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ANALYSE

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Le vieillissement du nostradamisme anglo-saxon

par Jacques Halbronn

    Comment les anglo-saxons abordent-ils le phénomène Nostradamus ? Si l’on considère les films traitant de Nostradamus, il est évident que la priorité est donnée au double assassinat de Lincoln et de Kennedy, à la victoire sur Napoléon et sur Hitler. En ce qui concerne les publications relatives à Nostradamus, même celles qui se veulent sérieuses ne se privent pas de comporter des prédictions, y compris dans la Nostradamus Encyclopaedia de Peter Lemesurier. Nous complèterons par un texte en anglais concernant nos positions sur Nostradamus.

   Sommaire :

1 - Le mode encyclopédique appliqué au phénomène Nostradamus
2 - Nostradamus au cinéma
3 - Projet d’article “Nostradamus” en anglais


1

Le mode encyclopédique
appliqué au phénomène Nostradamus

    Peut-on faire le point sur le phénomène Nostradamus à coup de notices ? Exercice pour le moins périlleux quand on sait combien la recherche nostradamologique actuelle met fin à un certain nombre de pseudo-évidences et certitudes. Selon nous, chaque notice devrait pour le moins faire état d’un certain nombre de questionnements et surtout ne pas forcer les conclusions, étant bien entendu que le doute n’est pas en soi conclusif. En 1997, le nostradamologue britannique Peter Lemesurier (né en 1936) publia The Nostradamus Encyclopaedia (New York, Saint Martin’s Press), ensemble foisonnant - non traduit en français - qui comporte des informations utiles, des affirmations hâtives et des prédictions probablement déplacées. Au final, un travail qui aura beaucoup et prématurément vieilli.

   La partie la plus intéressante s’intitule “Gazetteer and Who’s who”, elle rassemble, sur une vingtaine de pages très denses, à la fois des contemporains de Nostradamus, des chercheurs actuels et de brèves notices sur certains aspects du canon centurique. Cela pourrait servir de base à un projet encyclopédique mieux contrôlé. Nous-même, nous avons publié à plusieurs reprises des guides astrologiques permettant au lecteur de se mettre au courant des différentes facettes de la vie astrologique. L’inconvénient du procédé est celui d’une présentation un peu éclatée mais cela peut être compensé par un système de renvois (hypertexte).

   Quelques réflexions à propos de ce “gazetier” alphabétique qui mériterait d’être traduit. Michel Chomarat y est à l’honneur, on y trouve sa photo, une notice “Bibliographie Nostradamus” et une autre “Chomarat, Michel”. On nous précise que “His active cooperation has been vital to the present encyclopaedia”.

   De nombreuses entrées sont consacrées aux libraires ayant publié ou supposés avoir publié des textes nostradamiques. C’est ainsi que Macé Bonhomme est carrément présenté comme celui qui a “published the first edition if the Propheties on May 4th, 1555”. Et même style pour Antoine du Rosne pour “the second edition of Nostradamus’s Propheties”. Voilà donc de fausses éditions antidatées consacrées par une présentation encyclopédique ! D’autres entrées sont du même acabit :

   “Préface à César” : “Dedicatory Letter to his infant son, César, prefaced by Nostradamus to the first edition of his Prophecies”

“Lettre à Henry Roy de France second“ : “Dedicatory Letter to Henri II prefaced by Nostradamus to the third edition of his Propheties”.

   Sous un aspect factuel sur le plan des données événementielles, on en profite, non sans une certaine ingénuité, pour faire accepter au lecteur des données bibliographiques douteuses et sans le mettre le moins du monde en garde. C’est ce mélange des genres qui fait sérieusement problème et risque fort de berner le public non prévenu. Le procédé est le même en ce qui concerne la Table of events 1500-70 (pp. 12-23) où s’entremêlent chronologiquement batailles et éditions des Centuries, comme s’il y avait le même degré de certitude.

   Présentation quelque peu pernicieuse qui associe, sur un même pied, ce qui est assuré par les historiens du XVIe siècle et ce qui l’est pas des chercheurs sans grande envergure critique, ne se privant pas, par ailleurs, de faire des déclarations tapageuses sur ce que “Nostradamus” annonce pour les prochaines décennies !

