curieuses en vers se trouvent au commencement d’un livre dont la première partie parut à Lyon en 1555 sous le titre “Recueil de prédictions dit “Centuries” On ignore d’où l’auteur tient un tel intitulé comportant le mot “recueil”.”

   En néerlandais, le mot “recueil” est traduit avec “verzameling” ou “collectie”.

   A la page 1 de la traduction néerlandaise (le contenu pareil avec la page 3 du BNF 8oZ 29042), on ne trouve pas le titre “verzameling van voorspellingen, genaamd Centuriën” (la traduction de “Recueil des prédictions dit Centuries”), mais le titre “Centuriën en Profetieën” (Centuries et Prophéties), avec une note en bas de la page, numéroté 1, dans laquelle il est expliqué que les Centuries sont des séries de cent quatrains. Je me demande s’il y a une telle note en bas de la page à la page 3 du BNF 8oZ 29042.

   A la page 3 de la traduction néerlandaise (le contenu pareil avec la page 5 du BNF 8oZ 29042), on peut lire le même titre “Centuriën en Profetieën”.82

   Dans les deux cas dans la traduction néerlandaise, c’est le mot “verzameling” (recueil) qui manque et le mot “Profetieën” (Prophéties) qui est présent. Je suis me demande si l’auteur allemand a utilisé une expression comme par exemple Eine Sammlung Vorhersagungen (ou Prophezeiungen), genannt Centuriën ; (la traduction allemand de “Recueil des prédictions dit Centuries”) dans la version, numérotée 16o Z 3057.

   Je ne sais pas si vous avez vu le commentaire sur le quatrain IX-83 (Sol vingt Taurus... etc). Ce quatrain était lié au 10 Mai 1940, le jour de l’attaque allemand contre la France. Selon le calendrier Grégorien, environ 10-11 mai, le soleil se trouve au 20e degré du Taureau. Un tel rapport n’était pas signalé par Leoni (1982, p.732). Laquelle était la source de cet allemand ? Ou est-ce qu’il faut penser que ce livret est écrit par K.E. Krafft ?

   Tout compte fait, on a un livret, paru en Allemagne, France et Hollande. Dans la plupart des descriptions sur Nostradamus et la Seconde Guerre Mondiale, il est question d’un appareil de propagande allemand, adressé aux pays occupés. Question : pourquoi a-t-on fait un tel livret en allemand ? Pour convaincre les Suisses ? Ou pour convaincre les allemands que la victoire nazie serait inévitable ?

   Finalement, la connaissance sur la propagande nazie n’a pas une telle importance, mais 1/ je m’intéresse à la Seconde Guerre Mondiale, et 2/ à cause de mon étude sur la traduction-Vreede-1941 et son contexte.

Réponse de J. H. :

    Merci de m’avoir fait parvenir la photocopie de De Vorspellingen van Nostradamus, Brochures ter Informatie N°18: Europa-Uitgeverij 1941, laquelle concerne aussi bien les Pays Bas que la Belgique d’expression flamande, deux pays occupés par les nazis. On notera que l’édition allemande est datée de 1940 alors que l’édition flamande l’est de 1941. On ignore la date d’édition pour la version française étant donné que la date y est malencontreusement recouverte d’un tampon. Une chose est claire : il s’agit bel et bien de toute une série de brochures, l’édition allemande en fournissant une liste de 29 titres, dont il est indiqué qu’il y aura une suite. Dans les trois langues, on a l’indication qu’il s’agit de la brochure n° 18, si bien que la brochure Nostradamus n’est qu’une parmi d’autres.

   La forme “recueil” semble être le fait du zèle du traducteur français à moins, ce qui semble improbable, que l’original de l’étude n’ait été en français puis traduit en allemand et d’allemand en flamand. Dans la version allemande, on ne trouve en effet que Hundertschaften und Centurien et dans la version flamande “Centuriën en Profetieën”, formule plus conforme à l’original allemand. Il serait intéressant de savoir si le texte a été traduit encore en d’autres langues. En tout cas, l’existence d’une version allemande visait-il la population de l’Allemagne, elle-même ou bien celle, par exemple, de l’Autriche récemment annexée, sans parler des Sudètes ? Par ailleurs, il conviendrait de vérifier si les quatrains cités sont authentiques ou traduits de façon orientée. Le fait est que dans les versions en langue germanique, on ne trouve pas les quatrains en français. Quant à la version française, il semblerait que les quatrains soient traduits de l’allemand et non fondés sur une édition existante des Centuries comme on peut le voir (p. 5) pour les quatrains 1 et 2 de la première centurie :

“Lui-même en fait la description aux premiers vers des “Centuries” :
La nuit me trouve accessible aux choses secrètes
Dans la silencieuse solitude assis sur mon trône de visionnaire
La petite flamme perdue me fait espérer
Que ma foi obtiendra la juste récompense.