   La notice “Crocodil(les)” (dans le Gazetteer and Who’s who) est assez extraordinaire dans le genre :

   “Symbolic terme frequently applied in the Sixains to future (presumably Muslim) invaders of Europe, from North Africa etc.”

   Nous ne demandons pas à Lemesurier de savoir qu’il existe une clef des Sixains1 laquelle propose pour “cocodril (sic)” “Traistres François”, de là à nous parler d’une prochaine invasion de l’Europe, le “presumably” ne concernant que son origine, musulmane.

   Un autre mélange assez vicieux nous semble être cette façon qu’a P. Lemesurier de replacer dans l’avenir des événements du passé et qui plus est en se servant pour ce faire de l’astrologie2 ce qui nous amène à penser que le mélange astrologie/prophéties est un des pires qui soient dans la mesure où il confère au contingent, à l’événement ponctuel, un caractère de nécessité, de cyclicité. Nous ne pensons pas qu’il faille ainsi aborder les Prophéties - on ne parle pas ici des épîtres qui ont une autre origine et leur servent de garant astrologique - lesquelles prophéties sont censées annoncer des événements n’ayant lieu qu’une seule fois. A ne pas comprendre que les Prophéties sont supposées comporter des textes d’une très haute antiquité et annoncer des événements déjà bien connus au milieu du XVIe siècle, à vouloir faire de Nostradamus l’auteur de textes qui traitent exclusivement de ce qui n’est pas encore advenu, on en arrive à charger inconsidérément l’avenir de l’Humanité de catastrophes passées. L’astrologie n’a pas vocation à annoncer le retour des désastres mais bien à décrire des situations revenant régulièrement et qui ne sont jamais en soi négatives. D’ailleurs, une même configuration astrale peut avoir des effets positifs en tel endroit et des effets négatifs en tel autre, sans qu’il faille chercher une explication astrologique pour expliquer ces différences de résultats.

   Nous l’avons dit, l’Encyclopédie Nostradamus n’est pas exempte de certaines prophéties non accomplies pour le futur, notamment à propos d’une menace islamique (cf. supra) mais aussi à propos d’une restauration de la monarchie en France :

   “Henri V : Future (sic) leader and savior of France foreshadowed by Nostradamus under the name Chyren.”
“Chyren : The name is usually assumed to be an anagram of Henryc(us) which would make him the future Henry V so long expected by French royalists. (it) would seem to rule out the inevitable recent claims on behalf of Jacques Chirac.”

   Avant de nous parler de la prochaine restauration de la monarchie en France, il serait peut-être souhaitable d’étudier ce que Chyren peut avoir signifié aux XVIe et XVIIe siècles. On notera cette fuite en avant consistant à relancer systématiquement les prophéties, même accomplies, pour un futur encore à venir.

   Il semble que les nostradamologues français - ce terme n’englobant d’ailleurs pas les commentateurs des Centuries sinon d’un point de vue critique - soient plus sur la réserve - d’où le fait qu’ils se démarquent par rapport à un Fontbrune qui a sa notice dans le même Who’s who de Lemesurier que Chomarat - du moins ceux qui se targuent de travaux de recherche au niveau universitaire. Outre Manche, le clivage est visiblement moins marqué - et cela est vrai aussi pour l’Astrologie, si on prend le cas d’un Nicholas Campion - que les historiens ne se donnent pas de limites à ce niveau ou que les praticiens fassent l’effort de posséder un certain bagage bibliographique. Les nostradamologues anglo-saxons, plus engagés dans une démarche prospective, semblent donc presque toujours admettre que les Centuries sont vraiment prophétiques et qu’elles continuent à l’être pour demain alors que les français semblent avoir renoncé, du moins certains d’entre eux, à soutenir ce point de vue, s’étant aperçu qu’il était à double tranchant et pouvait déboucher sur une présomption d’imposture, du moins pour les cinquante ans qui suivent la fameuse date de 1555. Car la vraie question est la suivante : à partir de quelle année, n’y a-t-il plus risque d’imposture ? Question que l’on se doit de poser aux bibliographes et, de nos jours, en tout cas en Europe continentale, ils sont devenus un peu plus prudents, du moins officieusement sinon officiellement.

   La seule notice de Lemesurier qui aurait pu faire dresser l’oreille à un lecteur un peu attentif est celle qu’il consacre, toujours dans son Gazetteer and Who’s who, aux Rigaud :

   “Rigaud, Benoist : Lyon publisher (...) of the complete (sic) editions of the Propheties published in 1568 and &1594-6.”
“Rigaud, Pierre : Son of Benoist Rigaud. He (...) published a series of editions of the Propheties dated 1566 (actually a reprint of his father’s 1568 edition) (...) as well as an edition of his own in 1604.”

   Où Lemesurier est-il allé chercher que c’est Pierre Rigaud qui a publié des éditions datées de 1566 ? Ce n’est quand même pas parce que des éditions sont parues sous son nom qu’il en est responsable. En lisant Chomarat, Lemesurier n’a-t-il pas compris que ces éditions “1566” datent du XVIIIe siècle ? Comment Lemesurier peut-il parler d’une édition “complète” de 1568 alors que celle-ci ne comporte pas les Sixains ni les Présages ? La formule laisse à désirer, sans entrer dans le débat sur les textes vrais ou faux, d’autant que (p. 182) Lemesurier décrivant “The major prophecies” cite les Présages et les Sixains !

   On notera que Lemesurier n’a pas abordé le cas Garencières avec beaucoup d’attention, cette édition datant de 1672 étant largement reproduite dans les films consacrés à Nostradamus (cf. infra). Il ne remarque pas notamment que la version de Garencières de la Préface à César est sensiblement différente des éditions françaises connues et que par certains côtés elle est plus satisfaisante.

   En ce qui concerne Henri II, Lemesurier accrédite évidemment le fait que le quatrain I, 35 est antérieur à la mort du roi, en 1559, tout en émettant des réserves (“apparently”, “seemingly”) sur son interprétation.

   Signalons une présentation intéressante des fonds Nostradamus des différentes bibliothèques, classées par ordre alphabétique des villes (“Surviving copies of early editions”) ainsi qu’un Nostradamus Dictionary of unusual terms found in the Propheties (pp. 274-282).

   Sept ans seulement que cette Nostradamus Encyclopaedia est parue et il n’y a presque plus rien à en sauver, tout est à réécrire. Il est vrai que Lemesurier ne nous fournit pas un travail de première main en ce qui concerne la formation des Centuries ni de témoignage quant à leur publication, si ce n’est qu’il note que les Prophéties ne figurent pas à l’Index des ouvrages prohibés des années 1550, ce qui viendrait plutôt confirmer que celles-ci n’étaient pas alors encore parues.

   Un tel travail encyclopédique exige de trouver le ton juste, ce qui implique d’éviter toute conclusion hâtive, notamment quant à ce qui revient réellement à Nostradamus. Il serait en tout cas préférable de mettre en chantier une “Encyclopédie de la recherche nostradamologique” qui ne dissimule aucun questionnement, ce qui est le contraire de la vulgarisation mais s’il est un domaine non vulgarisable présentement, c’est bien celui de la nostradamique.

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2

Nostradamus au cinéma

    Depuis 1997, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts du nostradamisme, tant sur le plan de la recherche que des déconvenues prévisionnelles telles qu’elles se manifestèrent notamment au travers d’un certain nombre de films, tel ce Nostradamus 1999, de Robert Guenette dont le narrateur n’était autre qu’Orson Welles ou cet autre, reprenant une grande partie des mêmes documents, centré sur la nostradamologue américaine juive Erika Cheetham et que l’on peut consulter au département audiovisuel de la BNF, en version française (VKR 3680 et VK 10028). Peter Lemesurier fournit une liste de vidéos consacrées à Nostradamus.3 Notons cependant que le Nostradamus 1999 - 1999 n’étant nullement la date de sortie du film - reconnaît une dette à l’égard de Jean-Charles de Fontbrune.