Lorsque je prends le contact de l’onde de la bordure de mon babillement et dans les pieds
J’entends une voix et je pâli
(sic)
Lumière céleste ! Voici le divin !

   Il s’agit bien de la traduction de la p. 4 de la version allemande et non pas d’une contrefaçon en soi, ce qui constitue un des rares cas d’un quatrain traduit en français à partir d’une autre langue, ce qui rappelons-le était la thèse de Piobb selon lequel les quatrains étaient traduits du latin. On notera que la version allemande est rimée alors que la version française ne l’est même pas ! La faute d’orthographe “je pâli” au lieu de “je pâlis” pourrait d’ailleurs laisser entendre que le traducteur ne maîtrisait pas parfaitement la langue française. Il semble que Theo Van Berkel se propose de fournir prochainement une étude plus complète de ce dossier trilingue, pièce importante jusque là restée méconnue de la production nostradamique au cours de la Seconde Guerre Mondiale et que ,nous avons retrouvée, du moins pour les versions française et allemande, grâce au catalogue informatisé de la BNF.

Jacques Halbronn
Paris, le 30 juillet 2004

Annexe

Le fonds français Nostradamus XXe siècle de la Bibliotheca Astrologica

   Cette recension ne concerne pas les microfilms, les photocopies, ni les articles de revue, sauf s’ils sont repris au sein d’un ouvrage.

I - Années 1910-1944

- P. V. Piobb, Le Secret de Nostradamus et de ses célèbres prophéties du XVIe siècle, Paris, Adyar, 1927.
- Antoine Chollier, Les Prophéties de Maistre Michel Nostradamus, Grenoble, 1940.
- Dom Nécroman, 1927-1999 Comment lire les Prophéties de Nostradamus, Paris, Maurice d’Hartoy, 1933.
- P. Edouard, Texte original et complet des Prophéties de Michel Nostradamus, de 1600 à l’An 2000, Deuxième édition, Paris, Les Belles Editions, 1939.
- Jacques Boullenger, Nostradamus, Paris, Ed. Excelsior, 1933.
- Georges Anquetil, L’Anti-Nostradamus ou Vrais et faux Prophètes, Paris, Les Ed. De la Maison des Ecrivains, 1940.
- Jean Mouret et Paul Louvet, La vie de Nostradamus, Paris, Gallimard, 1930.
- Maurice Privat, La fin de notre siècle et la vie du futur Grand Monarque d’après Nostradamus, Paris, Floury, 1939.
- Spica, Capella, La clé des Prédictions Nostradamiques, Bruxelles, Ed. des “Soirées Astrologiques”, 1941.
- E. M. Ruir, Le grand Carnage d’après les prophéties de “Nostradamus” de 1938 à 1947, Paris, Ed. Médicis, 1938.

II - Années 1945-1982

- Jean de Kerdeland, De Nostradamus à Cagliostro, Paris, Ed. Self, 1945.
- Serge Hutin, Les prophéties de Nostradamus, Paris, P. Belfond, 1972.
- Mireille Corvaja, Les prophéties de Nostradamus, trad. de l’italien, Paris, Ed. De Vecchi, 1975.
- M. Alliaume, Magnus Rex de Nostradamus et son drapeau, Chartres, M. Alliaume, 1948
- Georges Madeleine, La prochaine guerre mondiale vue par Nostradamus, Toulon, Ed. Provencia, 1952.
- Edgar Leroy, Nostradamus, ses origines, sa vie, son oeuvre, Bergerac, 1972 (réédition Jeanne Laffitte, 1993).
- Em. Ruir, Nostradamus. Ses Prophéties. 1948-2023, Paris, Ed. Médicis, 1947.
- Pierre Lamotte, De Gaulle révélé par Nostradamus il y a quatre siècles, Paris, Ed. Du Scorpion, 1961.
- Serge Hutin, Intr. à Anatole Le Pelletier, Les Oracles de Michel de Nostredame, Paris, Jean de Bonnot, 1976.
- Jean-Charles de Fontbrune, Nostradamus, historien et Prophète, Ses prophéties de 1555 à l’an 2000, Monaco, Ed. Du Rocher, 1980.
- Elisabeth Bellecour, Nostradamus trahi, suivi du texte original et complet des dix Centuries, édition de 1605, Paris, R. Laffont, 1981.
- Guy Béatrice, Des Mages alchimistes à Nostradamus, Paris, G. Trédaniel, 1982.
- Jean Robin, Réponse de Nostradamus à M. De Fontbrune, Paris, Guy Trédaniel, 1981.
- Nostradamus, Les vraies Centuries et Prophéties, Nice, Belisane, Postface de G. Tappa,1981.
- Pierre Rollet, Interprétation des Hiéroglyphes d’Horapollo, 1968, Reed. Raphèle Arles, Marcel Petit, 1993.