   Production du début des années 80, c’était le temps des attentes du retour de la comète de Halley et de l’éclipse à venir de 1999 avec à l’arrière-plan le spectre de la prochaine Troisième Guerre Mondiale et pour troisième Antéchrist (après Napoléon et Hitler) un Prince Arabe. C’était avant l’effondrement du bloc soviétique et la fin du communisme russe par ailleurs annoncée par un Vlaicu Ionescu.4 On notera que ces deux films américains s’attardent sur les révolutions de la fin du XVIIIe siècle mais ne mentionnent pas l’exécution de Charles Ier d’Angleterre en 1649, qui défraya tant la chronique nostradamique à l’époque. Quant à faire de Napoléon le premier Antéchrist, ne faut-il pas y voir le point de vue britannique qui considère toute rupture d’équilibre en Europe continentale comme un mal ?

   Il y a bel et bien une fixation sur le Moyen Orient dans l’exégèse nostradamique de la fin du XIXe siècle telle qu’elle se manifeste au cinéma. Il est vrai que les Centuries comportent nombre de quatrains sur ce thème mais il nous semble que cela correspond avant tout aux préoccupations des années 1570, qui virent d’ailleurs la victoire navale de Lépante contre les Turcs à moins qu’il ne s’agisse du récit de la montée de l’Islam au VIIe siècle et qui aurait été annoncés par certains textes anciens présentés sous forme de quatrains dans les Centuries puisque selon nous au départ les Prophéties font le bilan du prophétisme des précédents siècles.5

   Les deux films qui se recoupent largement nous annoncent que Satan sera enchaîné pendant mille ans mais il s’agit là d’un thème récurrent qu’on a mis à toutes les sauces et situé à diverses époques, dans le passé comme dans le futur.

   Reconnaissons que le cinéma comme l’encyclopédie ont l’un et l’autre une force suggestive certaine qui font oublier que l’Histoire reste sujette à conjectures et que toute reconstitution est fondée sur un tissu d’hypothèses. C’est ainsi que la date de 1555 est constamment rappelée comme la date de parution de tout l’ensemble centurique. La présentation de la Maison Nostradamus, à Salon de Provence - sorte de Musée Grévin avec ses personnages en cire - n’échappe nullement à cette règle et impose subrepticement une certaine lecture du phénomène Nostradamus à laquelle nous ne souscrivons pas en bien des points.

   Voir ces films de nos jours donne l’impression d’un nostradamisme vieilli qui a joué à quitte ou double. A force d’être méprisé, les prophètes de toutes sortes ont voulu faire le pari des pires catastrophes pour qu’on les prenne enfin au sérieux, on pourrait en effet parler d’une sorte de conspiration préparant, conditionnant, les hommes au pire. Force est de constater que ces alertes déclenchées au nom de Nostradamus n’ont pas été vérifiées - heureusement - par les faits. Il est vrai que bien des paramètres jouaient dans le même sens : proximité de l’An 2000 avec l’idée de fin du monde, des Temps, Ere du Verseau, Comète de Halley, quatrain pour 1999, concentrations planétaires chères à l’astrologue André Barbault, sans parler des nostradamologues patentés du genre Lemesurier : tout convergeait à partir il est vrai d’éléments bien disparates. Le fait que la Russie ait renoncé, à la fin des années 80, grâce à la dynamique européenne, à l’Ouest, à ses rêves de grandeur aura fait s’écrouler tous ces plans apocalyptiques, même si le monde arabe, pour sa part, est loin d’être vacciné contre la fièvre messianique. Certes, le prophétisme renaît-il toujours comme le phénix et bientôt, n’en doutons pas, de nouvelles échéances seront mises en avant ; déjà on nous parle des graves périls de la première décennie du XXIe siècle, avec l’entrée de l’étoile fixe Régulus dans le signe tropique de la Vierge, ce qui est une variante de la théorie de la précession des équinoxes.

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3

Projet d’article “Nostradamus” en anglais

    Etant donné que nos thèses sont peu accessibles en anglais, en dehors d’un texte adressé à Theo Van Berkel (cf. sur Espace Nostradamus), nous reproduisons ci-dessous une notice inédite, que nous avons rédigée avec le concours d’Antoine Faivre, directeur d’études à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (EPHE, Ve section) encore que ce texte date déjà quelque peu sur divers points à commencer par notre analyse de Crespin dont nous ne pensons pas, désormais, qu’il emprunta aux Centuries mais qu’il serait l’auteur de textes rédigés dans un style nostradamique repris par la suite dans les Centuries.6

   Nostradamus, Michel de Nostredame, said, born 1503 in St Rémy de Provence-1566 in Salon de Provence, of jewish origin, although his family converted. Studies in medecine and astrology. In the 1550 and 1560s, he was mainly known as an author of almanachs, each year including 12 quatrains, one by month and often one for the whole year.

   Those verses are generally more authentic than those, more famous, of the Centuries, initially called Prophecies. Such Centuries, that is simply groups of Hundreds (in French Cent) of quatrains (units of 4 verses). Many of which were forged or written at a later period than the official time of their publication. As a matter of fact, only some of his almanachs were translated during his life time in italian and in english. One has to distinguish commentaries and translations of the Centuries, on one hand, and interpolations and imitations, on the other.

   The reason of the success of this prophetical text is not yet clearly known: is it an unexpected event which was announced - like the death of King Henry II - or was it because it was published as a political propaganda pamphlet in honour of the peace between France and Spain presented as if it had been prophesied ? In any case, Nostradamus was in contact with the French Court. It does not seem that Nostradamus has ever been really concerned by what was to happen later than the 1570s. The references to later periods are most probably additions by other authors.

   The Centuries have been commented throughout ages and connected with political events they were supposed to have forecast. For the substance of his “Prophecies”, Nostradamus used prophetical (like Richard Roussat’s work, le Livre de l’Estat et Mutation des temps, 1550) and non prophetical literature like travel or pilgrimage guides of his time and thus included a lot of names of places in his quatrains like the mention of Varennes, which will be commented after the French Revolution, in connection with Louis XVI.

   Nostradamus, being basically an astrologer, was probably convinced that history was cyclical and that planets where the keys to understand the future but he thought also, more plainly, that past history was significant for the future. Actually, it is to be noticed that in the jewish tradition, it is a custom to use old texts to explain new situations, for instance the exit from Egypt. Nostradamus tried to find in the past allusions to his time and that is why he is often called an historian but this historical activity did not exist as such but only in a prophetic purpose. But here again, he was mainly interested by his present time and the prophetic dimension, underlined by the original title itself, Prophecies, might have only been a pretext. It seems also that, at another level, some secret keys existed at a time to read the prophecies themselves, they have disappeared in the known editions but remain in some specific cases (like for the sixains, where for certains editions we have lists of names connected with a specific expression of the text). Only with such keys, most of them still wanting, can one understand and date certain verses as it seems to be often the case when there are mentions of gods and goddesses, wrongly studied as being of astronomical meaning, which is obviously not acceptable in the case of gods not existing as planets like Neptune, discovered in 1846. When the same words appear in a succession of verses, we have generally the sign that there is a key system operating.

   To describe the history of such a production is indeed no easy task and it belongs to nostradamic criticism - as there is a biblical criticism - to achieve it. There is, nowadays, a certain consensus to admit that the “sixains” (unit of six verses), although they appear in some 1568 editions, belong to the begining of the XVIIth century. One can divide the 10 centuries of quatrains into 3 groups : group A including centuries I, II, III and a part of the IVth. Group B including a part of IVth centuries V, VI and VI and group C centuries VIII, X and X. Group B is probably the latest and was unknown of Crespin, it belongs to the time of the Ligue. A fourth group, D, includes the sixains.