III Années 1982-2000

- Jean Dupébe, trad. et intr. M. Nostradamus, Lettres Inédites, Genève, Droz, 1983.
- Chomarat et J. P. Laroche, Bibliographie Nostradamus, Baden-Baden, V. Koerner, 1989.
- Pierre Brind’amour, Les premières Centuries ou Prophéties. (édition Macé Bonhomme de 1555. Edition et commentaire de l’Epître à César et des 353 premiers quatrains, Genéve, Droz, 1996.
- Robert Benazra, Répertoire Chronologique Nostradamique, Paris, Ed. La Grande Conjonction - Guy Trédaniel, 1990.
- Roger Prevost, Nostradamus, le mythe et la réalité. Un historien au temps des astrologues, Paris, R. Laffont, 1999.
- Bernard Chevignard, Présages de Nostradamus, Présages en vers 1555-1567, Présages en prose 1550-1559, Paris; Ed. Seuil, 1999.
- Daniel Ruzo, Le Testament de Nostradamus, Monaco, Ed. Du Rocher, 1982.
- Maurice Poulin, Nostradamus enfin décodé ! Le Grand Monarque, messager du Verseau, Verdun, Québec, 1985.
- Jean-Marc Allemand, Nostradamus et les tréteaux de l’Antéchrist, Paris, G. Trédaniel, 1993.
- Camille Bartoli, Lire Nostradamus autrement, Spéracéde, ed. Tac Motifs, 1996.
- Etienne Mezo, Ainsi parlait Nostradamus, Paris, Ed. Du Rocher, 1995.
- Marie Martin, Nostradamus. Le prophète de la Renaissance, Paris, Jacques Granger, 1998.
- Marc Finn, Nostradamus, prophéties datées 1999-2000, Paris, Ed. Du Rocher, 1999.
- Serge Hutin, Nostradamus et l’alchimie, Paris, Ed. Du Rocher, 1988.
- Philippe Guilhaume, Nostradamus, l’exploitation séculaire d’un fonds de commerce, Monte Carlo, RMC Ed., 1987.
- Louis Schlosser, La vie de Nostradamus, Paris, P. Belfond, 1985.
- V. J. Hewitt & P. Lorie, Nostradamus. Prédictions pour la fin du millénaire, Paris, Solar, 1992.
- Michel Chomarat et Jean-Paul Laroche, Bibliographie Nostradamus, XVIe-XVIIe-VIIIe siècles, Baden-Baden, Ed. V. Koerner, 1989.
- Robert Benazra, Répertoire Chronologique Nostradamique, Préface de Jean Céard, Paris, La Grande Conjonction-Trédaniel, 1990.
- Richard Balducci, La vie fabuleuse de Nostradamus, Paris, Filipacchi, 1991.
- Michel Morin, Nostradamus et la fin de notre siècle, Montréal, Ed. Quebecor, 1984.
- Basile Ladis, Nostradamus et l’an 1999 ou le 4 mai 2000, Bruxelles, Ed. Voir Autrement, 2000.
- Michel Nostradamus, Les Prophéties, Lyon, 1557, reprint, Intr. R. Benazra, Lyon, Ed. M. Chomarat, 1993.
- Michel Nostradamus, Les Prophéties (Lyon, 1555) , reprint, Intr. R. Benazra, Lyon, Les Amis de Michel Nostradamus, 1984.
- Michel Nostradamus, Les Prophéties, Lyon 1568, reprint, Intr. M. Chomarat, Lyon, Ed. M. Chomarat, 2000.
- Michel Dufresne, Dictionnaire Nostradamus. Définitions, fréquence et contextes des six mille mots contenus dans les Centuries (édition 1605) de Nostradamus, Ottawa, JCL, 1989.
- Nostradamus ou le Savoir transmis, Lyon, Ed. Chomarat, 1997.
- Nostradamus, traducteur traduit, éd. Martine Bracops, Bruxelles, Ed. du hasard, 2000.

Notes

1 Cf. “Les variations d’impact des “comètes” en France. Etude bibliographique (fin XVe-fin XVIIIe siècles” in La Comète de Halley et l’influence sociale et politique des astres, Bayeux, 1991. Retour

2 Cf. RCN, pp. 633 et seq. Retour

3 Sur l’iconographie nostradamique, voir notamment le travail (sur le Site du CURA.free.fr) réalisé par P. Guinard, à partir des collections de reproductions de la Bibliotheca Astrologica. Retour

4 Cf. Secret, p. 26. Retour

5 In Notre histoire racontée à l’avance par Nostradamus; Interprétation de la Lettre à Henri II, des Centuries et des Présages pour les faits accomplis depuis l’année 1555 jusqu’à nos jours, Paris, A. Leclerc. Retour

6 Cf. J. P. Laroche, Prophéties pour temps de crise. Interprétation de Nostradamus au fil des siècles, Mémoire Active, 2003, pp. 91 et seq. Retour

7 Cf. notre ouvrage Le sionisme et ses avatars au tournant du XXe siècle, Feyzin, Ed. Ramkat, 2002. Retour

8 Cf. RCN, pp. 454 et seq. Retour

9 Cf. par exemple l’horoscope de Paris, in Le Secret de Nostradamus, Paris, Adyar, 1927, pp. 134 et seq. Retour

10 Cf. Secret de Nostradamus, p. 24. Retour

11 Cf. RCN, p. 482. Retour

12 Cf. nos études sur les travaux de Barbault, sur Encyclopaedia Hermetica, rubrique Astrologica. Retour

13 Cf. RCN, p. 477. Retour

14 Cf. RCN, pp. 484-485. Retour

15 Cf. ainsi l’étude de Piobb, Secret de Nostradamus, Paris, 1927, pp. 12 et seq. et Le sort de l’Europe, op. cit., p. 222. Retour

16 Cf. la reproduction des variantes du dit frontispice, in RCN, p. 659, vignettes A 389-392. Retour

17 Cf. notre catalogue d’exposition à la BNF, Astrologie et Prophétie, Merveilles sans images. L’appareil iconographique dans la littérature divinatoire française au seizième siècle, Paris Bibliothèque Nationale. Retour

18 Cf. la thèse pour le doctorat en médecine de Georges Neyrial, La vraie vie de Michel de Notre-Dame Astrophile et Médecin du Roy, Toulouse, 1951, p. 55. Retour

19 Cf. RCN, p. 468. Retour

20 Cf. RCN, pp. 480 et 484-485. Retour

21 Cf. RCN, pp. 464 et 468-470. Retour

22 In Le Sort de l’Europe etc., pp. 233-234, texte repris dans la réédition chez le même Dangles du Secret, pp. 173-174. Retour

23 Cf. RCN, pp. 488-490. Retour

24 Cf. RCN, p. 517. Retour

25 Cf. A. Chollier, Les Prophéties de Maistre Michel Nostradamus, Grenoble, p. 15. Retour

26 Cf. J. Boulenger, Nostradamus, Paris, p. 109. Retour

27 Cf. Texte original et complet des Prophéties de Michel Nostradamus de 1600 à l’an 2000, Paris, Les Belles Editions, p. 5. Retour

28 Cf. Nostradamus, op. cit., pp. 78 et seq. Retour

29 Cf. La Vie de Nostradamus, Paris, Gallimard, p. 174. Retour

30 Cf. Nostradamus. Ses prophéties (Paris, Perrin, pp. 69 et seq. Retour

31 Cf. Le sionisme et ses avatars au tournant du XXe siècle, Feyzin, Ed. Ramkat, 2002. Retour

32 Cf. un texte qui émanerait des milieux catholiques, L. Cristiani, Nostradamus, Malachie et Cie, Paris, Le Centurion, 1955, p. 110. Voir RCN, p. 517. Retour

33 Cf. notre Vie astrologique années Trente Cinquante, op. cit. Retour

34 Cf. “Commentaires détaillés sur les Prophéties de Nostradamus se rapportant aux principaux événements historiques depuis Henri II”, pp. 13 et seq. Retour