   Therefore, the name Nostradamus covers more than just the work of one man. Besides, a French astrologer, close to the last Valois Kings, Antoine Crespin, a few years after he died, took the name of Archidamus; he has left a strange prose cryptical compilation made exclusively out of verses from the quatrains of some Centuries known to him a few years after the death of Nostradamus and without mentioning its source. Such a secret and partial edition of the Centuries is probably the earliest which can be trusted precisely because it was not identified as such until very recently. In Crespin’s Prophéties dédiées à la puissance divine & à la nation française, Lyon, F. Arnoullet (1572), the problem is that there are Centuries (V, VI, VII) which have not at all been used for his purpose and one can wonder if those unused centuries did really exist at his time or if they belong to a still later period. This text, published after the death of Michel de Nostredame, can be considered as the oldest testimony as to the real content of the Centuries since all the ancient editions are now dubious, at least in their content. However such editions have existed in the fifties/sixties of the XVIth century but we only know them through late forgeries, some of the XVIIIth century ; forgeries are marked by certain anchronisms, which might seem as a paradox in the field of prophecy. The historian has to put limits to what can reasonably be announced years before the event or to the possible ambiguity of some expressions.

   During the time of the French League, a dynastic war as a result of the fact that the new king, Henri de Bourbon was reformed, appeared many editions of the “Prophecies” but most of them were, as it were, uncomplete, that is with unfinished Centuries, since a centurie is supposed to include 100 quatrains. It is in fact quite possible that a part of the quatrains did not appear before 1588 although they are included in editions with the date 1555 or 1557. Some were used and sometimes produced by catholics, others by Protestants who also adapted and transformed the Epistle to King Henri II, originally used to introduce Présages Merveilleux pour 1557, in behalf of their party. It seems that forgeries of the Centuries have been made mainly by using editions of others works of Nostradamus ; for instance, the two false Lyons 1557 editions already mentioned have used the cover representing a man at his desk, of the Paraphrase de Galien sur l’exortation de Menodote aux estudes des bonnes Arts, mesmement Médecine, published in this same year by the same author and by the same publisher.

   In any case, the first important commentary, Janus Gallicus, combining quatrains of almanachs and of Centuries by Jean Aimé de Chavigny, was published in 1594. His translation from french to latin is the first one ever occurred to another language than french.

   It is not before the middle of the XVIIth century that the nostradamic canon reach its final expression, including also quatrains of almanachs under the name of Presages. It is besides only then that we know translations of the Centuries in vernacular languages or foreign editions, specially in Holland.

   There is no complete critical edition available of the Prophecies. A biographical study is made difficult when it pretends to include the bibliographical aspect since so many doubts remain about the time and content of some major publications of this author and as to his motivations to achieve certain works.

   It is actually not easy to localise which quatrains had a real impact on the public because precisely they are as it were hidden among hundreds of verses which served originally purely as façade before later commentators tried to discover in each quatrain a key for the following centuries until our present time. That immediate and ponctual impact seeked by the first appearance of the Centuries might explain why there has probably been a lot fewer editions of the Centuries thant is generally believed, at the time of Michel de Nostredame. Later on, one has obliterated such a short term process to consider the work as being of a real prophetical nature, at the price of a more or less sophisticated exegesis and interpolation.

   Cet article est en effet déjà de l’histoire ancienne par rapport à l’état actuel de notre recherche. Il ne développe pas, notamment, la thèse des Centuries comme recueil d’anciennes - et modernes - prophéties. En fait, en conviendrait-il pas d’adopter à leur sujet le titre sous lequel parut le Mirabilis Liber, à savoir Recueil de prophéties et révélations tant anciennes que modernes, ouvrage, cher, au demeurant, à P. Lemesurier, d’ailleurs associé, chez les libraires troyens du XVIIe siècle, avec les Centuries ?7 C’est ce double caractère des Centuries qui explique, selon nous, que des événements bien antérieurs au temps de Nostradamus y soient annoncés. On sait que pour Lemesurier, ces événements antérieurs ne sont là que pour préfigurer des événements à venir : c’est là un contresens. Les événements à venir, dans les Centuries, sont précisément ceux qui n’ont pas encore eu lieu et c’est précisément en faisant la part des uns que l’on cernera les autres... mais ce qui était le futur au XVIe siècle n’est-il pas le passé pour le XXIe siècle ? Et ce n’est pas parce qu’une prophétie ne s’est pas réalisée en quatre siècles qu’elle devrait y parvenir dans l’avenir. Les Centuries, en tout état de cause, sont un phénomène qui dès son origine n’était pas centré sur le seul Michel de Nostredame, non seulement parce qu’elles comportaient des prophéties “anciennes” mais parce que c’est tout un genre littéraire, pratiqué par plusieurs, le nostradamisme, lequel aura fini, de nos jours, par être présenté, bien à tort, comme le fait d’un seul homme.

Conclusion

   Les études nostradamiques en milieu anglo-saxon offrent un profil particulier ; un des aspects les plus remarquables tient au fait évident que la traduction des quatrains y est une nécessité qui ne s’impose pas en milieu francophone. Il est vrai qu’une telle situation encourage bien des excès surtout si, en plus, la connaissance de l’Histoire de France est forcément limitée et caricaturale chez le public anglophone. En comparant les travaux nostradamiques dans les divers pays du monde, force est d’ailleurs de constater que les quatrains sont perçus au travers des prismes culturels les plus divers et qu’ils sont à l’évidence sujets à des projections - on l’a vu pour les Américains (cf. supra). A partir du moment où la connaissance des réalités politiques française de la seconde moitié du XVIe siècle seront de plus en plus floues, il est évident que pèseront de plus en plus celle de connaissances plus récentes et de moins en moins françaises, ce qui conduira à s’extasier toujours davantage, non sans un certain cynisme, sur l’aptitude du mage de Salon à avoir annoncé des événements aussi éloignés de son temps, une façon comme une autre de ne pas s’attarder sur le caractère fort improbable du traitement que l’on fait subir aux quatrains !

   Une tradition anglo-saxonne de grande liberté exégétique a certainement découlé d’une telle situation de décalage, dès lors que le matériau se plaçait en une sorte d’apesanteur. C’est ainsi que dans l’Encyclopaedia, Lemesurier fournir l’intégralité des quatrains en français, accompagnés non pas d’une traduction anglaise mais d’une interprétation, avec des corrélations avec des événements de diverses époques. Or que comprend des quatrains le lecteur anglophone si ce n’est quelques mots épars se retrouvant en anglais, puisque l’anglais a beaucoup emprunté lexicalement au français ? Le chercheur français n’est pas confronté à une telle tentation et peut se permettre de laisser son lecteur face au texte d’origine, en le laissant se débrouiller tant et si bien que souvent les interprètes anglo-saxons ont une meilleure connaissance des Centuries que les français car ils ont du faire effort de comprendre les quatrains sans se contenter de les reproduire, avec l’illusion d’y trouver du sens. Le malentendu, c’est que les anglophones qui ne connaissent pas bien le français s’imaginent que s’ils ne comprennent pas les versets des quatrains, c’est parce qu’ils ne connaissent pas bien la langue française ou du moins la langue de l’époque Nostradamus ; ils ne se rendent pas compte que les lecteurs francophones ne sont pas beaucoup mieux lotis ; ils pensent donc que les traductions des quatrains ne sont qu’une formalité.

Jacques Halbronn
Paris, le 15 août 2004

Notes

1 Cf. nos Documents Inexploités sur le Phénomène Nostradamus, Feyzin, Ed. Ramkat, 2002, p. 242. Retour

2 Cf. “Astrologer and Mage”, Encyclopaedia, op. cit., pp. 54-84. Retour

3 Cf. Encyclopaedia, p. 130. Retour

4 Cf. notre “Panorama de la recherche nostradamologique au XXe siècle en France”, sur Espace Nostradamus. Retour

5 Cf. notre étude “Les Centuries comme pseudo-recueil de prophéties”, sur Espace Nostradamus. Retour

6 Cf. notre étude “Du néonostradamisme au précenturisme”, sur Espace Nostradamus. Retour

7 Cf. RCN, p. 172. Retour



 

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