35 Cf. B. Chevignard, Présages de Nostradamus, Paris, Seuil, 1999, pp. 50 et seq. Et R. Normand, “L’abbé Rigaux Curé d’Argoeuvres interprète de Nostradamus” (conférence faite aux Rosati Picards le 3 novembre 1928). Sur Rigaux, voir RCN, p. 445. Retour

36 Cf. Les Oeuvres Nouvelles, New York, Editions de la Maison de France, pp. 190 et seq. Retour

37 Cf. Les Prophéties de Maistre Michel Nostradamus, Grenoble, 1940, pp. 16-17. Retour

38 Cf. RCN, pp. 491 et seq. et Prophéties pour temps de crise, op. cit., pp. 98-99. Retour

39 Cf. La vie astrologique, années Trente-Cinquante, Paris, Ed. Trédaniel, 1995. Retour

40 Cf. notre article “les Centuries comme pseudo-recueil de prophéties”, Espace Nostradamus. Retour

41 Cf. RCN, pp. 502-503. Retour

42 Cf. notamment, pp. 121 et seq. Retour

43 Cf. Prophéties pour temps de crise, op. cit., pp. 112-113. Retour

44 Cf. RCN, p. 506. Retour

45 Cf. RCN, p. 456. Retour

46 Cf. RCN, p. 509. Retour

47 Cf. RCN, pp. 509-510. Retour

48 Cf. “La légende de Nostradamus et sa vie réelle”, Revue du XVIe siècle, t. X, 1923. Voir RCN, p. 463. Retour

49 Cf. Prophéties pour temps de crise, op. cit., pp. 110-111. Retour

50 Cf. RCN, p. 541. Retour

51 Cf. RCN, pp. 535-537. Retour

52 Cf. RCN, p. 547. Retour

53 Cf. Prophéties en temps de crise, op. cit., pp. 119 et seq. Retour

54 Cf. RCN, pp. 578 et seq. Retour

55 Cf. RCN, pp. 557-559. Retour

56 Cf. RCN, p. 576. Retour

57 Cf. RCN, pp. 72 et seq. Retour

58 Cf. RCN, pp. 586 et seq. Retour

59 Cf. “Astrological anomalies in Almanachs, Prognostications and correspondence”, sur Espace Nostradamus. Retour

60 Cf. RCN, pp. 526 et seq. Retour

61 Cf. RCN, pp. 595-596. Retour

62 Cf. aussi P. Brind’amour, Ed Nostradamus, Les premières Centuries ou Prophéties, Genève, 1996, pp. LX et seq. Retour

63 Cf. RCN, pp. 594, 601, 608, 621. Retour

64 Cf. RCN, p. 610. Retour

65 Cf. S. Hutin, Nostradamus et l’alchimie, Paris, Belfond, 1988, p. 16 et R. Amadou, L’Astrologie de Nostradamus, dossier, Poissy, Ed. ARRC, 1992, p. 5. Retour

66 Cf. RCN, pp. 631-632. Retour

67 Cf. RCN, pp. 613 et seq. Retour

68 Cf. RCN, pp. 626-627. Retour

69 Cf. nos études sur cet auteur, rubrique Astrologica, Encyclopaedia Hermetica en ligne. Retour

70 Cf. RCN, p. 560. Retour

71 Cf. son édition avec Anne Barbault, sa fille, des Centuries et autres Prophéties de Nostradamus, Paris, Le Club du Livre. Retour

72 Cf. ses études sur Espace Nostradamus et sur CURA. Free.fr. Retour

73 Cf. RCN, p. 630. Retour

74 Cf. Nostradamus en clair, Paris, R. Laffont, 1970, p. 47. Retour

75 Cf. notre étude “L’astrologie sous Cromwell et Mazarin”, in Colloque Astrologie et Pouvoir, Politica Hermetica, 17, 2003. Retour

76 Cf. The Prophecies or Prognostications of Michael Nostradamus, Londres, p. 82. Retour

77 Cf. Nostradamus, New York, 1961, rééd 1982. Retour

78 Cf. “Nostradamus in English, traduit or trahi ?”, in Nostradamus traducteur traduit, éd. Martine Bracops, Bruxelles, Les Ed. Du hasard, 2000, pp. 141 et seq. Retour

79 Cf. notre étude “L’Epitre à Henri II et la mort du Roi”, Espace Nostradamus. Retour

80 Cf. RCN, p. 557. Retour

81 Cf. “ Des fluctuations de la masse centurique ”, Espace Nostradamus. Retour

82 Cf. la traduction française à la page 5 du BNF 8°Z 29042. Retour



 

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